Ex Machina

Film : Ex Machina (2015)

Réalisateur : Alex Garland

Acteurs : Domhnall Gleeson (Caleb), Alicia Vikander (Ava), Oscar Isaac (Nathan), Sonoya Mizuno (Kyoko)

Durée : 01:48:00


Alex Garland grandit. Ecrivain, auteur du troublant La Plage, en 1996, adapté par rien de moins que Danny Boyle en 2000, scénariste ensuite du célèbre 28 jours plus tard, Sunshine (toujours avec Danny Boyle), le voici derrière la caméra pour la première fois.

Généralement inspiré, il semble pourtant prendre peur devant ce nouveau défi.
Peu loquaces, ses personnages sont censés donner le spectacle d’une confrontation à trois, avec ses coups bas, ses pressions, ses secrets, ses trahisons.
L’originalité de départ était que l’une de ces trois personnes s’avère être un robot. Mais en rendant ce robot plus humain que nature (en exagérant un peu, hein), il fait disparaître quasiment sa singularité. Au lieu d’avoir deux humains, plus une intelligence artificielle, on a trois humains, dont un légèrement métallique.

Comme le bon Alex n’a pas peur, contrairement à la foule, de la technologie (dossier de presse), l’appréhension que le spectateur pourrait avoir disparaît. Ce robot est mignon comme tout, et inspire une certaine pitié (peut-être pas au point de le prendre un peu pour un humain, comme ce grand sensible de blondinet dans le film). Du coup, le mystère de l’artificiel devenu autonome s’éteint d’emblée (ça finit par venir, mais bien tard). La peur, absente. Et que se passe-t-il quand on n’a plus peur ? Il n’y a plus de tension, gagné. La tension dramatique, moteur de toute œuvre cinématographique, ne tient que par les questionnements philosophiques secondaires (du moins mis au second plan par le scénario), concernant l’homme qui se fait Dieu créateur, par exemple, ou sur la frontière entre homme et robot.
Pourtant, on pouvait se brûler les méninges… Terrifiante et captivante obsession de l’homme qui veut créer l’homme à son tour (il y a un moyen tout simple, aussi, moins fatigant et plus accessible, et ça en fait des plus originaux que des robots programmés…). L’homme qui veut se faire l’égal de Dieu. Hitler disait bien dans Mein Kampf : « le national-socialisme est bien plus qu’une idéologie, bien plus qu’une religion, c’est la volonté d’opérer une nouvelle Création ». Brrr…

Dommage qu’Ex Machina ne touche que du bout du doigt ces interrogations dans une scène de fourre-tout philosophique. Le film, clairement, est trop court, et demeure superficiel sur ses nombreuses questions, données sans réponse, alors que certaines sont brûlantes d’actualité. De la prudence, dirons certains, de la frilosité, voire de la flemme, dis-je.

Ex Machina reste séduisant par une esthétique moderne et design (quoiqu’on puisse s’étonner devant les nudités gratuites de la fin, hé, fallait bien profiter des deux-trois mannequins qu’il y avait sous la main…), une photographie intelligente (utilisation du rouge comme couleur du danger, notamment) et un casting bien choisi, surtout en ce qui concerne Oscar Isaac, sur qui tout le film repose. La fille, pas assez mystérieuse, aurait pourtant dû être le centre de l’attention.

Des lacunes, donc, un travail superficiel, mais de la personnalité. Ex Machina est prometteur, mais on attend beaucoup plus complexe, pour de telles problématiques.