Dallas Buyers Club

Film : Dallas Buyers Club (2013)

Réalisateur : Jean-Marc Vallée

Acteurs :

Durée : 01:57:00


Dallas Buyers Club retrace le combat d'Américains lambdas face à l'industrie pharmaceutique des années 80, à travers la vraie lutte contre le sida de Ron Woodroof. 

Ron est un cow-boy franchement minable, dont la vie présente un triptyque lamentable : petit boulot, sexe, drogue. Grande gueule et égoïste, ce type prend conscience de l'importance de bien vivre lorsque la mort montre sa silhouette. 

Ce changement plus qu'inattendu (réplique qui pourrait être culte, le destin du film en décidera : « on ne tue pas Ron Woodroof en trente jours ! ») a bien évidemment sa part d'émotion, de noblesse d'âme : cette façon de comprendre que la vie compte, que l'humanité n'est pas une immense fourmilière absurde, attaque des défauts profondément ancrés chez notre cow-boy. 

 

Le film, malheureusement, se montre paradoxal quant à la finesse de ces changements : d'une part le côté « incorrigible » du personnage freine des quatre fers un bouleversement en lui, louable effort d'authenticité et de nuance, mais en revanche, Ron devient un saint défenseur des gays, travelos et cie après avoir été un infâme et primaire homophobe.

 Quel est le problème ? On sent beaucoup trop le message embrumé d'encens de la morale laïque de tel ou tel créateur du film, et résultat, on comprend mal comment ce gars qui se veut indépendant - mentalité de cow-boy oblige - peut retourner certaines de ses appréhensions avec tant d'ardeur, quand il traîne des pieds pour changer les autres. En un mot, ça sonne faux, sortant de sa bouche. 

 

Toutefois, même si on le frôle dans quelques scènes artificielles (on donne une bonne leçon à ces méchants homophobes : à peine manichéen), on n'a pas affaire à un message militant pour autant.

D'abord parce que le film s'intéresse plus à deux thèmes : l'évolution de son Ron, et le combat réel pour que la vie des malades passe avant les intérêts économiques de l'industrie pharmaceutique, déjà au banc d'accusation dans le récent Effets secondaires.

Ensuite parce que même si cela ne se lit que dans une bien solitaire réplique, l'histoire de Rayon, caractérisée par sa crise d'identité qui le fait se comporter en femme alors qu'il ne l'est pas plus que son collègue Ron, est bien plus belle qu'un combat pour être reconnu comme quelqu'un comme les autres : ce type est malheureux, et semble subir son état. L'analyse aurait pu être profonde, mais le film ne s'y attarde pas ; dommage. 

Ron aurait pu s'intéresser lui-même à ce complexe profond, qui semble ronger l'autre, mais son respect d'autrui kantien le laisse dans un statut quo sans aucune empathie, sans volonté de comprendre et surtout d'aider l'étrange Rayon.

C'est même vraiment dommage, il y aurait eu plus de place pour le talent de Jared Leto qui joue Rayon, qui est tout de même nommé à l'Oscar du meilleur second rôle masculin, et non féminin (ces vieux homophobes ringards des Oscars …), qu'il doit sans doute autant à sa prestation (vraiment brillante) qu'à son personnage …

 

Dallas Buyers Club est un film assez irrévérencieux : si la transformation par le face-à-face avec la mort est noble, il n'en reste pas moins que bon nombre de scènes ne le sont pas, mais alors là, pas du tout. Une allure Nouvel Hollywood que les jeunes réalisateurs actuels remettent en vogue pour avoir été « bercés » par le cinéma américain des années 70-80.

Ambiance colorée, poussiéreuse, sale et rouillée : l'Amérique de la classe modeste de 1985 est admirablement rendue, surtout à travers ce fameux cow-boy, que Mac Conaughey interprète admirablement bien, tant dans un jeu parfois très difficile, que dans une composition travaillée (allez, 22 kilos de perdus !), qui le rend méconnaissable, personnel et très crédible. 

 

Au final, un film dont l'histoire s'avère à la fois touchante, intéressante et gênante, pour ses qualités d'introspection, de narration (fluide, agréable), et de revendications politiques qui … qui n'ont pas pris une ride, disons. Certes non irréprochable, Dallas Buyers Club est tout de même un vrai moment de cinéma.