Garfield 2

Film : Garfield 2 (2006)

Réalisateur : Tim Hill

Acteurs : Bill Murray (voix Garfield en VO/ Sébastien Cauet en VF), Jennifer Love-Hewitt (liz), Billy Connolly (Lord Dargis), Roger Rees (M. Hobbs), Ian Abercrombie (Smithee)

Durée : 01:18:00


Le chat Garfied, personnage de bande-dessinée créé par Jim Davis, avait déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2004. Fort du succès du premier opus (200 millions de dollars de recettes mondiales), le célèbre matou paresseux revient sur grand écran, dans un
nouveau film spécialement conçu pour le marché européen. Le déplacement de Garfield en Angleterre a été souhaité par les scénaristes Alec Sokolow et Joel Cohen, qui voulaient que le gros chat roux soit « un personnage comique réactif. Il fallait donc le placer dans un endroit intéressant où il aurait tout loisir de réagir […]. Nous voulions retirer Garfield de son environnement habituel, la maison de son maître, et le placer dans un milieu plus exotique.». Quant au choix de l’Angleterre, Joel Cohen ajoute : « Il y a quelque chose de grandiose et d’un peu pompier dans certains aspects de la culture britannique, et cela nous semblait idéal pour jouer le contraste avec la personnalité de Garfield ».

Cette dualité, qui forme une trame scénaristique prometteuse d’un point de vue comique, est annoncée dès les premiers plans du film, où l’on voit chacun des deux héros, Garfield et Prince, dans leur environnement respectif : pour l’un un somptueux château, solennel et imposant, pour
l’autre une petite maison, au confort pantouflard et rassurant. D’ailleurs, si Garfield est parachuté dans un milieu qui lui est tout à fait différent, Prince sera lui aussi plongé dans des ennuis plébéiens, au cœur des égouts de Londres, sans toutefois que ces péripéties soient aussi développées que celles de Garfield. L’accent étant mis sur ce dernier, l’environnement aristocratique, très british, de Prince, est au fond peint avec force clichée et condescendance. Saluons au passage la performance technique, Garfield et Prince étant entièrement issus de la création informatique. La caméra est dans l’ensemble efficace, accompagnée par une bande-son rythmée et éclectique qui peut ne pas être du goût de tous les spectateurs.

Le comique de situation est assez réussi ; on peut cependant regretter un certain manque de rythme, les gags traînant parfois en longueur et les situations cocasses devenant rapidement lassantes (la fabrication de lasagnes sous la direction de Garfield, la
course-poursuite entre l’infâme Lord Dargis et son chien féroce…). L’inventivité n’est pas le point fort du scénario, les schémas sont convenus et déjà vus (la brutale prise de conscience de Garfield l’égoïste, qui se transforme en sauveur de la veuve et de l’orphelin…). Bref, le film en fait de temps en temps un peu trop, le jeu des acteurs étant à cet égard ou touchant de naïveté (Jon et Liz), ou forcé (Lord Dargis). Voilà pourquoi un public enfantin y trouvera tout à fait son compte.

Jim Davis, le créateur de Garfield, l’affirme : « Garfield est un humain dans un costume de chat, il nous ressemble ». La volonté de transmettre une idée se fait claire, et Jim Davis de renchérir : « Nous vivons à une époque où l’on se sent coupable de trop manger ou de trop dormir, et Garfield apparaît comme cette petite voix intérieure qui ose dire tout haut ce que tout le monde  pense tout bas. Il nous débarrasse de cette culpabilité et nous permet d’être en paix avec nous-mêmes. » On
ne peut manquer de critiquer ce message : d’une part Jim Davis se méprend sur l’origine de cette culpabilité que l’on ressent à vivre dans l’excès, qui vient de notre conscience et non de la loi du monde, mais entend substituer à cette voix intérieure, qui guide nos pas, celle d’un matou glouton dont la devise est « Carpe diem » (sic). « Il faut prendre le temps de s’amuser, de se relaxer, de vivre. Garfield ne vit que pour le moment, l’instant présent. » . Une telle idée est bien peu conciliable avec un idéal de droiture et de moralité.

 
Garfield est, aux dires de Jim Davis, une réaction contre la société, « qui essaie de nous mettre dans des cases. Garfield refuse ça : c’est un rebelle, le rebelle qui sommeille en chacun de nous. ». Se voir proposé un mode de vie décomplexé et revisité par un chat adepte du comique grasseyant, cynique et égoïste, n’est pas très convaincant, et l’exemple n’est en tout cas pas à suivre, il vaut bien mieux en rire.
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Le film offre toutefois un épilogue, certes sans surprise, mais qui sauve les meubles : Garfield se rapproche des autres, apprend la générosité. Il faut regarder avec indulgence cette moralité tolérante, mais il est à craindre qu’un jeune public soit davantage marqué par le sans-gène et le langage peu édifiant de ce chat qui, en fait, dresse un tableau de défauts qui nous sont si communs.

 

Stéphane JOURDAIN