La Dernière leçon

Film : La Dernière leçon (2014)

Réalisateur : Pascale Pouzadoux

Acteurs : Sandrine Bonnaire (Diane), Marthe Villalonga (Madeleine), Antoine Duléry (Pierre), Gilles Cohen (Clovis)

Durée : 01:45:00


Madeleine, 92 ans, en pleine forme, embarrasse toute sa famille parce qu’elle a décidé de mettre fin à ses jours. Surfons-nous sur un long plaidoyer rasoir en faveur du choix de « mourir dans la dignité » ? Oui et non. Le film de Pascale Pouzadoux réserve quelques surprises. Pourtant tout semble indiquer au départ qu’on va s’ennuyer ferme devant un nanar complètement politisé et impartial. Heureusement, et de façon assez subtile, La dernière leçon propose une intrigue en gradation allant de l’évidence à la remise en cause. Evidence que ce type de décision est dans l’air du temps, et grande probabilité que l’entourage de Madeleine réagisse de façon mitigée, voire selon le critère ultime de notre époque : « c’est son choix ». Eh oui, sa sacrosainte, sa souveraine et incontestable volonté a tranché. Alors que faire ? A quoi bon poursuivre le film ?

C’est ici que la réalisatrice a fait preuve de talent pour bouger les lignes de l’évidence et essayer de sortir du schéma capricieux et simpliste « je meurs parce que j’en ai envie, point final ». Car en effet le rallongement de la durée moyenne de vie pose une question sensible et simple à la fois : à quoi bon prolonger indéfiniment une existence ternie par la décroissance des facultés humaines ? Pourquoi ne pas avaler un peu de ciguë et mourir le front haut, stoïquement, à l’ancienne ? C’est une vraie question, bien que les cas d’euthanasie évoqués dans la presse soient plus généralement le fait de patients incurables, dans des comas végétatifs ou dits « en phase terminale ». Mais lorsque l’on voit cette insupportable mamie, dont la forme n’a rien à envier à Michel Serrault dans le rocambolesque Viager (1972), cette mamie torturer ses proches au moyen d’une date, une date incongrue et ridicule qui serait celle de sa mort annoncée, on a tendance à se dire que le choix de cette mort est un luxe auquel elle n’a pas droit, et qu’une petite poussette dans l’escalier pourrait stopper l’insupportable compte-à-rebours imposé.

Voilà comment la réalisatrice nous fait entrer dans le jeu : par des sentiments évidemment négatifs. Une fois passées les émotions propres, le pieux respect pour la tyrannie du choix fatal, binaire, individualiste et démocratique, on entre dans le vif du sujet : cette vieille emmerdeuse est une égoïste qui ne pense qu’à elle et pas un seul instant à sa famille divisée ! Elle se morfond alors qu’elle n’est même pas malade. Oui mais voilà : quel programme lui propose la société actuelle pour la maintenir en vie ? Des allers-retours entre les toilettes et la télé. Ou bien un terminus interminable dans une chambre isolée d’hôpital ou de maison de retraite. Est-ce une vie ? Bien sûr que non.

Alors la vraie question serait peut-être : que fait la société pour ses personnes âgées ? Comment en est-on arrivé à ces cas de personnes isoléesregardant le suicide assisté comme une planche de salut ? Leur place ne serait-elle pas auprès de leurs proches ? Voilà en quoi le film est subtil finalement : il pose la bonne question, tout en parvenant à se familiariser avec la mort. Sa force est l’hésitation entre le tragique et le comique. La réponse finale est décevante, car il se prend au sérieux, alors qu’il aurait pu exploiter un inestimable gisement comique en traitant le sujet de la mort de façon moins frontale. On aurait dû mourir de rire, au lieu de mourir d’envie de voir Madeleine vivre… ou mourir. Il y a donc erreur sur la seringue scénaristique.