Jimmy's Hall

Film : Jimmy's Hall (2014)

Réalisateur : Ken Loach

Acteurs :

Durée : 01:49:00


Ken Loach n’en finit plus d’agoniser avec ses idées d’un autre temps. Pour parler du communisme, il lui fallait s’éloigner des goulags, des millions de morts causés par l’idéologie la plus meurtrière de l’Histoire. L’Irlande donc, au milieu des collines, est idéale : vu que moins d’un spectateur sur cent connaîtra l’Histoire de ce pays, on peut en raconter ce que l’on veut.



On est devant une parodie de film historique comme les réalisateurs bons moutons de Karl Marx savent en faire. Dans le genre, souvenons-nous du Danois Royal Affair : un amas de clichés de cancre.
Jimmy’s Hall saurait difficilement se définir autrement : nous avons affaire à une caricature incroyablement simpliste. Méchante Église catholique, qui veut dominer le monde, versus gentil peuple coco, qui ne cherche qu’à s’instruire, à s’éclairer loin des ombres des corbeaux …



Jimmy tout d’abord, un personnage exquis : activiste à sa mesure, c’est un modèle d’irresponsabilité. Toqué d’une femme qui se marie en son absence, amoureuse de courte durée, il fait tout pour la rendre la plus malheureuse possible en lui tournant autour à son retour. Pourtant, le film le proclame comme n’étant « pas égoïste », c’est vrai, après tout, il ne la prend pas pour lui quand même, quel grand homme. Il ouvre un dancing, auquel se rendent des gamins de la région malgré l’interdiction de leurs parents. Il les laisse venir bien sûr, histoire de diviser la génération naissante, en plus de la sienne.

Ensuite, la communauté. Elle est d’une hypocrisie incroyable. Totalement en désaccord avec le curé de la paroisse, qui veut éviter que les enfants de ses fidèles ne soient éduqués sans catéchisme, elle continue pourtant de bien se présenter sur les bancs de l’église.
Pensant qu’il suffit de lire des livres pour être libres d’esprit et bien formés, ils enseignent à leur tour. L’essentiel est d’échapper au vieux cureton, à qui l'on fait de larges sourires tout de même. Pour être libre selon eux, il faut se soustraire à l’emprise de cette société obscurantiste et dominatrice (l’historien sérieux peut pleurer), se soustraire à la superstition.
Or cette liberté n’a aucune existence : prototypes de ce que certains appellent aujourd’hui « l’homo festivus », complètement aveuglés sur leur sort par le divertissement, comme le décrit Pascal dans ses Pensées, esclaves de l’envie de s’amuser, ils rentrent parfaitement dans les cases de Karl Marx, leur Jésus, en entrant dans leur logique. On a presque envie de rire, quand le paysan du coin accuse le curé d’être ignorant en matière d’économie, parce qu’il n’est pas un apôtre du Capital. On croit rêver !

Enfin, le curé, buté, borné, dominateur, proche de l’épouvantail fantasmé par Maupassant dans son premier roman Une Vie, et ses sbires, violents, qui battent leurs gosses et se font bien évidemment traiter de fascistes. On est dans une pure dialectique manipulatrice, insultante pour l’intelligence et l’objectivité. Mais rassurez-vous, pas mal de spectateurs bêlent, trop contents qu’on bouffe du curé. Pour ne pas faire trop manichéen (ça ferait américain, pouah !), Ken Loach essaie d’arrondir les angles du prêtre. Triste alibi.



On arrive bientôt à l’aveu final : un individualisme masqué, proclamé sous les applaudissements des personnages lors d’une scène de lutte des classes assez pathétique. Jimmy l’a dit, les intérêts d’un ouvrier n’ont rien à voir avec ceux d’un riche propriétaire. L’intérêt personnel prime donc sur l’intérêt général. Que le curé et le gouvernement se débarrassent des activistes est donc pour eux une atteinte à la liberté ! Alors qu’il s’agit de la volonté d’expulser les éléments qui nuisent à l’unité du pays, déjà extrêmement touché par les divisions.
L’unité, ils s’en moquent, l’identité, l’héritage d’un pays, la cohérence d’un peuple pour assurer le bien commun, ils n’en ont jamais entendu mot, pas plus que Ken Loach lui-même, apparemment.

Pour compléter le tout, ils s’extasient parce que des prolétaires catholiques et protestants se sont unis dans une grève, ailleurs dans le pays. Un hymne ultra biaisé à l’unité, alors que tout repose sur la lutte des classes, sur cette façon étonnante qu’a le marxisme de soulever une partie de la population contre une autre, pour des résultats pires que ceux du banc d’accusation ; rappelez-vous Coluche, « le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, le syndicalisme, c’est le contraire ! »



Deux talents dans ce film, en excluant d’avance le bel Irlandais qui joue le Dom Juan marxiste, puisqu’à part montrer sa belle tronche, il n’a rien de compliqué à jouer. Premier talent, le directeur photo, deuxième talent, le directeur de casting, qui a trouvé de sacrées têtes folklos. Musique en finesse, trop timide, réalisation du vieux Ken ultra classique …



On ressort terrifié des glapissements devant les gifles mises à l’Eglise, un peu rassuré par les soupirs partagé par quelques-uns devant cette imposture de drame historique et social.

But du film : montrer que les communistes sont de braves gens, bons vivants, libres, humanistes, pacifiques, face à cette organisation de contrôle des consciences, l’Eglise. Ken Loach, 78 ans, peut-être le dernier film, encore le film de trop pour lui. Il confirme le cri amer de De Gaulle : « la vieillesse est un naufrage ». Quant à sa façon « d’écraser l’infâme », selon les mots de Voltaire bien sûr, elle est lâche et passée de date ; aujourd’hui, comme dirait Karl Marx en personne, « attaquer l’Eglise, c’est mettre une claque à sa grand-mère ».