En mai fais ce qu'il te plaît

Film : En mai fais ce qu'il te plaît (2014)

Réalisateur : Christian Carion

Acteurs : August Diehl (Hans), Olivier Gourmet (Paul), Mathilde Seigner (Mado), Alice Isaaz (Suzanne)

Durée : 01:54:00


Français, tous colabos ! Français, tous résistants ! Le débat persiste et manque de réel éclairage historique par trop de chapeautage politique. Christian Carion a une certitude, les Français de la guerre étaient avant tout des hommes comme tout le monde ! Cette certitude, le réalisateur quasi-oscarisé de Joyeux Noël et Une hirondelle a fait le printemps la tire du bon sens paysan dans lequel il a été élevé. Il est très attaché à la mémoire de son pays, et en particulier du Nord-Pas-de-Calais paysan où il a grandi et s’entendait conter à chaque fête de famille le fameux Exode de mai 1940.

Christian Carion a toujours su rallier à sa cause les studios Pathé pour de grosses production (Joyeux Noël, L’affaire Farewell) et a encore une fois mis toute les chances de son coté pour réaliser cette fresque ambitieuse, à l’ambiance de western, où les hommes et leurs chevaux se perdent tant matériellement que spirituellement dans les grands espaces. Une photographie magnifique et une bande originale d’Ennio Morricone servent avec art et finesse l’histoire très humaine de ces villageois perdus mais déterminés. Ajoutons à cela l’excellente idée de scénario de mêler à ce cortège de Français un Allemand et un Ecossais, dont l’isolement renforce l’émotion du métrage et lui offre une forte portée historique.

Une réussite artistique, donc, mais aussi un film important du point de vue de notre rapport à l’histoire. Construit à partir de témoignage réels, et principalement ceux de sa mère – à partir de qui fut créé le personnage de Mlle Blondel et à qui est dédié le film, pour son 90ème anniversaire – le récit propose en de nombreux endroits, l’occasion de remettre en question nos croyances historiques pour se reconcentrer sur les réels acteurs de cette époque, et revenir, par là, à la source de nos débats. L’Europe des peuples, par exemple, celle qui était déjà née dans les tranchées de Joyeux Noël, renaît ici dans une très belle scène de dîner où un Ecossais, un Allemand et un Français, d’abord remontés par la gravité de la situation, découvrent une voie de sympathie et d’intime amitié alors que les bouteilles d’une cave pas-de-calaisienne se vident, autour d’une vieille table de ferme.

Aussi, et c’est le cœur de ce film, il s’agit d’un réel hommage à toute une population ni militaire, ni politique, ni résistante, ni collaboratrice, mais paysanne au sens propre : qui a les pieds dans la terre de son pays. Ces gens qui, comme la mère du réalisateur ont vécu la guerre dans un quotidien réduit à lui-même : comme une digression étrange, mais dans laquelle la vie se fait toujours présente. Une parenthèse dans laquelle les bals ont une place au bivouac de l’Exode, dans laquelle l’institutrice fait réciter La Fontaine aux enfants qui ne voient pas la mort, et dans laquelle le béret, le chauvinisme, l’anticonformisme et la bougonnerie patoise continuent de définir un paysan français qui ne sait pas encore, à l’aube de la guerre, qu’il mourra de la paix.