Dans la cour

Film : Dans la cour (2014)

Réalisateur : Pierre Salvadori

Acteurs : Catherine Deneuve (Mathilde), Gustave Kervern (Antoine), Féodor Atkine (Serge), Pio Marmai (Stéphane)

Durée : 01:37:00


Pas besoin de super-héros et de catastrophes apocalyptiques pour intéresser le spectateur. Le quotidien suffit. Il y a deux façons de voir avec réalisme l’ordinaire : l’ennui profond, la vie absurde, l’errance, en quelques mots, le navet Quelques heures de printemps (Stéphane Brizé, 2012), qui explique que la vie, c’est forcément plus ennuyeux que la mort (surtout devant le film d’ailleurs). Et il y a l’observation attentive de ce que les petites choses de la vie ont de délicieux.

Même si on est vieux, même si la folie de la jeunesse est passée ! Car dans la grande copropriété parisienne dans laquelle le film installe son huis clos, on finit par se croire « dans un vrai asile de fous », comme le dit si bien un des personnages.
On s’amuse tellement, les deux tiers du film sont drôles et touchants, avec une petite bonne femme ultra stressée, et un gros nounours concierge adorable. Vraiment, une comédie humaine où le comique se présente sous de nombreuses formes, et notamment un excellent souci du petit « détail qui tue ».

Mais il ne s’agit pas que de rire. Dans la cour est l’histoire d’une amitié entre ces deux êtres un peu au bout du rouleau. La première, parce qu’elle ne s’arrête jamais, dans tout ce qu’elle fait, ce qui laisse l’angoisse, peu à peu écrasante, s’installer, et le second, pour une profonde amertume, celle où l’on sent qu’il est temps de se retirer.

L’amitié est ici capitale, car c’est, d’un côté, elle qui permet de comprendre la folie de l’autre, et d’essayer d’y remédier calmement, sereinement, et en même temps, elle est le risque de ne pas tirer la sonnette d’alarme quand on commence à débloquer, ce que la bonne dame fait. Le mari ne comprend pas, manifestement, c’est la première fois que sa femme change à ce point, et demeure impuissant devant cette fracture qui se fait en elle.

Le refuge, c’est ce bon concierge gentil comme tout, qui ne juge pas les autres et participe un poil à la notion de charité version socialiste, la « solidarité ». Mais s’il se fait si petit par rapport aux autres, ce n’est pas vraiment par humilité, c’est plutôt parce qu’il sent qu’il n’a plus rien à tirer de la vie. Ainsi, ça snife dur le crack, pour surnager … et fait déprimer plus encore.

Tout n’est pas drôle dans la vie, mais chacun porte une part de ridicule croustillante et en même temps de bonté qui nous rend plus profonds que de simples pantins risibles. Le concierge n’est donc pas un ange, comme on lui dit pourtant, car trop de gentillesse ... tue la gentillesse ! Cette douceur qui le caractérise le rend faible, sans autorité, manipulable, et devant les problèmes, cela tourne à la politique de l’autruche. Difficile de ménager la chèvre et le chou. C’est le rôle du gardien d’immeuble !

Avec une réalisation sans nulle prétention, discrète au possible (musique, image etc), tout est sobre et réaliste pour laisser la scène aux personnages, bien interprétés d’ailleurs. Ce n’est pas la première fois que ce réalisateur, Pierre Salvadori, se penche sur l’amitié et la richesse des simples gens (Après Vous …, De Vrais Mensonges) ; c’est cette fois-ci avec un passage du drôle et de l’enfantin, vers le dur et le complexe, donc une facette plus sombre que d’habitude.

En quelques mots donc, une attendrissante histoire d’amitié, théâtrale et intime.