Dans l'ombre de Mary, la promesse de Walt Disney

Film : Dans l'ombre de Mary, la promesse de Walt Disney (2013)

Réalisateur : John Lee Hancock

Acteurs : Tom Hanks (Walt Disney), Emma Thompson (P.L. Travers), Paul Giamatti (Ralph), Jason Schwartzman (Richard Morton Sherman)

Durée : 02:11:00


Qui s'est déjà posé la question de savoir comment était né le célèbre film Mary Poppins ? Probablement personne. Ian Collie, lui, se l’est posée, et a produit en 2002 le documentaire The Shadow of Mary Poppins (L’Ombre de Mary Poppins) réalisé par Lisa Matthews, qui propose un portrait de P.L. Travers, l’auteur des romans.

Les studios Disney se sont logiquement laissés convaincre de produire le film qui non seulement revient sur l’un de leur plus grand chef-d’œuvre mais se révèle être une bonne occasion de parler de leur illustre fondateur.

Certes on ne discute pas des goûts et des couleurs, mais Mary Poppins était une comédie musicale plutôt réussie qui nous a laissé de nombreux airs dans la tête dont le fameux « Supercalifragilisticexpialidocious » ! Mais au-delà de ça, Mary Poppins était un drame humain et familial poignant qui traitait de sujets importants comme la mort, le travail, l'argent, le détachement.

Dans l’ombre de Mary a bénéficié d’un scénario de qualité amorcé par Sue Smith et renforcé par Kelly Marcel. Quoique peu expérimentées, les scénaristes ont construit une histoire formellement classique mais intelligente autour du véritable passé de P.L. Travers (née Helen Goff) et sa cession de droits chaotique à Disney (qui a attendu vingt ans). Ces deux aspects prendront la forme d’un montage parallèle au moment de la réalisation. Les séquences du passé sont d’ailleurs l’occasion de nombreux clins d’œil à l’œuvre et au film de 1964 pour bien signifier leur lien étroit.

Les personnages sont bien écrits et interprétés par des acteurs qu’on ne présente plus, tels Tom Hanks, Emma Thompson, Paul Giamatti ou Colin Farrell. Le registre émotionnel est assez classique mais efficace. Comme souvent dans les « histoires vraies » les cinéastes jonglent avec les scènes dramatiques et comiques. Quelques scènes musicales viennent aussi s’ajouter qui montrent les frères Sherman composer les chansons cultes du film. Les nostalgiques apprécieront.

Il est vrai que l’histoire de Travers est intéressante. Les traumatismes de son enfance l’ont poursuivie toute sa vie au point de devenir l’essence de ses romans. Le film retrace en définitive un passionnant processus de création, de la vie à l’œuvre, tout en abordant l’épineux problème de l’adaptation de l’écriture à l’écran. Une critique fréquente consiste en effet à dire qu’un film n’est pas fidèle au roman. Pour notre part, nous abordons avec beaucoup de prudence cette idée. Un film n’est pas un livre. Le langage, la grammaire, les médias d’émotions diffèrent totalement. La fidélité à la linéarité de l’histoire ou à des événements précis n’est pas le plus important. Toute la problématique a été justement de prouver à Travers qu’on pouvait faire un film conforme à l’esprit de Mary Poppins tout en changeant de forme. On comprend que voir son roman, avec ce qu’il comporte de drame, finir en comédie musicale hollywoodienne puisse paraître cauchemardesque. Mais le génie de Disney a été justement de conserver l’esprit en se libérant de la lettre. Un message, rationnel ou émotionnel, peut être délivré par différents postiers, son effet devrait rester le même. Plus bibliquement, la lettre tue, mais l’esprit vivifie.

S’il en était besoin, le film rappelle que derrière les belles histoires se cache toujours une aventure humaine riche avec ses joies et ses peines. Les conteurs sont précisément là, non pas pour raconter des faits, mais pour les transcender et en extraire l’essence morale. La scénariste Kelly Marcel a travaillé dans cette direction : « Ce film délivre selon moi un message important sur le pardon, le poids du passé, l’importance de l’acceptation, et je suis attirée par les projets qui ont un message positif. » (in dossier de presse). Ce thème peut paraître bateau mais il reste fondamental. Chaque homme ayant un passé avec sa part d’obscurité, ses souffrances, ses frustrations, personne n’échappe, dans une certaine mesure, à la question du dépassement de son moi blessé. Nous ignorons jusqu’à quel point l’histoire est romancée par le film, mais le rapprochement de Travers avec Walt Disney a permis à l’auteur de lâcher prise, d’accepter le partage de ce qu’elle avait toujours caché derrière un pseudonyme. Peu importe ce qui s’est réellement passé, le film véhicule une grande positivité qui sera certes jugée trop tire-larmes par certains mais enthousiasmante par d’autres.