Creed - L'Héritage de Rocky Balboa

Film : Creed - L'Héritage de Rocky Balboa (2015)

Réalisateur : Ryan Coogler

Acteurs : Michael B. Jordan (Adonis Johnson), Sylvester Stallone (Rocky Balboa), Tessa Thompson (Bianca), Phylicia Rashad (Mary Anne Creed)

Durée : 02:14:00


Rocky Balboa avait profondément divisé les fans. Le grand retour annoncé n'avait pas eu lieu, et la conclusion de la saga se terminait en un film très sentimental, quoique le scénario fût intéressant.

Pour relancer la machine « Rocky », la franchise a décidé de ressusciter (dans nos coeurs hein, vous emballez pas !) l'ex-adversaire de notre boxeur préféré, devenu son ami par la suite, Apollo Creed. Celui-ci réapparaît en effet dans les veines de son fils Adonis, abandonné suite à une sombre histoire de famille, bagarreur et doué comme son père. Mais comme le dit le proverbe, le génie, c'est du talent ET du travail. Adonis en a conscience et demande à Rambo, euh, Rocky, de l'entraîner. Son principal souci, à part augmenter son niveau, est d'échapper à son héritage « spirituel », qu'il refuse d'assumer tellement son paternel est grand, beau, fort, intelligent, noir et tout ça… Il veut se faire tout seul, l'Adonis, et non seulement c'est débile (c'est vrai quoi, quand on a eu un père champion du monde on se la raconte !), mais c'est surtout extrêmement difficile. Il y a d'ailleurs un paradoxe dans le fait de demander de l'aide à Rocky. Quelque part, ce dernier n'était-il pas l'ami de son père ?

Mais qu'à cela ne tienne. Les aficionados de la saga seront comblés. Non seulement Rocky accepte (non… ça c'est pas un spoil… ce suspens est vraiment tout pourri), mais de plus il n'a rien renié de ses entraînements à l'ancienne. L'apprenti boxeur va devoir courir après des poules, s’essouffler dans la rue, écouter les conseils avisés d'entraîneurs parqués dans une salle miteuse, courir après une voiture, maîtriser un rhinocéros, porter le Kremlin à une main et faire des bulles parfaitement cylindriques avec ses oreilles (bon j'avoue pour les trois derniers je me suis un peu enflammé mais pour le reste, ça vous rappelle quelque chose non ?).

C'était la première marque de Rocky, ce qui fait que le film assume pleinement sa filiation.

Dans la même idée, même si la bande musicale en appelle particulièrement au RAP, les chansons Waiting for my moment et surtout Lord Knows/Fighting stronger (confiées aux rappeurs Donald Glover et Vince Staples, ainsi qu'à la chanteuse de R'n'B Jhéné Aiko et au compositeur Ludwig Göransson) sont un écho intéressant et diversifié aux chansons Eye of the Tiger et Burning Heart, de Survivor.

Ces musiques ont toutes un point commun : celui de provoquer une irrésistible envie de se dépasser, ce qui est incontestablement un des thèmes principaux du film. Comme dans les opus précédents, Apollo va devoir s'attaquer à plus fort et mieux préparé, et tout faire pour se mettre au niveau malgré les ennuis de la vie. La boxe devient à nouveau une métaphore, très filée, du combat que nous devons tous mener contre soi, message clair, percutant et, disons-le, tout à fait sain. On retrouve les fameuses « Rocky steps » ou « marches de Rocky », qui conduisent au musée de Philadelphie, symbole de ce dépassement de soi, ainsi que la statue de Rocky au pied des mêmes marches, symbole de ce que Sylvester Stallone est totalement imbu de lui-même au point d'offrir une statue de lui à des conservateurs qui n'en veulent pas avant que le Conseil d'administration ne la leur impose devant le fronton du bâtiment. Mais ça c'est une autre histoire.

L'histoire entre Rocky et Apollo était belle et intéressante. Champion du monde sans aucun état d'âme pour son jeune adversaire dans le I et le II, Apollo est devenu un mentor pour son challenger, puis un ami dans le III. L'idée d'un adversaire qui a ses problèmes, sa famille et, somme toute, son humanité a fait son chemin. Dans le film, l'adversaire d'Adonis doit gagner, parce qu'il a des problèmes réels. Et même si son comportement laisse très grandement à désirer (il a des réactions de type Mike Tyson), le spectateur ne peut le détester complètement, ce qui l'aide d'ailleurs à accepter la fin.

S'il ne devient cependant pas son ami, il reste une donnée fondamentale de la série des Rocky qu'il fallait respecter pour être parfaitement dans le ton : « Adriaaaaaaaaaaan ! » Qui ne se rappelle de cette fameuse Adrian, que Rocky rencontre dans le premier épisode, puis qui le suit tout le long malgré quelques ennuis de santé dans le III ? Qui ne se rappelle de Rocky hurlant son nom à la fin des combats la tête tuméfiée et les yeux fermés ? Qui ne se rappelle de cette femme aussi menue que volontaire, qui sait envoyer à son boxeur de mari les uppercuts de vérité dont il a besoin ?

Hé bien là encore Creed satisfait le besoin des fans. Tessa Thompson incarne Bianca, LA jeune fille qui va accompagner Adonis dans son périple. Mais exit la bonne petite épouse au foyer. La bonne Adrian se transforme en chanteuse débutante, en femme active et tout aussi volontaire, qui s’inquiétera pour lui ou montera avec lui sur le ring.

Pâle copie des opus précédents ou originale continuité de la franchise ? Le spin-off sait reprendre les thématiques principales ainsi que les marques de l'original certes, mais il parvient à s'en distinguer. On a parlé de l'héritage du père, inexistant dans les autres… On pourra également parler de la lutte de Rocky contre la maladie, ultime profondeur de la métaphore d'une lutte contre soi. Boxe, combat intérieur, combat contre la maladie... Les scénaristes ont su réinventer le genre dans un film efficace qui emprunte aux codes du genre sans tomber dans la servilité, et qui saura faire vibrer les amoureux de la saga. On aurait pu espérer plus ? Moui, sans doute, mais c'est déjà très bien !