La Croisière

Film : La Croisière (2010)

Réalisateur : Pascale Pouzadoux

Acteurs : Charlotte De Turckheim (Hortense), Antoine Duléry (Raphie), Line Renaud (Simone), Marilou Berry (Alix), Nora Arnezeder (Chloé), Jean Benguigui (Le commandant), Armelle (Marie-Do), Stéphane Debac (...

Durée : 01:40:00


Le principe est assez simple : prendre une demi douzaine de personnes malheureuses qui vont s'ouvrir et s'épanouir au contact d'une croisière idyllique sur un paquebot de luxe. « Dès le départ, j'avais envie de parler d'un groupe de femmes, de tous les âges,
de toutes les conditions, qui se retrouvent sur le même bateau -dans tous les sens du terme. »
(Pascale Pouzadoux, in Dossier de presse). Un film choral, donc, un peu déprimant sur le principe même, puisqu'il semble bien qu'en dehors de ce bateau magique, la vie ne vaille pas vraiment le coup d'être vécue.

L'univers de la croisière est assez bien décrit, émaillé qu'il est par des personnages hauts en couleur.

Jean Benguigui d'abord, commandant de bord potiche qui retrouve dans le petit groupe une camaraderie dont il manquait ; Armelle, dans un rôle d'organisatrice qui sied comme un gant à la célèbre niaise de Caméra Café ; Stéphane Debac, en agent de sécurité hilarant de caricature...
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On pourra déplorer que le film tienne à expliciter des drôleries qui auraient dû rester des finesses. L'immense portrait de Bruce Willis, dans le PC de sécurité, est désopilant. Mais la réalisatrice enfonce le clou en faisant parler Stéphane Debac au portrait, puis en affichant la même photo dans le porte-carte de celui-ci à côté de son propre justificatif d'agent de sécurité. Dommage ! Les cinéastes ont tout intérêt à développer ces petits clins d'oeil avec l'air de ne pas y toucher.

Les acteurs qui constituent la fine équipe embarquée sont également assez sincères, même si les dialogues sont parfois un peu faiblards.

style="font-size: x-small;">Pour donner un semblant de profondeur à ce qui n'est, en définitive, qu'une comédie rêveuse, chaque caractère monte donc avec ses défauts, et redescend avec ses qualités, comme par enchantement. Pour la réalisatrice, « une croisière est toujours une parenthèse, un moment où les gens voient la vie différemment. (...) On a du temps pour réfléchir, prendre du recul et vivre des moments de convivialité, privilégier les relations humaines. » La parisienne apprend donc à s'arrêter pour profiter de la vie, la voleuse au coeur brisé comprend subitement que l'amour n'est pas nécessairement blessant, le mari cocu va découvrir « l'amour » en devenant la copine travestie d'une femme qui va comprendre qu'elle était malheureuse avec son mari... « Toutes ces passagères sont là pour des raisons très différentes et toutes abordent un tournant de leur vie. Leur croisière va se révéler être un vrai voyage, d'abord au bout d'elles-mêmes. »
Bref tout à l'air pour le mieux. En apparence seulement, puisqu'on se demande bien par exemple si cette relation née dans un cadre privilégié parviendra à passer l'épreuve du temps et des soucis. Tous ces changements ont en effet l'air d'être farouchement artificiels, basés sur une sentimentalité touchante de naïveté et exposés à toutes les difficultés.

Plus précisément encore, le bateau semble conçu comme le lieu de tous les plaisirs. « J'm'envoie en l'air, ça c'est super ! » serine la chanson du film. Bains à bulles, cabines de luxe, piscines, escales de rêves seraient donc un moyen de s'évader du quotidien en prenant un maximum de plaisir. Mais le film tombe inconsciemment dans son propre piège puisqu'à peine descendus du paquebot, nos joyeux drilles n'ont plus qu'une envie : y remonter. Une telle attitude
démontre à quel point ce périple, qui ne devrait être qu'un moment privilégié de détente, devient pour les gens malheureux un véritable paradis artificiel.

C'est sans aucun doute ce paradis qui est symbolisé par la chapelle du bateau, véritable bijou pour les amateurs d'art sulpicien. Le prêtre, complètement allumé, a visiblement du mal à comprendre sa vocation en présence d'une jolie fille, particulièrement quand ils sont tous deux en maillot de bain au bord d'une piscine ! Il est d'ailleurs ridicule puisqu'en face des problèmes bien réels de celle-ci, sa seule solution est de prier !

Raphaël Jodeau