Fils du producteur/auteur/réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, Jonas Cuaron réalise sa première production mondiale, 10 ans après son premier métrage, Año Uña. Il s’inscrit dans la dynastie de son père, pour qui il écrivit le formidable Gravity, et des deux autres grands réalisateurs mexicains ayant conquit Hollywood : Del Torro, ponte du fantasque fantastique, et Iñaritu, le perfectionniste mégalomane récemment responsable de Birdman et The Revenant.
Jonas Cuaron hérite de ces trios tontons du cinéma mexicain une maîtrise académique du scénario hollywoodien, toujours bouleversé par un changement de point de vue : les USA, constamment personnage principal, sont abordés d’un regard extérieur. L'anastrophe est flagrante dans Desierto qui voit les rôles mythiques du cowboy et des Indiens s’inverser. Le cowboy, stetson vissé sur une gueule barbue, vieillie par le sable et vernie par le soleil, avec un pick-up pour toute monture, prend la place de l’indien : celui qui lançait bêtement et machinalement ses flèches sur les trains de l’homme moderne. Le Mexicain, tel est le nouvel et brave allochtone, perdu dans un désert qu’il pensait être un monde meilleur.
De ce point de vue, le travail de réalisation est propre et efficace. Dès le premier plan, le désert éponyme s’impose comme personnage, sujet, élément perturbateur, adjuvant et adversaire. Quand Moïse (nous reviendrons sur l’inexprimable finesse du choix de ce prénom) est poursuivi par le chien, c’est le désert qui le sauve, quand le tour vient à Mechas, le désert l’emporte… La caméra expose très clairement la relation entre le désert et l’homme : l’immensité qui cache le traqué et fait disparaître l’égaré.
Du Moïse de la bible, le héros ne garde que le nom et, dirons-nous, une même passion pour la traversée du désert. Avec son passé de père absent et son faible entrain à secourir le prochain, il est ce qu’on appelle un minable… en rémission, certes. Heureusement pour lui, il est entouré de bien pires crapules, ce qui lui confère le titre peu reluisant de héros relatif. La médiocrité ne faisait pas partie des westerns américains d’antan — plus enclins à louer l’héroïsme, au prix parfois d’un certain machisme — c’est peut-être là la participation, la touche, du mexicain Jonas Cuaron dans un cinéma américain qui, à l’image du pays, se mexicanise. La rencontre du socialisme latin et de la beauferie yankee, voilà ce qu’est Desierto ; des tacos au coca : ça pique, c’est aigre-doux, mais avec un fort arrière-gout de déjà vu.
Fils du producteur/auteur/réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, Jonas Cuaron réalise sa première production mondiale, 10 ans après son premier métrage, Año Uña. Il s’inscrit dans la dynastie de son père, pour qui il écrivit le formidable Gravity, et des deux autres grands réalisateurs mexicains ayant conquit Hollywood : Del Torro, ponte du fantasque fantastique, et Iñaritu, le perfectionniste mégalomane récemment responsable de Birdman et The Revenant.
Jonas Cuaron hérite de ces trios tontons du cinéma mexicain une maîtrise académique du scénario hollywoodien, toujours bouleversé par un changement de point de vue : les USA, constamment personnage principal, sont abordés d’un regard extérieur. L'anastrophe est flagrante dans Desierto qui voit les rôles mythiques du cowboy et des Indiens s’inverser. Le cowboy, stetson vissé sur une gueule barbue, vieillie par le sable et vernie par le soleil, avec un pick-up pour toute monture, prend la place de l’indien : celui qui lançait bêtement et machinalement ses flèches sur les trains de l’homme moderne. Le Mexicain, tel est le nouvel et brave allochtone, perdu dans un désert qu’il pensait être un monde meilleur.
De ce point de vue, le travail de réalisation est propre et efficace. Dès le premier plan, le désert éponyme s’impose comme personnage, sujet, élément perturbateur, adjuvant et adversaire. Quand Moïse (nous reviendrons sur l’inexprimable finesse du choix de ce prénom) est poursuivi par le chien, c’est le désert qui le sauve, quand le tour vient à Mechas, le désert l’emporte… La caméra expose très clairement la relation entre le désert et l’homme : l’immensité qui cache le traqué et fait disparaître l’égaré.
Du Moïse de la bible, le héros ne garde que le nom et, dirons-nous, une même passion pour la traversée du désert. Avec son passé de père absent et son faible entrain à secourir le prochain, il est ce qu’on appelle un minable… en rémission, certes. Heureusement pour lui, il est entouré de bien pires crapules, ce qui lui confère le titre peu reluisant de héros relatif. La médiocrité ne faisait pas partie des westerns américains d’antan — plus enclins à louer l’héroïsme, au prix parfois d’un certain machisme — c’est peut-être là la participation, la touche, du mexicain Jonas Cuaron dans un cinéma américain qui, à l’image du pays, se mexicanise. La rencontre du socialisme latin et de la beauferie yankee, voilà ce qu’est Desierto ; des tacos au coca : ça pique, c’est aigre-doux, mais avec un fort arrière-gout de déjà vu.