Deux frères

Film : Deux frères (2004)

Réalisateur : Jean-Jacques Annaud

Acteurs : Guy Pearce (Aidan McRory), Jean-Claude Dreyfus (Monsieur Normandin), Philippine Leroy-Beaulieu (Mathilde Normandin), Freddie Highmore (Raoul Normandin), Moussa Maaskri (Saladin), Vincent Scarito (...

Durée : 01:50:00


A travers son film, Jean-Jacques Annaud cherche à montrer le monde du point de vue des deux tigres, point de vue alterné et utilisé comme fil conducteur principal tout le long du récit.

Dans cette optique, beaucoup de plans se construisent autour du regard que les deux félins portent sur leur entourage direct; regard qui fut longuement travaillé par une «mise dans l’ambiance » des bêtes de scène.

Ici, le tigre -
terreur de la jungle – n’incarne plus le féroce prédateur et mangeur d’hommes, préjugé poussant ces derniers à fuir cet animal qui par nature craint l’homme, l’étendu de ses facultés étant normalement inconnue du félin.

Cette réalité est parfaitement démontrée dans ce long-métrage qui pousse davantage le raisonnement: non seulement les hommes craignent le tigre par erreur, mais encore cette erreur les pousse à une agressivité qui fait d’eux et malgré eux les prédateurs du «prédateur », tandis qu’ils n’aurait nul besoin de combattre s’ils avaient laissé les félins sur leur propres territoire.

Ainsi les voit-on sonner l’alerte et saisir leurs armes dès qu’un tigre se manifeste.

L’innocence des deux frères se traduit par de magnifiques décors très ensoleillés, le silence et la paix, tandis que le monde de l’homme assoiffé de gloire, de chasse et de richesse est balayé par la poussière, conditionné par l’argent et
représenté par un chef d’Etat mal dans sa peau, incompétent et marié à une femme risible.

« Deux frères » se montre aussi poétique que cruel, et dénonce l’attitude destructrice et manipulatrice de l’homme sur tout ce qui peut lui être soumis.

Citons les feux de forêt, la chasse motivée par la gloire ou la fortune, la détention d’animaux en cage qui ne peuvent se mouvoir qu’à l’occasion de démonstrations de cirque où leurs prouesses ne constituent qu’une nouvelle forme d’emprisonnement physique par le biais de mouvement codifiés.

Les seuls humains qui sauront se lier d’amitié avec les tigres ne sont finalement que les deux personnages qui répondent le mieux au caractère de ces félins et qui en comprennent bien la psychologie: l’enfant et l’aventurier remplis de douceur vis à vis de leur animal.

Dans son œuvre, le cinéaste trouve la technique adéquate à chaque scène de façon que
celle-ci soit parfaitement claire et présentable pour tout public, même dans le cas d’une tragédie sanglante où l’action suggérée ne s’en trouve pas pour autant plus ambiguë.

Les plans sont beaux, décents et la violence trouve une place secondaire au sein des images afin de laisser primer l’émotion: ainsi ce dernier aspect - ingrédient essentiel de l’histoire – ne subit pas les parasites d’une gêne ou d’une peur du spectateur qui nuirait à la fluidité du film et à la clarté de son message.

Il nous enseigne également le courage, la patience et la persévérance dans l’épreuve, trois qualités qui poussent le sujet au bout de son chemin s’il ne faiblit pas devant les embûches que la Société saura toujours mettre sur son parcours…

Le médium de l’image implique l’identification du spectateur au personnage.

Dans le film de Jean-Jacques Annaud, cette identification qui s’opère autour des
deux tigres, les Deux Frères, doit-elle nous exhorter à adopter l’attitude « noble » de ces derniers qui forment la métaphore de nos meilleurs aspects instinctifs?

Doit-elle au contraire ouvrir notre regard sur la faiblesse de l’esprit de l’homme et son aveuglement dans le déchaînement de ses passions?

Doit-elle enfin nous montrer les meilleurs aspects de la nature dualiste de l’homme composé d’une âme et d’un corps, et l’harmonisation de ces derniers à leur profit respectif ?

Jean-Noël COUSIN