Expérience d'unité humaine : les risques chimiques d'une infusion psychique

Film : Corps et âme (2017)

Réalisateur : Ildikó Enyedi

Acteurs : Alexandra Borbély (Mária), Morcsányi Géza (Endre), Réka Tenki (Klára), Ervin Nagy (Sándor), Zoltán Schneider (Jenő), Tamás Jordán (Mária gyerekkori orvosa), Itala Békés (Zsóka, takarító), Éva Bata (...

Durée : 1h 56m


Corps et âme raconte l'histoire originale d'une rencontre amoureuse à travers le rêve identique de deux personnes travaillant dans la même entreprise, Maria et Endre. Regard télépathique échangé durant des nuits poétiques et franchement platoniques entre deux êtres perdus sous les neiges de Hongrie, ne se connaissant pas et ne sachant pas qu'ils se cherchent. Jours et nuits s'opposent dans ce film avec un contraste saisissant. La douceur de la nuit évoque le monde rêvé de l'âme planant sans entrave vers les rivages du bonheur. Tandis que les jours dévoilent la réalité dure et crue d'une vie terrestre où le corps cherche sa raison d'être, lorsqu'il voit d'autres corps, en l'occurence des bêtes (il s'agit d'une usine d'abattage), perdre brutalement la vie pour la nourriture des hommes.

L'oeuvre de la réalisatrice Ildoko Enyedi n'est pas du tout un plaidoyer pour les associations de défense des animaux. C'est un film sur la sensibilité humaine. L'extrême sensibilité de cette femme, Maria, qui est atteinte d'une forme de paralysie du sens du toucher. Les émotions qu'elle éprouve ne peuvent atteindre la surface de son corps, et elle reste ainsi prisonnière d'elle-même, sans que son entourage puisse vraiment la comprendre. L'histoire explore alors le dialogue presque muet de sa rencontre avec Endre qui est lui-même handicapé d'un bras. Elle ambitionne de traduire dans la réalité le bonheur que les deux protagonistes caressent dans leur songe. Il n'est alors plus question de bonheur platonique et spirituel, mais de réappropriation du corps par l'âme.

Un thème qui anime tout le film à travers beaucoup de contrastes parfois violents entre idéaux et réalité, silence et vérité. Mais un thème qui a le mérite de reconnecter le genre humain à sa véritable nature, occultée tant par les platoniciens que par les matérialistes : celle de l'homme incarné, uni dans son corps et dans son âme.