Droit de passage

Film : Droit de passage (2010)

Réalisateur : Wayne Kramer

Acteurs : Harrisson Ford (Max Brogan), Ray Liotta (Cole Frankel), Ashley Judd (Denise Frankel), Cliff Curtis (Hamid Baraheri)

Durée : 01:52:00


Droit de passage est un film social sur un thème récurrent : l’immigration et l'intégration aux États-unis. Certains américains sont fiers de leur terre d’accueil, quand d'autres dénoncent les échecs du melting pot et, lorsque le réalisateur Wayne Kramer explique que l'immigration a contribué à forger l'identité américaine, en ajoutant que ce pays a toujours été une terre d'accueil, et qu’il déplore les courants xénophobes qui s'y répandent depuis peu, on devine aisément son point de vue, d'autant qu'il est lui-même sud-africain et n’a obtenu la naturalisation américaine qu’en 2000. Il adopte de ce fait une double attitude : d’un côté il est éternellement reconnaissant à l’oncle Sam d'avoir voulu de lui dans sa cabane, et d’un autre côté il est sévère à l’égard de ceux qui ne respectent pas la chance qu’on leur offre. Droit de passage balaye un grand nombre de situations traduisant la diversité des motivations des immigrants. Pour ce faire, le moyen cinématographique sans doute le plus approprié était celui du film choral, genre stylistique souvent très efficace pour peindre la société américaine au travers de quelques destins bien choisis. Kramer suit la perte de repère d’un jeune coréen, le déshonneur d’une jeune actrice australienne qui livre son corps pour une carte de séjour, la tourmente familiale d’un jeune policier iranien, la détresse d’une jeune musulmane en situation irrégulière et soupçonnée de sympathie avec le Jihad, une mère mexicaine qui tente désespérément de passer la frontière pour un travail… Au milieu de ce pot-pourri assez réaliste, le personnage Max Brogan (interprété par un Harrison Ford vieillissant mais charismatique), agent du service de l’immigration connu pour sa clémence, fait son devoir tout en aidant ceux qu’il peut aider. Il faut reconnaître que le scénario et le montage, déterminants dans ce genre, ont bénéficié d’un travail sérieux et réfléchi : on ne se perd pas dans les différentes histoires, ce qui permet aux spectateurs de s’attacher aux portraits concis et soignés. Outre le sentiment de déjà-vu pour les habitués du film choral social, ou ceux qui auront visionné Gran Torino de Clint Eastwood, certains écueils n’ont pas été évités. Archétypales et caricaturales, certaines situations versent dans la sensiblerie, ce qui résulte de l’intention du réalisateur : faire un film qui montre le fonctionnement du système, tout en donnant le point de vue des immigrants. Si la démarche est bonne, l’objectivité et la subjectivité ne font pourtant pas toujours un couple heureux. Montrer le fonctionnement d’un système est une démarche objective, tandis qu’un point de vue est subjectif. Il en découle un paradoxe qui vient perturber la portée de l’œuvre. Si l’on tente de définir le message du film, l’on se retrouve face à un film pédagogique qui sert de manuel de conduite à la fois pour l’entrant et pour l’accueillant. Ce film moralisateur (les actions immorales ou illégales finissent par être punies ) n’apporte donc pas grand-chose tant sur la question du fonctionnement que sur celle de la vie des immigrants. Le système est réduit à un jeu de pouvoir, de corruption et de manipulation : le FBI fait du chantage politique, le bureaucrate du chantage sexuel… Nous sommes donc en présence d’un film de facture honorable, mais dont le message, pourtant très personnel, manque de personnalité et de force de proposition.