Fury

Film : Fury (2014)

Réalisateur : David Ayer

Acteurs : Brad Pitt (Don 'Wardaddy' Collier), Shia LaBeouf (Boyd 'Bible' Swan), Logan Lerman (Norman Ellison), Michael Peña (Trini 'Gordo' Garcia)

Durée : 02:14:00


Fury. Tout simplement. Furie de la guerre, du déchaînement humain, de la tôle froissée, des miaulements d'obus, des femmes offertes aux bêtes, des vaincus livrés aux vainqueurs.

En placardant son titre, le film annonce la couleur rouge de sa pellicule. Son but : du réalisme à outrance, mais du réalisme cru. C'est normal. En 2h14, le spectateur doit avoir l'impression d'être dans ce bourbier depuis toujours. Il a payé sa place, c'est le contrat. Alors rien n'est épargné. Les têtes qui volent en éclat, les chaînes du blindé broyant les cadavres, les pendus, les jambes fauchées, la guerre, quoi.

Au milieu de cet enfer, l'équipage du char « Fury, » emmené par un Brad Pitt qui a parfaitement compris que l'heure était au « mytho. » Son charisme est intact. En face de son équipe de baroudeurs, le sergent Collier tient bon. Il a fait toutes les guerres, il a le dos couvert de cicatrices, il n'a pas besoin de répéter ses ordres. Avec lui, même en plein combat, le spectateur se sent en sécurité. Il est l'homme qui tient cette brute de Travis en laisse, qui charrie la religion de Garcia mais connaît par coeur des versets de la Bible…

Autre surprise du casting : l'excellent Jason Isaacs, qui joua le capitaine des dragons dans The Patriot. N'apparaissant que rarement, il est le seul dont le charisme équilibre celui de Brad Pitt.

Les thèmes du film n'étant pas très originaux (horreurs de la guerre, et Dieu dans tout ça ?, le rôle du chef, le « déniaisage » d'un bleu, etc.), c'est la façon de traiter le sujet qui intéresse. En montrant la crudité des situations, le film entend brouiller les repères entre bien et mal. Collier le dit lui-même : il ne s'agit pas de bien et de mal, mais de tuer. En épousant cette façon de voir, le film justifie l'injustifiable. Inadmissible de se suicider, inadmissible de profiter des ascenseurs émotionnels de la peur pour s'offrir une jeune fille, inadmissible de tuer les officiers qui se rendent, même quand le cinéaste leur a donné de bonnes têtes de crevures. On est censé se dire : « qu'aurions-nous fait ? La guerre rend fou ! » Pourquoi pas, mais on doit bien rappeler que la morale est justement ce qui tient debout dans les pires situations. Si les passions sont excusables, y céder à ce point est coupable.

Une fois accepté le principe qu'on va voir de vilaines choses, on passe donc un moment très riche, embarqué au cœur de ce blindé aux allures de cercueil. Si ce film n'est pas à montrer à tout le monde, il saura efficacement interpeller le sens moral du spectateur.