Tiré du roman éponyme de James Sallis en 2006, Drive est un film surprenant ! On attend (ou on craint, selon les goûts) un film d'action fait de course-poursuites, de moteurs rugissants, de jolies filles en bikini en pâmoison sur les capots, que nenni ! Dans un jeu de lumières (plus que dans l'utilisation du grand angle, signature habituelle du réalisateur) que n'aurait pas renié Jun'ichirō Tanizaki,
auteur en 1977 du célèbre ouvrage Éloge de l'ombre, Ryan Gosling montre le visage impassible d'un homme aux nerfs d'acier, qui joue à cache-cache avec la police en se faufilant comme un félin entre les voitures. « J’ai toujours rêvé de tourner dans un film d’action, explique Ryan Gosling dans le dossier de presse, mais aujourd’hui ce genre a tendance à faire la part belle à l’action uniquement, au détriment des personnages. Ce scénario m’a plu car il reposait sur un personnage très fort, tout en développant une histoire d’amour complexe. »
Le rôle de héros taciturne au grand cœur, calme et doux mais prêt à rugir quand le motif l'exige, ne semble pas un costard trop grand pour l'acteur en vogue (trois films en 2011 avec Crazy, Stupid Love et Blue
Valentine), qui le porte sur-mesure et sans plis. Mark Platt, producteur, se souvient : « Il m’a rappelé certains héros de ma jeunesse, des personnages de cinéma que j’admirais, interprétés par Steve McQueen ou Clint Eastwood. Des hommes à poigne, peu bavards, qui s’expriment à travers leurs actes. »
Plus encore, on y trouve même une authentique histoire d'amour impossible, emmenée par une Carey Mulligan juste assez convaincante. Irène est en effet mariée à un homme incarcéré, qui en ressort pour mieux se fourrer dans les embêtements. La relation qu'elle va nourrir avec son séduisant voisin est presque platonique, puisque le pilote n'y cueille qu'un baiser, mais elle suffit à ébrécher sérieusement la
cuirasse de notre chevalier sans peur mais plus sans reproche (« Ryan a quelque chose du cow-boy solitaire, mais à la minute où la caméra se met à tourner, il se transforme en chevalier, » raconte Carey Mulligan). C'est vrai quoi ! Touche pas ma femme ou j'te pète ton nez, Ryan Gosling !
D'autant que le mari en question n'est pas assez salaud pour mériter ça. Il est aimant, de bonne volonté, conscient d'avoir des choses à réparer. Paumé certes, mais plutôt sympa, en somme...
Allons plus loin : ce pauvre homme sera même la victime du pilote, puisque ce dernier, pour l'aider, proposera d'être son chauffeur pour un braquage qui tournera mal.
L'acteur Bryan Cranston explique comment il a développé son rôle pour l'&
eacute;loigner un peu du roman original : « À l’origine, mon personnage était un malfrat, un véritable criminel professionnel. Ça ne me plaisait pas trop. Lorsque j’ai rencontré Nicolas, il m’a dépeint l’univers du film, et nous avons transformé le personnage pour en faire un homme dont l’objectif est d’ouvrir un restaurant, mais qui a fait de mauvais choix dans sa vie, ce qui le place dans une position « délicate ». En donnant au personnage plus de profondeur, nous avons rendu l’histoire plus convaincante. »
Trop bonne actrice pour être insipide, Carey Mulligan peine en revanche à enfiler ce rôle beaucoup trop petit pour elle. Elle aime Standard Guzman, son mari, son enfant, mais aussi son voisin de palier. C'est en fait la plus perdue du film et qui, on l'aura compris, ne s'
embarrasse pas de grande fidélité. Même Lassie était plus fiable, mais Standard n'aurait pas pu l'épouser : c'est un chien.
L'inconsistance de son rôle est donc à peine rattrapée par ce petit sourire en coin que la jeune femme arborait déjà dans Une éducation (de Lone Sherfig en 2009), et qui lui donne un air un peu intelligent.
Mais ne pleurez pas sur elle, qui l'a bien cherché : « lorsque j’ai reçu le scénario trois semaines plus tard, je suis tombée amoureuse de cette histoire et j’ai fait des pieds et des mains pour décrocher le rôle. »
Soucieux de montrer un visage réaliste de la mafia Nicolas Winding Refn, fort sympathique depuis qu'il a &
eacute;té renvoyé des cours d'art dramatique pour avoir jeté un bureau en cours, n'hésite pas à montrer la violence sous son jour le plus cru. Et vlan le couteau dans la gorge, et splash la lame dans l’œil...
Pourtant on ne peut affirmer que cette violence est complaisante. N'arrivant que fort tard après le début du film, elle témoigne en fait d'un souci de réalisme et sert même à camper judicieusement les personnages. On a déjà parlé des clairs-obscurs qui ponctuent le film. Hé bien « The driver, » surnom du personnage incarné par Ryan Gosling, est effectivement un personnage pluriel qui révèle deux facettes. Comme l'explique la productrice Gigi Pritzker, établissant un parallèle entre l'acteur et son personnage, « sous un calme apparent, Ryan cache un tempérament de feu. C&
rsquo;était très excitant de le voir endosser ce rôle, car il est aux antipodes de ce qu’il a pu faire auparavant. Son personnage nous emporte dans une course folle, à la fois exaltante et riche en émotions. » Tendre et attentionné quand il parle (peu il est vrai) à Irène et plus encore à son fils, il est capable de péter une durite dans un ascenseur et de broyer littéralement le visage d'un flingueur à grands coups de pieds, ou bien de casser au marteau les doigts d'un mafieux assez peu coopératif.
C'est ce qui blesse un peu l'image du film. Alors que ce dernier tente d'atteindre une esthétique qu'il touche parfois, trahissant une ambition de bon aloi, il quitte soudainement ses prétentions pour montrer brutalement ce qu'il aurait pu simplement laisser entendre.
Ce regret est valable pour la collection de
seins nus qui s'affiche au beau milieu de la pellicule. Oui les danseuses ont la poitrine nues dans les vestiaires d'un cabaret, c'est entendu ! Mais cet étalage soudain de chair rose télescope quelque peu la poésie (toute relative en fait) auquel il prétend dans cet idylle avec Irène.
Ces passages du rêve au cauchemar tissent donc un patchwork quelque peu distendu, quand le film aurait pu être un velours.
Dommage !
Tiré du roman éponyme de James Sallis en 2006, Drive est un film surprenant ! On attend (ou on craint, selon les goûts) un film d'action fait de course-poursuites, de moteurs rugissants, de jolies filles en bikini en pâmoison sur les capots, que nenni ! Dans un jeu de lumières (plus que dans l'utilisation du grand angle, signature habituelle du réalisateur) que n'aurait pas renié Jun'ichirō Tanizaki,
auteur en 1977 du célèbre ouvrage Éloge de l'ombre, Ryan Gosling montre le visage impassible d'un homme aux nerfs d'acier, qui joue à cache-cache avec la police en se faufilant comme un félin entre les voitures. « J’ai toujours rêvé de tourner dans un film d’action, explique Ryan Gosling dans le dossier de presse, mais aujourd’hui ce genre a tendance à faire la part belle à l’action uniquement, au détriment des personnages. Ce scénario m’a plu car il reposait sur un personnage très fort, tout en développant une histoire d’amour complexe. »
Le rôle de héros taciturne au grand cœur, calme et doux mais prêt à rugir quand le motif l'exige, ne semble pas un costard trop grand pour l'acteur en vogue (trois films en 2011 avec Crazy, Stupid Love et Blue
Valentine), qui le porte sur-mesure et sans plis. Mark Platt, producteur, se souvient : « Il m’a rappelé certains héros de ma jeunesse, des personnages de cinéma que j’admirais, interprétés par Steve McQueen ou Clint Eastwood. Des hommes à poigne, peu bavards, qui s’expriment à travers leurs actes. »
Plus encore, on y trouve même une authentique histoire d'amour impossible, emmenée par une Carey Mulligan juste assez convaincante. Irène est en effet mariée à un homme incarcéré, qui en ressort pour mieux se fourrer dans les embêtements. La relation qu'elle va nourrir avec son séduisant voisin est presque platonique, puisque le pilote n'y cueille qu'un baiser, mais elle suffit à ébrécher sérieusement la
cuirasse de notre chevalier sans peur mais plus sans reproche (« Ryan a quelque chose du cow-boy solitaire, mais à la minute où la caméra se met à tourner, il se transforme en chevalier, » raconte Carey Mulligan). C'est vrai quoi ! Touche pas ma femme ou j'te pète ton nez, Ryan Gosling !
D'autant que le mari en question n'est pas assez salaud pour mériter ça. Il est aimant, de bonne volonté, conscient d'avoir des choses à réparer. Paumé certes, mais plutôt sympa, en somme...
Allons plus loin : ce pauvre homme sera même la victime du pilote, puisque ce dernier, pour l'aider, proposera d'être son chauffeur pour un braquage qui tournera mal.
L'acteur Bryan Cranston explique comment il a développé son rôle pour l'&
eacute;loigner un peu du roman original : « À l’origine, mon personnage était un malfrat, un véritable criminel professionnel. Ça ne me plaisait pas trop. Lorsque j’ai rencontré Nicolas, il m’a dépeint l’univers du film, et nous avons transformé le personnage pour en faire un homme dont l’objectif est d’ouvrir un restaurant, mais qui a fait de mauvais choix dans sa vie, ce qui le place dans une position « délicate ». En donnant au personnage plus de profondeur, nous avons rendu l’histoire plus convaincante. »
Trop bonne actrice pour être insipide, Carey Mulligan peine en revanche à enfiler ce rôle beaucoup trop petit pour elle. Elle aime Standard Guzman, son mari, son enfant, mais aussi son voisin de palier. C'est en fait la plus perdue du film et qui, on l'aura compris, ne s'
embarrasse pas de grande fidélité. Même Lassie était plus fiable, mais Standard n'aurait pas pu l'épouser : c'est un chien.
L'inconsistance de son rôle est donc à peine rattrapée par ce petit sourire en coin que la jeune femme arborait déjà dans Une éducation (de Lone Sherfig en 2009), et qui lui donne un air un peu intelligent.
Mais ne pleurez pas sur elle, qui l'a bien cherché : « lorsque j’ai reçu le scénario trois semaines plus tard, je suis tombée amoureuse de cette histoire et j’ai fait des pieds et des mains pour décrocher le rôle. »
Soucieux de montrer un visage réaliste de la mafia Nicolas Winding Refn, fort sympathique depuis qu'il a &
eacute;té renvoyé des cours d'art dramatique pour avoir jeté un bureau en cours, n'hésite pas à montrer la violence sous son jour le plus cru. Et vlan le couteau dans la gorge, et splash la lame dans l’œil...
Pourtant on ne peut affirmer que cette violence est complaisante. N'arrivant que fort tard après le début du film, elle témoigne en fait d'un souci de réalisme et sert même à camper judicieusement les personnages. On a déjà parlé des clairs-obscurs qui ponctuent le film. Hé bien « The driver, » surnom du personnage incarné par Ryan Gosling, est effectivement un personnage pluriel qui révèle deux facettes. Comme l'explique la productrice Gigi Pritzker, établissant un parallèle entre l'acteur et son personnage, « sous un calme apparent, Ryan cache un tempérament de feu. C&
rsquo;était très excitant de le voir endosser ce rôle, car il est aux antipodes de ce qu’il a pu faire auparavant. Son personnage nous emporte dans une course folle, à la fois exaltante et riche en émotions. » Tendre et attentionné quand il parle (peu il est vrai) à Irène et plus encore à son fils, il est capable de péter une durite dans un ascenseur et de broyer littéralement le visage d'un flingueur à grands coups de pieds, ou bien de casser au marteau les doigts d'un mafieux assez peu coopératif.
C'est ce qui blesse un peu l'image du film. Alors que ce dernier tente d'atteindre une esthétique qu'il touche parfois, trahissant une ambition de bon aloi, il quitte soudainement ses prétentions pour montrer brutalement ce qu'il aurait pu simplement laisser entendre.
Ce regret est valable pour la collection de
seins nus qui s'affiche au beau milieu de la pellicule. Oui les danseuses ont la poitrine nues dans les vestiaires d'un cabaret, c'est entendu ! Mais cet étalage soudain de chair rose télescope quelque peu la poésie (toute relative en fait) auquel il prétend dans cet idylle avec Irène.
Ces passages du rêve au cauchemar tissent donc un patchwork quelque peu distendu, quand le film aurait pu être un velours.
Dommage !