Funny people

Film : Funny people (2009)

Réalisateur : Judd Apatow

Acteurs : Adam Sandler (George Simmons), Seth Rogen (Ira Wright), Leslie Mann (Laura), Eric Bana (Clarke), Jonah Hill (Léo) et Jason Schwartzman (Mark Taylor Jackson)

Durée : 02:20:00



Après quelques grands succès comme 40 ans, toujours puceau (2005) ou En cloque, mode d'emploi (2007), Judd Apatow s'est énormément investi dans ce film, dont il est le scénariste, le réalisateur et le producteur. Pour cette oeuvre très personnelle, il n'hésite pas à faire tourner sa femme (l'ex-petite amie de George dans le film), et ses deux filles (qui incarnent les deux filles de cette dernière). La vidéo de l'aînée talentueuse, interprétant la chanson Memory, de Cats, est ainsi d'après le dossier de presse un authentique film de famille.

Il faut noter la polyvalence appréciable d'Adam Sandler, aussi à l'aise dans le drame que dans la comédie. Entre autres films Click, télécommandez
votre vie
, de Franck Coraci, qui porte sur un thème très analogue, lui avait déjà donné la possibilité d'exprimer ces deux facettes de sa personnalité.

Aucun amateurisme dans ce film où même les deux petites n'en sont pas à leur coup d'essai (elles jouaient déjà des petits rôles dans En cloque, Mode d'emploi). Le casting ayant largement emprunté au monde du comique (Eric Bana, déjà à l'oeuvre dans Munich, et Start Trek, Jason Schwartzman dans Rushmore et A bord du Darjeeling limited, RZA dans American Gangster, Aziz Ansari et Aubrey Plaza dans la série sétirique Parks and Recreation), l'affaire est donc bouclée aisément, sans brio toutefois.

Funny People excelle à mettre en place les paradoxes propres aux vedettes du rire. La vie de George est partagée entre l'aspect vitrine, où le comédien arbore un sourire indéfectible, et l'intimité, littéralement rongée par la célébrité. Le fait que tout lui soit facile impacte très négativement son comportement. Il se met dans un état de colère risible parce que sa télévision ne fonctionne pas comme elle devrait, rechigne à stabiliser sa vie autour d'un amour unique pour ne pas renoncer à toutes les femmes qui gravitent autour de lui (signalons au passage quelques scènes érotiques et une vie sexuelle vide de conscience), n'a absolument aucun ami avant la venue d'Ira : « Le film est l'histoire d'un homme qui a négligé certaines leçons essentielles, qui n'a jamais pris le temps de se faire une vraie famille et des amis. C'est un
type profondément triste, mais qui ne pleure pas sur son sort. Il se contente d'être un connard et en tire une immense satisfaction. »
(Adam Sandler, in Dossier de presse)
Le passage où George Simmons fait un don aux oeuvres est tout à fait intéressant, car il montre combien le don aux oeuvres est tout à fait compatible avec un manque de charité criant.
Mais le film ne s'arrête pas à ces considérations. C'est une virée aux sources du comique.
D'abord à travers les débuts difficile d'Ira, dont les blagues inefficaces dissimulent un talent pourtant bien réel, puis au travers de la vie et de la carrière de George. Pourquoi les gens rient-ils, ou pas ?
«  Quand vous voyez un numéro de « stand-up » au cinéma, toutes les blagues font mouche, même les mauvaises, le public est plié en deux, etc. On ne vous montre pas les passages à vide ou les petites pauses embarrassées qui surviennent dans la réalité avant et après une blague. C'est cela que j'ai
voulu montrer, en cherchant à capter l'ambiance authentique d'un cabaret. »
(Judd Apatow, in Dossier de presse).

Pour être réaliste, le film ne recule pas devant la parfaite vulgarité de certains comiques, dont la taille et le diamètre du pénis semblent être l'ultime préoccupation. L'effet de surprise des paroles crues, qui devrait provoquer le rire (selon Bergson), est déjà fortement compromis par la grossièreté du propos : il est tout simplement anéanti dans le film par la répétition inlassable du genre.
L'agacement du spectateur est d'ailleurs partagé par un certain nombre de personnages du film, des parents de George à Laura, ou à James Taylor, qui fait une courte apparition.

Très personnel, le film est enfin une introspection de Judd Apatow sur le sens
de la vie.
« Lors du tremblement de terre qui secoua la Californie du Sud en 1994, la cheminée de ma maison s'est détachée, a traversé le toit, et a atterri dans la chambre à coucher. Je ne dois la vie sauve qu'au fait que j'étais alors en train de repeindre la façade. Durant trois jours – pas un de plus -, j'ai vraiment apprécié ce miracle et savouré ma vie. Le film repose sur cette idée : quelle leçon pouvons-nous tirer d'une telle expérience, qui nous servirait dans notre nouvelle vie ? »
(Judd Apatow, in Dossier de presse)
La leçon paraît bien difficile à retenir pour George. Alors qu'il se sort miraculeusement d'une maladie grave, il n'hésite pas à refaire l'amour à son ancienne maîtresse, pourtant mariée depuis et mère de deux enfants. George est égoïste, sourd aux supplications d'Ira, égocentrique au possible, prêt à faire exploser la vie de Laura pour lui en reconstruire une sans âme. Mais cette difficulté à remettre sa vie en question est en fait une
volonté délibérée du réalisateur : « Ceux qui recouvrent la santé n'ont pas toujours le courage de se consacrer à ce qui importe dans la vie. Certains trouvent trop difficile, trop effrayant, de changer de style, et préfèrent revenir à leurs petites habitudes. » (Judd Apatow, in Dossier de presse).
Ce n'est qu'à la fin du film, après avoir mis à sac la vie privée de Laura et humilié le pauvre Ira que le déclic s'opère, offrant au film la traditionnelle « happy end » des comédies américaines.

Le personnage d'Ira est quant à lui ambivalent. Alors qu'il est d'un secours tout à fait profitable pour George, il témoigne d'un comportement inacceptable lorsqu'il trahit son ami en lui cachant que George souhaitait également faire appel à ses services.

 

Raphaël Jodeau