La Loi du Marché

Film : La Loi du Marché (2015)

Réalisateur : Stéphane Brizé

Acteurs : Vincent Lindon (Thierry), Yves Ory (Le conseiller Pôle Emploi), Karine De Mirbeck (La femme de Thierry), Matthieu Schaller (Le fils de Thierry)

Durée : 01:33:00


Un film sur le chômage qui tombe mal pour le gouvernement de M. Hollande, lequel s’évertue à scander : ‘mais si, vous allez voir, elle arrive !’. La croissance ? Non, la claque d’un dur retour à la réalité que vivent actuellement quelques 3,8 millions de personnes en France.

Étrangement, le film de Stéphane Brizé est encensé par toute la presse de gauche, laquelle gauche a pourtant abandonné depuis longtemps la classe ouvrière en se pacsant avec les libéraux et l’économie de marché capitaliste. Si bien qu’elle semble défendre du même coup le marché et les victimes broyées par la loi de ce marché… Une posture assez schizophrène. Qu’importe, il est de bon ton de se dire proche du peuple au sein de la jetset affriolante amassée sur le tapis rouge de Cannes… Bref, parlons cinéma.

On sent bien que le film touche une corde sensible avec sa dimension sociale et l’histoire de ce Thierry qui incarne les classes populaires malmenées par la crise. A ce titre on ne peut que souscrire au choix de Vincent Lindon pour le rôle de cet homme, vivant son triste quotidien avec résignation et courage, et défendant son honneur devant des propositions parfois loufoques. Sa prestation est impeccable.

Malheureusement, l’équipe de ce film low cost n’était pas taillée pour lui. Voulant se donner des airs de néo-Nouvelle Vague, Brizé a complètement craqué avec sa caméra épaule (son smartphone ?) : il fait n’importe quoi ! Le cadre est bâclé, la mise au point pas nette, le son parfois mauvais, les dialogues apparemment semi-improvisés dans certaines scènes filmées à l’arrache, le scénario interrompu avant la fin, les faux raccords en fanfare au montage… Techniquement, c’est du grand amateurisme.

Mais les regrets s’ajoutent au fond de l’histoire elle-même. Pourquoi s’arrêter aux soucis purement matériels de Thierry, amené à vendre son bungalow, à payer les études de son fils handicapé, à faire un prêt pour une voiture d’occasion… ? L’homme se réduit-il à cela ? Thierry galère, mais il ne tire aucune philosophie des épreuves qu’il traverse. Sa femme, totalement transparente, ne l’y aide pas. Ses rendez-vous avec sa banquière priment par-dessus tout. Quelle contradiction pour un film aux accents prétendument humanistes !

C’est le point crucial auquel le scénario aurait dû s’attacher pour ne pas tomber involontairement dans le genre docu-fiction rasoir. Alors, certes, on rit de quelques situations comiques notamment lors des réunions à Pôle Emploi. Mais on s’ennuie parfois fermement devant l’absence totale de réflexion sur la destinée de l’homme. La pensée est étroite, tout comme ces espaces confinés et répétitifs qui feraient mériter au film son vrai titre : « La loi du supermarché ».

Non, si l’on veut savoir ce qu’un homme nourrissant une famille éprouve véritablement en perdant son job, il vaut mieux regarder The Company Men de John Wells (2010), bien plus poignant.