Interstellar

Film : Interstellar (2014)

Réalisateur : Christopher Nolan

Acteurs : Matthew McConaughey (Cooper), Anne Hathaway (Brand), Michael Caine (Professeur Brand), John Lithgow (Donald)

Durée : 02:49:00


Habitué à jouer avec le temps par des narrations totalement déstructurées, Christopher Nolan avait bluffé le grand public avec Inception, après s’être mis les cinéphiles dans la poche avec 5 malheureux millions de dollars pour son plus ancien Memento.

Après avoir fait voyager le spectateur dans les rêves, Nolan s’attaque à plus grand, à plus démesuré : l’espace-temps. Cette fois-ci, Nolan et son frère (co-scénariste, comme souvent) trouvent un décor à la mesure de leur imagination. N’ayez crainte, gens qui ne le connaissez pas vraiment, le postulat de la pénurie alimentaire sur terre n’est évidemment qu’un prétexte pour donner lieu à un puzzle jouant sur la relativité, autrement plus intéressant. On pardonne vite aussi les raccourcis du scénario, très raccourcis parfois (allez hop ! je pars en fusée, pas besoin d’entraînement, je sais faire !), pour ne pas éterniser l’exposition. Il y a 2h50 tout de même …

C’est évidemment l’occasion de servir nombre de situations et de plans plus fous les uns que les autres. Plus artistique qu’Inception, Interstellar laisse comme celui-ci légèrement sur sa faim concernant les décors inventés (ceci dit, ceux qu’on y voit sont absolument époustouflants, mais plus on en voit, plus on en veut …). On l’a compris depuis longtemps chez le maestro Nolan, le scénario passe avant tout. Et comme pour le vieux et virtuose Memento (ou même plus récent, Lucy, figurez-vous), le temps est le moteur de la narration.


ATTENTION SPOILERS QUI VOUS GÂCHERAIENT LE FILM !

Tout est conté, découvert par le spectateur en fonction du temps, et tout est accompli par les personnages en fonction du temps, qui se heurte à l’amour. Il s’y oppose ici, car le père doit abandonner ses enfants pour chercher une solution à l’apocalypse qui s’annonce dans l’espace, ou parce que le temps qui passe pour notre héros est multiplié sur terre (relativité), et fonce donc vers la fin de l’espèce humaine annoncée … Nolan le dit lui-même, « le méchant du film, c’est le temps ! »


FIN PROVISOIRE DES SPOILERS


Le scénario disais-je, est au centre de l’attention. Celui-ci s’agrémente comme à chaque film de l’auteur de réflexions philosophiques. Jamais, semble-t-il, Nolan n’avait posé de questions aussi profondes.


SPOILERS II : LE RETOUR

L’amour est vu comme une force plus forte que le temps ; on peut dès lors se demander si l’Amour - remarquez le A majuscule - n’est pas hors du temps. La réflexion gagne un suffrage par les interrogations d’un personnage, qui évoque la possible existence d’une dimension transcendantale, hors du temps et de l’espace. Le Ciel avez-vous dit ?
On peut aller plus loin encore, en dégageant un réel paradoxe à ce sujet : d’un côté, l’amour est évoqué comme puissance traversant le temps, et d’un autre côté, l’homme semble terriblement seul, dans cet univers. Seul pour se sauver, seul pour assurer son avenir : il devient la Providence elle-même. Mais qui aurait osé inclure Dieu dans de la science-fiction ? On aurait parlé de « science-réalité » peut-être …

FIN DES SPOILERS


Enfin, l’amour filial est magnifiquement représenté, surtout dans le sens parent-enfant d’ailleurs. Nolan en profite pour glisser un léger tacle à la GPA (si si), ce qui, vu le rapport puissant entre notre héros et ses enfants, n’étonne guère.
Interstellar pose de profonds questionnements, qui rivalisent et dépassent même par leur objet les thèmes de 2001 L’odyssée de l’espace, puisqu’on ne cesse de comparer les deux.

A noter, la prestation remarquable de Matthew McConaughey, oscar du meilleur acteur 2014, qui impressionne à nouveau malgré la place imposante des ficelages scénaristiques. Les seconds rôles, en revanche, sont assez effacés, malgré l’overcast. On ne peut pas tout avoir.
Hans Zimmer accompagne cette odyssée spacio-temporelle d’une partition inspirée, reposant - chose originale au cinéma – principalement sur l’orgue. Les tuyaux hurlent (parfois un peu fort d’ailleurs) des mélodies toutes neuves, qui font de la B.O. du film une partition unique. Quand on veut hisser son film à la hauteur des étoiles de la science-fiction (2001, bien sûr !), forcément …

De Gravity à Interstellar, de la simplicité à la complexité, le genre retrouve décidément ses plus grandes lettres de noblesse. Un spectacle pour se brûler les neurones, millimétré, dantesque.
Le ciel est-il notre salut ? Nous qui entrons ici, devons-nous perdre tout espoir ?