Et si les humains encore dotés d'humanité pouvaient tenir dans un square ?

Film : The Square (2017)

Réalisateur : Ruben Östlund

Acteurs : Claes Bang (Christian), Elisabeth Moss (Anne), Terry Notary (Oleg), Christopher Læssø (Michael), Dominic West (Julian), Marina Schiptjenko (Herself)

Durée : 2h 22m


Ingmar Bergman a profondément marqué le cinéma suédois. Dans de The Square, satire sur le petit monde de l'art contemporain, on retrouve le thème principal de la crise existentielle et du rapport à l'autre qui n'a cessé de traverser l'oeuvre de Bergman. Plusieurs plans font explicitement référence à Persona (1966) comme pour insister sur le caractère parfois irréel de la vie. Quoi de mieux que de tisser cet arrière-plan de l'art contemporain pour voir évoluer Christian, directeur d'exposition ? L'auteur, Ruben Östlund, se sert de lui comme d'une balle rebondissante qui oscille entre le monde rêvé, insaisissable et flagorneur de l'art contemporain, et le monde réel fait de pauvreté, de rapports humains complexes, de difficultés à subsister. Les idéaux de fraternité, de tolérance et de démocratie se heurtent à la réalité de l'individualisme. Face à cela, Christian et son équipe tentent de créer un monde expérimental fait d'un simple carré vide, pour tenter de créer une zone d'exception, de confiance et de raccorder les humains entre eux en suscitant leurs sentiments de pitié et d'empathie. Mais la reconstruction sociale à laquelle ils semblent aspirer peut difficilement reposer sur le rien laissé par le génie du constructivisme. Un génie libéral, auteur de l'éclatement de la société et de la disparition du sentiment d'appartenance. Tout passe, rien ne subsiste. Tout se dissout dans le mouvement particulier. Alors la vie est belle, belle de ses particules étranges, pleuvant des traits de joie et de cruauté sur l'homme grisé se résignant à la sa solitude. Vraiment, les Suédois sont bien placés pour explorer cette impression de décrochage social tant leur pays a justement voulu se mettre à l'avant-garde des évolutions sociales (multiculturalisme, immigration, abolition du genre). Parfois cru et pessimiste, le film d'Östlund n'en est que plus réaliste quant à son analyse de la perte d'humanité du monde post-moderne.