Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban

Film : Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban (2003)

Réalisateur : Alfonso Cuaron

Acteurs : Daniel Radcliffe (Harry Potter), Rupert Grint (Ron Weasley), Emma Watson (Hermione Granger), Gary Oldman (Sirius Black), David Thewlis (professeur R Lupin), Tom Felton (Drago Malefoy), Robbie...

Durée : 02:20:00


Les lecteurs de J.K. Rowling attendaient avec impatience et inquiétude ce troisième volet des aventures de Harry. La grande question était de savoir si le nouveau réalisateur, Alfonso Cuaron, réussirait à adapter au grand écran une œuvre bien plus dense et complexe que les précédentes. Les deux premiers épisodes, réalisés par Chris Columbus, étaient très réussis et l’histoire de base était simple. Mais dans ce troisième tome, tout se complique, tout se mélange : sentiments, actions, suspicions, enquêtes et révélations… Le temps lui-même est bouleversé ! Pour faire tenir cela sur 2h20 Alfonso Cuaron a choisi de supprimer une partie du roman. Pour commencer il part du principe que tous les spectateurs connaissent déjà l’univers magique de Harry créé par Chris Columbus : Il ne s’attarde donc pas en présentations et explications, par exemple sur les familles Dursley et Weasley, ou sur l’école elle-même. La vie quotidienne de l’école est également réduite
aux jours où il se passe quelque chose, on perd alors tout le côté sympathique de la vie à Poudlard, rythmée par les examens, les cours, les matchs, les festins, et tous les petits riens si charmants et si vivants ! Certains passages importants manquent également, ainsi Lupin ne dit pas à Harry que le patronus (force positive qui protège des détraqueurs) de son père avait la forme d’un cerf, passage important qui montre une fois de plus à quel point Harry ressemble à son père.

Mais cette perte est largement compensée puisque on gagne en personnalité et en intensité dramatique. Contrairement à Chris Columbus, Cuaron a voulu mettre l’accent sur les sentiments, plus que sur les effets magiques. « Je n’accroche pas trop au fantastique. Pour moi ce qui est divertissant ce n’est pas l’épate de la magie mais la dynamique humaine »… « J’ai donc pu me concentrer sur la palette des émotions. » Celles-ci sont d’ailleurs parfaitement bien exprimées par les acteurs. Alan Rickman est toujours
aussi génial dans le rôle du professeur Rogue. Et les trois adolescents ont quant à eux beaucoup mûri dans leur art…  « Ils avaient plus d’entraînement et une certaine expérience »… « Ils ont vraiment progressé en terme de jeu et ils affichent désormais une vraie confiance en eux. »

Michael Gambon, qui remplace Richard Harris dans le rôle de Dumbledore (directeur de l’établissement), a su prendre la suite de son prédécesseur même si, physiquement, il est un peu trop…Père Noël, quand on l’imagine plus digne et imposant.
Mais attention : plus d’émotion ne veut pas dire moins d’action ! Celle-ci est bien présente au rendez-vous, avec son suspens et ses effets spéciaux décoiffants : le loup garou, l’hippogriffe, les détraqueurs…tout est excellemment bien rendu ! L’humour bien sûr ne manque pas pour éclairer un peu les passages sombres de l’histoire. La musique est enchanteresse et légère, les décors somptueux et intrigants, et l’esprit du livre n’a pas
du tout été déformé.

Encore une fois il faut comparer ce troisième épisode aux précédents : Jusqu’à présent on avait un méchant qui était vaincu à la fin par Harry et ses amis. Mais maintenant c’est différent, il n’y a pas vraiment le combat du bien et du mal, même si les méchants sont clairement jugés et condamnés. Comme le dit Cuaron « le personnage maléfique, Voldemort, est beaucoup moins présent. » Bien qu’il en était question lors des deux premiers épisodes, le problème de savoir si le mal et le bien sont vraiment identifiés et séparés ne se pose pas ici, mais devrait revenir en force à partir du quatrième épisode (où cette fois le bien et le mal semblent jaillir d’une même source).
Le centre de cette troisième partie est en réalité tout aussi capitale pour faire plus ample connaissance avec le héros : il s’agit de l’introspection. C’est pour cette raison que les sentiments sont bien plus présents et que les personnages gagnent en consistance
et en profondeur. On n’a plus devant les yeux un simple ado qui fait de la magie, mais un futur adulte à la recherche de son passé et qui construit son avenir. Pour Cuaron « ça parle juste d’un petit garçon qui est en train d’essayer de découvrir son identité, et d’étudier la partie paternelle qui se trouve en lui. » Cet épisode marque en quelque sorte le passage à l’âge adulte de Harry, avec les crises que cela peut entraîner, dans la mesure où les évènements qui le touchent sont tragiques. Cuaron a allégé le film, il a éclairci certains passages très cruels, notamment quand Harry, sous l’effet des détraqueurs, revit le moment de la mort de ses parents et entend les cris de sa mère.

Le côté adolescent rebelle est toujours présent et Harry continue de violer impunément les règles de l’école. Il semble également basculer du côté obscur et se laisser envahir par la rage et la haine envers ceux qui ont trahi ses parents. Cependant ces aspects sont assez discrets et bien moins présents
que dans le livre. En effet depuis le début, mais encore plus dans le troisième roman, Harry désobéit sans cesse, se met en danger avec ses amis et surtout, ne se confie jamais à l’autorité, se mettant toujours au-dessus d’elle. Harry sous-estime clairement le corps professoral, Dumbledore compris, et croit toujours en savoir plus. Et cette attitude n’est malheureusement pas condamnée par J.K. Rowling puisque quand un professeur lui en fait la remarque (surtout Rogue qui ne supporte pas Harry à cause de cette arrogance et de cette fierté indépendante qu’il tient de son père), il passe toujours pour un adulte mal embouché ou (pour Lupin) qui gronde pour le principe. Bien sûr Harry ne se remet pas en cause, et tous les adolescents pourront trouver bien sympathique de faire de même ! Or Alfonso Cuaron n’avait pas le temps d’insister sur cette attitude, si bien que le personnage d’Harry voit son insolence atténuée par le film.

Avec cet épisode, on entre dans la partie sombre de l’
aventure, et plus l’avènement de Voldemort sera proche, plus l’histoire deviendra violente. « Cette part d’ombre vient directement de l’histoire et de la perception du monde par Harry ». Attention donc aux enfants, il ne s’agit plus du petit conte de la jolie pension sous la neige.

Anne d'ANDRE