The Holiday

Film : The Holiday (2006)

Réalisateur : Nancy Meyers

Acteurs : Cameron Diaz (Amanda), Kate Winslet (Iris), Jude Law (Graham) et Jack Black (Miles)…(Durée 2h11).

Durée : 02:11:00


À la fois réalisatrice, productrice et scénariste, Nancy Meyers a à son actif une filmographie humoristique conséquente puisqu’elle comprend entre autres Tout peut arriver (2004) et Ce que veulent les femmes (2000). Son nouveau film, The Holidays, a son lot de têtes d’affiche et se place résolument dans le contexte des fêtes de fin d’année, pendant lesquelles, selon la tradition hollywoodienne, les rapports humains se  font plus vrais et plus forts et le destin plus généreux.


Prenant comme idée de départ le concept d’échange de maison par le biais d’Internet, Nancy Meyers brode une double intrigue amoureuse entre une riche et survoltée businesswoman californienne (Cameron Diaz) et une simple et un peu naïve journaliste londonienne (Kate Winslet), toutes deux souhaitant se réfugier dans la solitude après une déception amoureuse. Le film traite les deux histoires de manière autonome, les seuls liens se faisant lors d’une conversation téléphonique à trois entre Amanda, Iris et le frère de cette dernière, Graham, et lors de la scène finale. Si les deux faces du film ne sont pas strictement parallèles, ce qui est heureux car la surprise est préservée, chacune des histoires utilise à peu près les mêmes ficelles : une intervention extérieure va motiver les deux femmes dans leur parcours, à la manière d’une conscience extérieure qui les guiderait. Iris fait la rencontre d’un vieil homme, qui se trouve être un des plus célèbres et des plus talentueux scénaristes de Hollywood, témoin de l’âge d’or du cinéma et habité d’une haute opinion de la femme qu’il tente de transmettre à sa protégée. Amanda, de façon plus artificielle, s’imagine raillée par une voix off à la manière des bandes-annonces de cinéma dont elle est une des conceptrices les plus en vue. Ce dernier mécanisme de mise en abyme se révèle être un ressort comique puissant, tandis que l’amitié et l’entraide entre Iris et le scénariste Arthur Abbott, interprété par un émouvant Eli Wallach, sert de moteur à la double transformation des deux protagonistes, dans un registre qui rappelle justement les couples mythiques forgés par Hollywood. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la réalisatrice construit un parallèle entre les comédies classiques du cinéma américain, soutenues par Abbott, et les blockbusters actuels dont la promotion est assurée par Amanda (dont une des œuvres qu’elle présente constitue un gentil pastiche des bandes- annonces que l’on peut voir au cinéma).

Si le scénario sans grande surprise, fidèle aux canons du genre romantique d’outre-atlantique, recèle quelques perles savoureuses (la promenade d’Amanda et Graham dans un jardin anglais, le dîner en famille dans la demeure pleine de charme de Graham…), la réalisation laisse toutefois à désirer. Le film traîne en longueur, sans rythme, cette impression étant renforcée par la lourdeur de certains dialogues, parfois longuets et sans âme. Il est dommage que d’aussi prestigieuses têtes d’affiche, jouant dans des rôles taillés sur-mesure, ne parviennent pas à rendre une interprétation aussi comique que Mel Gibson dans Ce que veulent les femmes. Le personnage de Jasper (Rufus Sewell) est même très agaçant, Kate Winslet est moins convaincante que dans des rôles dramatiques, tandis que les hommes ne dépassent pas le statut de second-rôles. Seule la caricature de la californienne stressée et distinguée interprétée par Cameron Diaz est assez réjouissante.

 

Calibré pour répondre à une demande précise à l’occasion des fêtes de Noël, The Holidays remplit à la lettre son cahier des charges. Musique romantique réalisée par Hans Zimmer (glorifié de manière détournée dan le film), retrouvailles larmoyantes avec Graham après la folle course d’une Amanda révélée à elle-même sur le trajet du retour, révélation subite aussi dans l’esprit d’Iris, qui saura dire non à son amour éperdu grâce à l’efficace intervention de son vieil ami scénariste, et dénouement autour du sapin de Noël. Mais le film n’a pas d’âme; construit à la va-vite il accumule les clichés, et il est malheureux mais certain que ses attraits ne survivront pas à l’ambiance des fêtes.


Nancy Mayers a manifestement cherché à participer à sa manière à l’esprit de Noël. Sa comédie se veut messagère de transformation personnelle, de charité et d’amour envers les autres, de renouveau. Ce message plein de bonne volonté est toutefois desservi par un scénario un peu mielleux et conformiste : les héroïnes connaissent leurs moments de doute et de solitude, mais grâce à une aide imprévue apprennent à se tourner vers les autres et à faire confiance en la force de leurs sentiments. L’amour, devenu au cinéma un sujet en phase avec l’époque de Noël, est encore largement perverti dans sa pureté et son fondement. La relation Amanda-Graham est d’abord résolument physique et voulue sans lendemain, avant de s’approfondir en un sens plus sentimental, plus vrai. Le couple Iris-Miles est de ce point de vue plus attachant car plus tendre et suivant un parcours classique qui va d’amitié en amour, tout en restant parfaitement correct. Il est dommage que l’accent soit mis davantage sur la première des deux amourettes.

Le film exploite le message de charité universel de Noël dans un sens bien moins profond, réduit à prôner la confiance en soi, la chaleur des relations humaines, la croyance en un destin meilleur arrivé on ne sait comment. Outre que le véritable message de Noël est occulté, le film passe à côté d’une morale digne de ce nom et cherche à fédérer le plus possible autour de propositions insipides, aboutissant au final à présenter une non-opinion présentant un monde noyé sous les gentillesses sirupeuses et convenues. Pur produit marketing surfant sur la magie de Noël, The Holidays reste trop brouillon pour dépasser le stade d’un divertissement pâlot.

 

Stéphane JOURDAIN