Happy feet

Film : Happy feet (2006)

Réalisateur : George Miller

Acteurs : les voix (VF) de Clovis Cornillac (Mumble), Marion Cotillard (Gloria), Sophie Marceau (Norma Jean), Kad Merad (Ramon), Anthony Kavanagh (Lovelace, Memphis)… .

Durée : 01:48:00


Les pingouins ont décidément la cote… Vedettes des écrans avec le succès mondial de La Marche de l’Empereur (Luc Jacquet, 2005), nos amis manchots sont à l’honneur puisque pas moins de trois projets de films d’animation les mettent en avant actuellement, le
premier d’entre eux étant Happy Feet de George Miller. Connu pour avoir réalisé la trilogie Mad Max, George Miller passe spontanément au film d’animation pour enfants car : « l’histoire est reine ! Ce qui me passionne dans le cinéma c’est d’explorer les univers les plus variés, mais en essayant toujours de trouver les histoires les plus riches de sens… »*. Entouré d’un casting de voix impressionnant ( Nicole Kidman, Robin Williams, Hugh Jackman…), le réalisateur s’est donc lancé dans un projet un peu farfelu de comédie musicale interprétée par de majestueux ténors manchots. 

Dans un climat de surenchère numérique, Happy Feet remporte haut la main le défi. Techniquement il s’agit d’un chef-d’œuvre : les décors sont grandioses, magnifiés par une lumière époustouflante, dont les reflets jouent sur la glace et dans les eaux froides de l’Antarctique. Les pingouins sont animés de très bonne façon, ils parviennent à être gracieux malgré leur démarche pataude et les mouvements assez limités dont ils
sont capables. Si la technique est à l’honneur, le manque d’expressivité (notamment dans le regard) de nos héros polaires peut être préjudiciable à l’égard du jeune public, la sympathie inspirée par les manchots va de fait être provoquée par les nombreuses chorégraphies qu’ils exécutent. Ces dernières font partie des classiques du genre, de John Lennon à Steevie Wonder, mais évidemment en moins évoluées, nos pingouins ne sont pas morphologiquement des bêtes de scène... Toutefois elles relancent régulièrement le rythme du long-métrage, déjà servi par un scénario travaillé. S’il se  lance assez lentement, le film ne perd pas ensuite en énergie : les scènes d’action sont spectaculaires (l’attaques des orques et du léopard des mers), certaines séquences sont grandioses (l’effondrement de la banquise, la campagne de pêche des monstrueux chalutiers), et la musique impose au film une cadence soutenue. La quête de Mumble, qui cherche à découvrir la raison pour laquelle les poissons sont devenus si rares, tombe
un peu comme un cheveu sur la soupe, de même que le discours écologique qu’elle sous-tend ne fait pas réellement corps avec le récit.

En somme Happy Feet est un objet attrayant, sympathique sans être vraiment nouveau, mais son grand mérite est de sortir du lot par la qualité de sa réalisation et l’excentricité de son sujet.

Fasciné par « la dimension épique de l’Antarctique », le réalisateur a vu dans l’épopée des manchots « une vie extraordinaire, riche d’enseignements pour nous autres humains… »*. La leçon que nous servent les manchots se décompose en deux volets : un discours sur la différence et une réflexion sur les devoirs de l’homme envers la nature. Le premier aspect de cette a pour objet de prôner l’acceptation de la différence qu’un individu a à l’égard de la société dont il fait partie. Ici le jeune manchot Mumble, qui ne sait pas chanter, est mis à l’écart, d’abord de lui-même puis de force (son père l’oblige d’ailleurs à s’exiler), puis par son talent unique sauve sa
colonie de la famine et des sages obtus qui la dirigent.

Ce discours très tolérant ne manque pas de séduction ; cependant, outre qu’il est très dans l’air du temps, il ne propose qu’une réflexion simpliste sur l’acceptation des différences et l’idée très rousseauiste que la société doit être la somme des particularités de chacun. Ne se pose donc pas la question de savoir si ces différences sont acceptables ou non pour le bien de la communauté. Seule demeure une caricature des sages qui guident la colonie, et préfèrent prier le Grand Manchot en attendant d’être exaucés plutôt que de tenter d’expliquer l’origine de leur famine… Les prières traditionnelles sont vaincues par les claquettes endiablées d’un pingouin…

En second lieu, Happy Feet présente un discours écologique déjà vu : l’homme est le prédateur ultime, de son action dépend l’avenir de la nature, et il doit au plus vite prendre ses responsabilités pour mettre un terme aux ravages de sa consommation galopante sur les espèces. Il
s’agit donc de sensibiliser la jeunesse à propos des conséquences de ses actes sur son héritage. Véritable conte de fée, le film milite au fond en faveur d’un monde meilleur aux tendances universalistes. Si cet espoir est loin d’être vain (encore qu’il faille déterminer ce qui doit fonder l’universalité profonde du genre humain), cet étalage d’émotions nobles sonne un peu comme un refrain bien répété, à l’approche des fêtes de fin d’année…

 


Stéphane JOURDAIN

* in notes de production