Forces spéciales

Film : Forces spéciales (2011)

Réalisateur : Stephane Rybojad

Acteurs : Diane Kruger (Elsa), Djimon Hounsou (Kovax), Benoît Magimel (Tic Tac), Denis Ménochet (Lucas)

Durée : 01:47:00


Un film d'action très efficace à la gloire des forces spéciales françaises.

Quoi de mieux pour redorer
le blason de l'armée française que de braquer le projecteur sur les forces spéciales françaises. Certes, dans son film L'assaut, de 2010, Julien Leclercq avait placé la barre assez haut en racontant l'histoire vraie de l'intervention de l'aéroport de Marseille en 1994, mais les forces spéciales charrient aussi avec elles leur lot de victoires et de gloires.

Les témoignages des personnes sauvées et reconnaissantes ne manquent pas. On se rappelle, dans ce documentaire diffusé sur France 2 et intitulé Forces spéciales, le C.O.S, ces personnes tirées d'affaire par des militaires qu'ils imaginaient autrement. Attentionnés, calmes, sûrs d'eux et profondément humains, ces soldats ne sont pas simplement des machines de guerre. Ils
sont des héros au sens classique du terme, c'est-à-dire des individus qui se sacrifient pour la collectivité. C'est bien le sens qu'a voulu donner le réalisateur à son premier long-métrage : « Je n’avais pas envie de faire un film plus léger, juste un film de castagne et de croiser ensuite le regard du père ou du camarade d’untel mort là-bas… En tout cas, je ne voulais pas travestir une certaine réalité, je voulais garder le visage humain de ces personnages. Bien sûr, j’adore l’action mais, au fond, il n’y a que ça qui m’intéresse : l’humanité de ces gens… »

Stéphane Ribojad, qui a déjà réalisé de nombreux documentaires sur les
forces armées, traite donc d'un thème extrêmement porteur, tant on sait que les Français admirent leurs soldats (plus de 80% de réponses favorables dans un sondage du Ministère de la Défense en 2003).

Les acteurs, emmenés par un Benoît Magimel en pleine forme, sont attachants. La caméra épie la vie privée de chacun d'eux avant l'intervention, comme dans le film de Julien Leclercq, et sait rendre un esprit de corps tenace, même bien après le sortir de la caserne.

Tchéky Karyo, que Luc Besson avait réussi à rendre agaçant dans son Jeanne d'Arc en 1999, se tire avec brio de sa prestation en incarnant un colonel attaché à ses hommes
jusqu'à l'obstination.

Ces hommes sont donc arrachés aux bras de leur épouse pour mener une mission de reconnaissance. Métier oblige, le plan est changé et la mission se transforme en intervention sur le terrain. Stéphane Ribojad montre qu'ils ne sont pas pressés d'aller au casse-pipe et, entre deux répliques, souligne que le danger n'est pas un obstacle : ce sont les ordres, point.

La journaliste qu'ils doivent tirer des griffes d'un islamiste radical (pléonasme !) n'est pas très favorable à l'armée. Un de ses articles étant particulièrement salé, les militaires n'ont pas une passion dé
bordante pour ses prises de positions. Ce n'est pas une raison pour la laisser mourir, l'hélico est en marche, la mission commence.

L'ambiance change du tout au tout. Lors de chacune de leurs interventions, les soldats sont accompagnés d'une musique de Heavy Metal assez entraînante mais qui, surtout, rappelle lorsqu'elle est combinée avec les caméras épaule et les plans penchés une ambiance de jeu vidéo qui séduira à n'en pas douter les gamers. Plus encore, lorsqu'un homme est étendu à terre et voit son coéquipier arriver, on se croirait dans une scène de Conflict Vietnam, de Counter Strike ou de Ghost Recon, encore plus approprié puisqu'il s'agit dans ce dernier jeu d'une équipe de reconnaissance sur le
terrain.

Les amateurs d'action y trouveront leur compte. Les balles fusent, les tireurs d'élite se mesurent entre eux, l'équipe est une machine à tuer redoutable, et pour la bonne cause !

Tout est donc fait pour le succès : « Il y avait là tous les ingrédients des films que j’aime, explique le réalisateur, comme Platoon, La Chute du faucon noir, Démineurs, pas vraiment politiques mais calés sur l’actualité, et qui sont si rares dans le cinéma français : de l’aventure, de l’action, des paysages magnifiques, des sentiments humains forts. Du spectacle et de l’&
eacute;motion… »

Tout ou presque.

Presque parce que ce film commet deux erreurs impardonnables.

D'une part il montre l'armée sous un bon jour ce qui, dans un contexte médiatique très majoritairement ancré à gauche, a tendance à exhumer les vieux démons anti-militaristes. Il est certain que, de ce point de vue, Stéphane Ribojad n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Son incontestable admiration pour ces commandos d'élite rencontre dans l'armée un besoin de recrutement décuplé depuis la mort du fameux service
militaire (en la personne de Jackie Fouquereau, qu'elle a détaché pour l'occasion, elle a participé activement au film). L'un plus l'autre donnent un film clairement panégyrique : « Non seulement, Djimon a beaucoup de talent, explique le réalisateur, mais je tenais aussi à cette diversité raciale au sein du commando car c’est l’une des réalités de l’armée aujourd’hui. C’est sans doute en effet l’endroit de France où les minorités sont le mieux représentées, où l’intégration est la plus réussie, dans la plus grande tolérance et aussi la plus grande normalité. »

D'autre part le film ne fait pas la part belle à la jeune et jolie
journaliste incarnée par Diane Kruger ! Bien sûr celle-ci finit seule son périple, bien sûr elle ne dit pas explicitement admirer l'armée qu'elle semblait honnir, mais elle est quand même ouverte à sortir avec un de ces beaux militaires, et montre un comportement particulièrement reconnaissant envers ses sauveurs. « Au début, Elsa pense : "C’est bien, vous êtes venus me chercher mais je n’ai rien demandé" mais petit à petit, au fur et à mesure des obstacles, la culpabilité va la ronger… » Il n'en faudrait probablement pas beaucoup plus pour que la presse prenne extrêmement mal l'allusion.

Sur le fond, on l'a dit, le thème est une épopée. On y distingue donc les valeurs du courage,
du patriotisme (troisième erreur ?), de l'abnégation, du sacrifice... Pour Stéphane Ribojad, « c’est le récit des causes difficiles voire perdues qui reposent sur un concept simple : le sacrifice. Comme pour les chevaliers d’antan, le sacrifice est le job de ces gars-là ! »

Mais il est intéressant de jeter un œil sur les choix extrêmement difficiles auxquels sont confrontés ces hommes en zone hostile.

Voyons tout d'abord ce tireur d'élite en position qui a dans son viseur quelques talibans prêts à massacrer des civils innocents. Il hésite à tirer, son chef le lui interdit : « On n'est pas l&
agrave; pour ça. » On comprend bien que l'objectif de la mission compte avant toute chose, car on voit mal comment des soldats pourraient défendre le bien commun tout en jouant les électrons libres. Mais on sait aussi que la protection de la vie, quand elle ne met pas en danger la mission, est un devoir fondamental. Les commandos, en intervenant, auraient-ils mis en danger leur mission ? Vu le nombre de talibans présents, il semblerait que non, mais l'homme de terrain est le seul à pouvoir évaluer réellement la situation.

Plus tard, quand un village qui les a accueillis se fait attaquer par des talibans franchement de mauvaise humeur, ils décident, sous la pression de la journaliste, d'intervenir pour les aider. Pour le coup une telle intervention met sérieusement en pé
ril l'intégrité du groupe et ralentit considérablement leur marche, mais le chef décide, contre toute attente, de sauver le village. Cette réaction joliment humaniste jure avec le sang-froid et le sens du devoir qui donnent à la mission sa priorité.

Enfin lorsqu'au sortir de cette intervention dans le village, le tireur du groupe peine à rejoindre ses camarades, le chef décide tout bonnement de ne pas l'attendre, et de ne pas lui porter secours. Il semblerait (le film n'est pas vraiment précis à ce moment-là) qu'un tel choix aurait ralenti la mission. Le spectateur un peu perspicace ne peut qu'en déduire que la vie d'un équipier, très importante pour le succès de la mission, passe après la défense désespérée
d'un village. Curieux...