La Belle et La Bête

Film : La Belle et La Bête (2014)

Réalisateur : Christophe Gans

Acteurs : Vincent Cassel (La Bête / Le Prince), Léa Seydoux (La Belle), André Dussollier (Le père), Eduardo Noriega (Perducas)

Durée : 01:52:00


Treize ans après Le pacte des loups, Christophe Gans revient avec du très très lourd : une nouvelle adaptation cinématographique de La Belle et la Bête ambitieuse puisque, à la différence de la version de Jean Cocteau, il s'agit d'un retour aux sources : le roman de Madame de Villeneuve (que vous pouvez trouver en vieux françois sur le site de Gallica mais attention ! Les « f » se prononcent « s »! :-) ).

 

Le Pacte des loups était déjà très léché. Ce n'est rien à côté de cet époustouflant défi technique qui hisse le film au même rang que les chefs-d'œuvre burtoniens alors que ce film, rappelons-le au prix d'un long et retentissant cocorico, est intégralement français !

Toute l'esthétique du film est mise au service du conte et de la féérie avec une implacable efficacité. Les matte paintings sont foudroyants, les images de synthèses plus vraies que nature, les décors (atemporels malgré une inspiration très marquée du Premier Empire) envoûtants, les costumes (très inspirés de la Renaissance, d'où les décolletés très – trop? – marqués) magnifiques...

La pellicule colle donc au fantastique comme une seconde peau. Les effets spéciaux sont dignes des meilleurs films américains, les accessoires sont remarquablement stylisés, bref... que du bonheur !

 

Il me faut cependant temporiser mon élan de sympathie. Si la qualité artistique du film est quasi irréprochable (on ne ferait que pinailler), on peut en effet regretter l'obscurité qui envahit les moindres recoins de l'espace filmique. Sans pour autant basculer dans un expressionnisme à la Fritz Lang, on retrouve systématiquement dans les accents du décor une propension toute beaudelairienne aux ténèbres. Même dans les flashbacks, où les couleurs sont saturées de jaune, le spectateur est invité à une mélancolie qui colle bien aux tourments de l'histoire mais finit, à force, par trop peser.

Christophe Gans devrait comprendre que la noirceur n'apparaît jamais autant que dans son contraste avec la lumière, qui n'entre ici que parée de mystères et de brumes, comme c'était d'ailleurs le cas dans Le Pacte des loups.

 

Il est par ailleurs dommage qu'outre cette obscurité, certaines scènes de nudité ou de dangers anxiogènes interdisent l'accès aux plus jeunes. Montrer les fesses d'une nymphe est probablement très croustillant, cela peut certainement être expliqué par la référence explicite de Madame de Villeneuve aux Métamorphoses d'Ovide, qu'on sait très coquin, mais la chose n'ayant aucun intérêt pour l'histoire et de même que toute vérité n'est pas bonne à dire, il eût été préférable de laisser cette licence à l'imagination de ceux qui en veulent bien.

 

Pour le reste, les questions éthiques ne varient pas depuis l'écriture du conte. Le marchand est stupide d'accepter le marché que lui propose la Bête, mais il faut bien une histoire, et la Belle va parvenir à changer le cœur de cette grosse boule de poil antipathique.

Une précision cependant : alors que dans les autres œuvres la Belle, à l'image de sainte Monique, parvient à adoucir son futur par sa gentillesse, sa délicatesse et sa beauté, Léa Seydoux incarne ici une jeune femme un tantinet agressive et donc plus féministe, ce qui vend une fois de plus le rêve que les femmes ne pourraient être heureuses qu'en devenant des hommes. Ceci est un détail, qu'il était cependant nécessaire de souligner.