Halal Police d'état

Film : Halal Police d'état (2010)

Réalisateur : Rachid Dhibou

Acteurs : Ramzy Bedia (Nerh-Nerh), Eric Judor (Le Kabyle), Jean-Pierre Lazzerini (le commissaire), Anca Radici (Hilguegue)…

Durée : 01:38:00


Cette comédie qui reprend sans innovation l’humour du duo Eric et Ramzy se veut politiquement incorrecte mais verse en réalité dans une facilité réchauffée, sauf peut-être pour certaines communautés.

Le duo Eric et Ramzy n’en est pas à sa première
partie de rire. C’est la quatrième fois qu’ils signent leur scénario après
La tour Montparnasse infernale, Les Daltons, Seuls Two. Leur humour maintenant bien connu n’a pas particulièrement é
volué que ce soit par rapport à leurs films ou à la série télévisée
H. Eric continue de se donner un air enfantin et naïf qui aura fait dire à Marina Fois dans La tour Montparnasse infernale : « T’es mignon mais tu es un tout petit peu con ». Son personnage, exceptionnellement honoré d’une moumoute, ne présente donc pas d&
rsquo;intérêt particulier par rapport à ce que l’on a déjà vu. Il en est de même pour Ramzy, dont le personnage, légèrement plus fier que celui d’Eric, se veut faussement réfléchi et romantique. Leur jeu d’acteur est cependant encore efficace comme ressort comique et rend leurs personnages attachants. En dehors de ces traits de caractère, l’autre marque de fabrique est l’humour absurde et burlesque. L’absurde passe par des dialogues aberrants, des mots inventés ou inappropriés ou des mises en scènes improbables (la main du Chinois). Etant donné qu’ils jouent le rôle de policiers algériens, Eric et Ramzy en ont profité pour jouer sur les accents en intégrant des mots et expressions arabes qui font leur effet, mais dont le filon a déjà été exploité par Jamel et autres comiques.

Le scénario est le terrain propice aux délires des deux compères. Ils ne sont d’ailleurs pas allés chercher bien loin leurs idées puisque l’on est en plein dans la parodie du genre thriller ou polar. « Ce qui nous amusait dans le scénario, c'est qu'on prenait le contrepied des polars américains où, en général, on attribue un partenaire au héros qui n'en veut pas parce qu'il veut remplir sa mission seul. A l'inverse, dans notre film, Nerh-Nerh, qui devait être envoyé en mission tout seul, gueule pour avoir un partenaire... ». Pour n’en citer que deux dans le même genre, on peut
penser à
Mais qui a tué Pamela Rose ?, ou La cité de la peur. Le film comporte ainsi quelques références amusantes comme la présence d’un meurtrier qui vit avec sa grand-mère morte qui rappelle évidemment le Psychose d’Alfred Hitchcock (clin d’œil somme toute assez classique). Néanmoins il ne faut pas s’attendre à une grande richesse
parodique telle qu’on pourrait en trouver dans les films de Mel Brooks ou plus récemment chez cet Anglais très talentueux Edgar Wright (
Shaun of the dead, Hot Fuzz). Ici, on enchaîne quelques sketches de valeur très inégale.

Ce manque d’originalité se retrouve dans le message de l’entreprise. Comme bien d’autres, le film s’attaque aux préjugés racistes. « Malgré les têtes qu'on s'est inventées pour nos personnages, c'est sans doute notre film le plus engagé et politique ! » (Eric Judor). Le réalisateur ajoute que « la communauté maghrébine est trop souvent représentée sous forme de délinquants qui brûlent des voitures - mais il faut qu'elle soit aussi associée à des comédies ! ». Ce qui est étrange c’est que les deux comiques se veulent politiquement incorrects et que pour cette raison ils se sont attaqués au Juifs, aux Arabes, et aux Noirs. C’est au contraire plutô
t dans l’air du temps (dans les films mais aussi dans les spectacles et les
one man shows) de chatouiller gentiment un peu tout le monde en pointant du doigt le racisme. Contrairement à Eric Zemmour (avec lequel Ramzy a déjà eu l’occasion de s’accrocher), Eric et Ramzy ne jouent a priori pas leurs carrières avec leurs gags. Encore plus étrange, on ne saurait que penser des paroles surprenantes des deux clowns à l’égard des Chinois : « Et particulièrement des Chinois qu'on attaque systématiquement dans tous nos films. Du coup, on essaie de mettre en garde le monde parce que d'ici dix ans, nous serons tous Chinois et il
sera trop tard »
s’exclame Eric. Et Ramzy de renchérir : « Nous, on a choisi de leur dire d'emblée qu'on était leurs ennemis, aux Chinois, et qu'on ne les aimait pas. ». Serait-ce la xénophobie pure que le film lui-même dénonce ? En tout cas, le film s’en prend bien aux Chinois. En définitive, on dirait bien que l’on n’est pas prêt de se débarrasser de la xénophobie : maintenant que « la peur de l’Arabe » disparaît peu à peu, « le péril jaune » fait surface. Dire « je n’aime pas les Arabes&
nbsp;», c’est acheter un ticket pour le tribunal, dire « je n’aime pas les Chinois », c’est drôle. La communauté chinoise est vraiment mal défendue !

Les catholiques ont aussi le droit à leur petite claque. Certes il s’agit d’une secte extrémiste mais les raccourcis vont bon train. Sans pour autant être le porte-parole de la communauté chrétienne, il faut noter que continuer à mettre en relation Pie XII (et finalement toute la papauté qui dément formellement ces accointances) et le nazisme, relève de l’aberration historique. Encore une communauté bien mal défendue…

Bref, grâce &
agrave; ce film et son humour « politiquement incorrect », on sait que l’on a le droit de ne pas aimer les Chinois et les catholiques mais qu’il faut arrêter d’être raciste et xénophobe. On remarque aussi que tout n’est pas transposable. Imaginons que les extrémistes catholiques soient remplacés dans le film par des extrémistes musulmans ! La portée aurait-elle été la même ?