Hugo Cabret

Film : Hugo Cabret (2011)

Réalisateur : Martin Scorsese

Acteurs : Ben Kingsley (Papa Georges/Georges Méliès), Sacha Baron Cohen (Le chef de gare), Asa Butterfield (Hugo Cabret), Chloe Moretz (Isabella)

Durée : 02:08:00


Un Scorcèse pour le moins inattendu et qui remplit son office de divertissement féérique, même si la froideur de ses couleurs ainsi que le message délivré empêchera les plus petits d'en profiter.

Martin Scorsese, plus connu pour ses sagas mafieuses avec Robert de Niro et Joe Pesci, ou ses biographies avec Leonardo Di Caprio, adapte ici le roman de Brian Selznick, LinventiondHugoCabret. C’est le producteur Graham King, collaborateur de Scorsese sur GangsofNew-yorket Theaviatorqui lui a proposé le projet. « Je me suis tout de suite reconnu dans l’histoire de ce garçon, sa solitude, son lien avec le cinéma, les rouages de la créativité », affirme le réalisateur. Changement complet de registre donc pour ce dernier qui passe d’univers sombres et violents à celui plus apaisant de l’enfance, de la poésie et de la nostalgie. Il s’agit là de son premier film tout public depuis Letempsdelinnocencedatant de 1993. Le film se permet également de revisiter de mani& egrave;re assez personnelle la France des années 1930 et, en particulier, la vie et l’œuvre de Georges Méliès.

Dans le rôle titre, et pour son premier rôle principal, on trouve le tout jeune Asa Butterfield, déjà vu dans Wolfmande Joe Johnston et NannyMcPheeetleBig-Bangde Susanna White. Face à lui, on retrouve la non moins jeune Chloe Moretz (Theeyede David Moreau et Xavier Palud, Kick-assde Matthew Vaughn). A côté de ces jeunes débutants, Scorsese dirige l’acteur britannique Ben Kingsley, surtout connu pour son rôle dans le Gandhide Richard Attenborough et déjà dirigé par le cinéaste dans Shutterisland.Il incarne le rôle central du cinéaste Georges Méliès, retourné à l’anonymat sous le nom affectueux de « Papa Georges ». Citons encore dans les rôles principaux Sacha Baron Cohen, surtout connu pour ses rôles comico-débiles de AliGet Borat, mais également vu dans SweeneyToddde Tim Burton, qui interprète ici le rôle du chef de gare zélé chargé de faire la chasse aux vagabonds et aux orphelins, ainsi que Emily Mortimer (Matchpointde Woody Allen, Lapanthèrerose de Shawn Levy) dans le rôle de Lisette, la fleuriste dont le chef de gare est désespérément amoureux. Signalons également plusieurs acteurs connus dans de petits rôles tel Jude Law (Le talentueuxMrRipleyd’Anthony Minghella, Stalingradde Jean-Jacques Annaud) dans celui du père d’Hugo, Ray Winstone (JimmyGrimblede John Hay, KingArthurde Antoine Fuqua) pour l’oncle Claude et Christopher Lee (Saroumane dans la trilogie Leseigneurdesanneauxde Peter Jackson, comte Dooku dans StarWarsde Georges Lucas) pour monsieur Labisse le libraire.

Un casting prestigieux donc pour un film à grand spectacle (avec 170 millions de dollars, le film constitue le plus gros budgets jamais atteint pour un film de Scorsese) qui ne peut qu’être efficace. Et ça l’est ! On se laisse en effet facilement entraîner dans cet univers de rêve et d’ imagination restitué par une mise en scène léchée et servi par des effets spéciaux d’une grande beauté. Le Paris des années 1930 imaginé par le cinéaste est très folklorique, il n’en est pas moins séduisant, ses couleurs fluides incitant aisément à l’imagination débridée. Quant à l’évocation de la vie et de l’œuvre de Georges Méliès, elle prend bien sûr de sérieuses libertés avec l’histoire, mais demeure émouvante et rend bien compte de l’amour porté au cinéma naissant dont alors, personne, y compris leurs concepteurs, les frères Lumière, ne donnait cher comme invention ! Les scènes concernant exclusivement le cinéaste sont d’ailleurs les meilleures du film. Par ailleurs, on peut reprocher au film son intrigue bien mince (l’énigme de la cl& eacute; en forme de cœur est résolue en à peine 20 minutes et la suite est fort prévisible) et son excès de sentimentalisme frôlant parfois la niaiserie (surtout durant la dernière scène), mais l’ensemble se laisse suivre agréablement, d’autant plus que le rythme est soutenu et sans temps mort.

Comme valeur centrale du film, la famille occupe une place prépondérante. En effet, le jeune Hugo Cabret se trouve orphelin dès le début du film et vit dans le souvenir douloureux de son père décédé dont il ne lui reste qu’une chose, un automate que tous deux essayaient de remonter, automate qui va être à la base de l’intrigue du film. S’il s’acharne encore à tenter de le faire fonctionner, c’est surtout en souvenir de ce père aimé et disparu trop tôt et en espérant y trouver un message de sa part. C’est également cette entreprise qui l’amènera à rencontrer Papa Georges et, par à coup, Isabelle, elle aussi orpheline et nièce de ce dernier, avec qui il va très vite sympathiser. Avec elle, Hugo va redécouvrir ce qui lui manquait tant : un foyer familial, une maison où il se sente chez lui auprès d’êtres aimés. Précisons que durant pratiquement tout le film, notre héros s’efforcera d’échapper au chef de gare qui n’a de cesse de remettre les orphelins et vagabonds qu’il trouve à l’orphelinat, perçu dans le film comme une véritable menace et une punition par Hugo et ce bien que le chef de gare n’y voit qu’une institution utile et nécessaire. A cet égard, le manichéisme est évité de justesse, le personnage s’humanisant à la fin du film. L’amour tient & eacute;galement une grande place dans le film et unit plusieurs personnages, qu’il s’agisse de Papa George et Maman Jeanne, du chef de gare et Lisette, voire de Hugo et Isabelle, même si leur relation s’apparente surtout à de la franche amitié contenant les germes d’éventuels sentiments tendres. Bien sûr, la seconde thématique importante est l’hommage rendu au cinéma et même aux débuts du cinéma puisque Georges Méliès fut le premier grand réalisateur français professionnel. Le cinéma est ainsi surtout perçu comme un faiseur de rêves et une invitation à l’imaginaire le plus aventureux. Hugo incarne exactement cet émerveillement des enfants face à la magie du cinéma, lui que son père emmenait souvent au cinéma et dont le film qu’il a le plus apprécié fut précisément de Georges Mé liès. Ce dernier, qui semble avoir fait une croix sur son passé et son œuvre de cinéaste, va être ramené sur le devant de la scène (et, parallèlement, à un apaisement avec lui-même) par le jeune Hugo, admirateur anonyme, et ses rêves d’enfant. On perçoit aussi dans le film un discret hommage à la littérature, notamment par le biais du libraire monsieur Labisse, incarné par le vétéran Christopher Lee, ancien Dracula de la Hammer.

Un joli conte pour enfants à voir en famille si toutefois l’on n’est pas allergique aux bons sentiments.