Hors-la-loi

Film : Hors-la-loi (2010)

Réalisateur : Rachid Bouchareb

Acteurs : Jamel Debbouze (Saïd), Roschdy Zem (Messaoud), Sami Bouajila (Abdelkader), Chafia Boudraa (La mère) .

Durée : 02:18:00


Un point de vue pro-FLN sur la guerre d'Algérie, défendu par une réalisation très simple et un jeu d'acteur honorable.

Le film s'ouvre sur l'expropriation par la France d'une famille algérienne. Pas d'acte pas de propriété. La femme pleure, l'homme s'indigne et les enfants souffrent. On ne comprend pas bien
mais la France est coupable, c'est sûr. Pourtant, historiquement, à partir de 1920, ce sont au contraire les Algériens qui deviennent propriétaires, les notaires de Sétif n'ayant relevé aucun acte d'expropriation sauf pour des raisons d'intérêt public (barrage de Kherrata par exemple).

Le générique de début est passé. 1945, manifestation indépendantiste à Sétif. Les slogans fusent : « Algérie libre !», « Egalité des droits ! » Bien entendu pas un seul casseur. Les manifestants ont des têtes d'ange, ils rient et scandent leur slogans. La police débarque, sort les armes, tue un jeune garçon puis tout ce qui bouge. C'est l'affolement général. Quelques manifestants se rebellent et tuent, décimés au fusil par des français perchés sur leurs balcons (faits de pure fiction, à regarder les rapports de
police de l'époque). L'armée descend dans les rues. Elle massacre littéralement la population.

Au coeur de la débâcle, trois frères. Le premier, Messaoud, part combattre en Indochine pour la France pendant que celle-ci, qu'on suppose donc ingrate, enferme son frère, Abdelaker, considéré à tort bien sûr comme l'un des leaders de l'insurrection (historiquement parlant les suspects arrêtés en 1945 n'ont pas été conduits à Paris, comme dans le film et, surtout, ont été amnistiés en 1946). Le troisième frère, Saïd, emmène sa mère vivre dans un bidonville à Nanterre et tente de faire face à la précarité en devenant proxénète.

En prison,
Abdelaker est fanatisé. Il apprend que la cause algérienne, qui ne s'envisage que dans l'indépendance, est au-dessus de tout. Un de ses codétenus, au moment de partir à la guillotine, entonne un chant indépendantiste, suivi par tous les prisonniers. Face à la cruauté de la France, la fierté du peuple algérien, forcément d'accord avec ces quelques détenus révolutionnaires, est intacte. La guillotine claque. Pendant qu'Abdelkader affirme ses résolutions de lutte, son frère continue de souffrir en Indochine.

Hiver 1955, froid et dur. Saïd et sa mère résistent dans leur bidonville. Dans cette population en souffrance, Allah est tellement sur les lèvres qu'il en est dilué. Saïd est réellement touchant : transi de froid il remercie le ciel: ils ont un toit eux, au moins. C'est dire s'il n'est pas méchant...
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Messaoud revient de la guerre, médaillé mais visiblement sans un sou de cette France ingrate. Abdelkader sort de prison, fort de deux principes fondamentaux qu'il a apprit d'un suppôt du FLN (Front de Libération Nationale) : la répression profite toujours à la cause du peuple qui veut se libérer, et il ne faut jamais abandonner le combat. Messaoud confirmera. En Indochine, on avait beau résister, ils avaient déjà gagné...

A ce stade du film, le spectateur qui aime encore la France est soit un idiot, soit un lâche, soit un horrible incrédule, dont la moindre contestation le rendra complice de cette boucherie. Réduit à une lutte entre oppresseur
et opprimés, le discours est simpliste et percutant, parfaitement rôdé à l'époque (mais ce n'est pas dit bien entendu) par la Russie communiste, dont le FLN n'était qu'un pion contre l'Occident. Comme en Indochine, l'Histoire démontre en effet que la lutte était bien celle de la Russie, qui fournissait en matériel, en armes et en doctrine les morceaux de peuples envoyés à l'abattoir. Car là encore, il serait illusoire de parler d'un seul peuple algérien, comme le fait le film. Dans son ouvrage Pour une histoire de la Guerre d'Algérie (Picard, 2002, 137), Guy Pervillé est formel : le nombre d'Algériens musulmans engagés dans les deux camps était de même grandeur.

Il faut reconnaître que Rachid Bouchareb court après l'objectivité. Il montre bien les divergences sérieuses qui opposaient les Algériens entre
eux, en particulier dans le conflit entre le MNA (parti démocratique algérien) et le FLN, mais en stigmatisant évidemment le MNA. Qu'on en juge : Abdelkader entre dans un bar afin de prêcher pacifiquement pour le FLN. Il est aussitôt attrapé par le patron du bar (pro MNA) qui l'attache à une chaise et le violente. Devinez qui sont les méchants ! On n'est pas loin de trouver normal qu'il y retourne pour l'étrangler, ce méchant du MNA !

Par ailleurs les Algériens indécis (majorité écrasante), les fameux « Marsiens » d'Ahmed Kaberseli (Requiem pour un massacre, Éditions Publibook, p.48,49,50), qui ne deviendront pro-FLN qu'en 1962 afin de sauver leur vie, sont littéralement absents du film. Ils sont toujours et en tous points présumés sympathisants
par le film.

Bien plus, aucune trace des pieds-noirs, dont on sait maintenant qu'ils étaient considérés par les populations algériennes musulmanes comme d'authentiques Algériens, et on entend aucun avis de harkis, soutiens algériens de la France, dont beaucoup furent massacrés par le FLN avant mais surtout après l'indépendance de l'Algérie.


Le problème est bien là : entre le film de fiction et le film historique il faut
choisir et le dire, sous peine de vouloir tromper.

Et pourtant...


Pourtant il fallait quelque chose de fort pour pouvoir justifier les étranglements à répétition perpétrés par Messaoud et Abdelkader ou pour légitimer le fait que ce dernier veuille tuer son propre frère sous prétexte de trahison !

Même la Main Rouge, montrée dans le film comme constituée par le gouvernement pour terroriser les Algériens en région parisienne n'a en fait jamais été à Paris, et n'a sévi qu'en Tunisie ! Alors que le FLN a posé d'innombrables bombes au milieu de la population algérienne et parisienne (évidemment dans le film ils font bien attention de ne tuer aucun civil...), c'est la Main Rouge que le film montre en train de faire exploser les bidonvilles de Nanterre ! Alors que le FLN a pratiqué la noyade tout au long de l'année 1961, c'est la police française qui en est accusée dans le film ! C'est encore la police qui fait une descente dans le bidonville de Nanterre comme s'il s'agissait de la Gestapo (l'action de la France en Algérie est ouvertement comparée au nazisme par Abdelkader. Dès lors tous les coups sont permis), et qui vient perturber le mariage d'un des frères, répondant par la violence à ceux qui dansaient dans la
bonne humeur !

Lorsque Messaoud étrangle un père de famille algérien qui a utilisé, sur la demande de sa femme, un peu d'argent du FLN pour acheter un frigidaire, Rachid Bouchareb le montre comme un brave type, qui vomit d'avoir tué quelqu'un pour une noble cause qui le dépasse.

Toujours en quête désespérée d'objectivité, le film montre quelques « gentils » français aidant le FLN, communistes évidemment.



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Ce film est donc une grande falsification de l'Histoire de France, financée par les subventions françaises et heureusement dénoncée par la presse, qui tente de jouer sur le scandale pour vendre des places. L'équipe était furieuse que le film ait été éclipsé à Cannes par des Hommes et des Dieux. Ils auront peut-être un peu plus de succès en Algérie où le Président Bouteflika, ancien du FLN, partage leur allergie de l'Histoire.