Du silence et des ombres

Film : Du silence et des ombres (1962)

Réalisateur : Robert Mulligan

Acteurs : Gregory Peck (Atticus Finch), Mary Badham (Jean Louise Finch), Phillip Alford (Jeremy Finch), Robert Duvall (Arthur 'Boo' Radley)

Durée : 02:09:00


Comment diable en est-on arrivé à traduire le titre anglais « To Kill A Mockingbird » (tuer un rossignol) par « Du silence et des ombres » ? C'est là un des nombreux mystères de la traduction française, qui n'en finit pas de surprendre. Le titre est pourtant parfaitement explicite et, surtout, le rossignol est très clairement une référence dans le film.

Bref... Encore un bon motif pour les partisans de la peine de mort appliquée aux traducteurs trop créatifs...

Ce film est un enchevêtrement de thèmes passionnants dans l'écrin technique sans faute d'un thriller qui lui mérita trois oscars (celui du meilleur réalisateur) et trois Golden globes, tout ça à une époque où les récompenses voulaient encore dire quelque chose !

Tout en effet respire le métier et le talent dans ce film. Gregory Peck incarne magnifiquement un homme droit, juste, maître de lui, et très fort sans être brutal une seule fois. Les enfants sont remarquablement bien joués par Mary Badham et Phillip Alford, dont l'art de la pantomime confère à la pellicule ses accents dramatiques. La musique sait se faire oublier pour mieux porter l'intensité des scènes d'angoisse et l'utilisation des lumières est remarquable (dessinant des ombres qui, on l'imagine, sont censées justifier le titre francophone).

Les idées véhiculées par le scénario ne sont pas en reste.

On y retrouve d'abord le thème de l'innocence confrontée à la violence de la réalité, innocence que Robert Mulligan avait déjà confrontée à l'horreur dans Prisonnier de la peur sous la forme d'un handicapé, et qu'il mettra de nouveau en scène dans L'autre. Dans ce dernier film comme dans celui qui nous préoccupe, c'est l'enfance qui sera à l'honneur. Quoi de plus angoissant que d'avoir raison de craindre l'obscurité, d'assister impuissants à des comportements adultes injustes et cruels, de voir le mal se réaliser sous ses yeux ligotés ?

Au cœur de ce théâtre de la cruauté, Gregoy Peck incarne une force sereine qui sait protéger par l'éducation, quoiqu'il accepte un peu trop facilement les écarts de conduite de ses deux énergumènes. Il ne cherche pas à enfermer ses enfants dans un cocon, mais accompagne dans la découverte et sourit dans les difficultés.

Sa tâche n'est pourtant pas facile, lui qui doit défendre un innocent au milieu de la haine accusatrice ! Ce procès n'en est pas un. C'est un simulacre où tout est joué d'avance, malgré tous les efforts de cet avocat hors pair. L'aveuglement de Némésis n'est donc pas celui de Thémis. La haine frappe sans égard pour la justice, et c'est bien à un lynchage légal que le spectateur assiste, aussi impuissant que les enfants.

On a du mal à croire que la condition des noirs américains ait été si difficile dans un pays prétendument civilisé. Même s'il est insupportable de voir un système culpabiliser les Français sur des actes qui leur sont totalement étrangers (mais n'est-il pas de mode de demander pardon pour tout ?), on ne devrait jamais oublier jusqu'où la méchanceté des hommes s'aventure quand elle est sans collier.

On ne saurait donc que trop conseiller à nos lecteurs de regarder ce film qui brille par la pureté de son message, par la propreté de ses images et par la qualité de sa facture.

Un petit bijou de cinéma !