La Mante religieuse

Film : La Mante religieuse (2014)

Réalisateur : Natalie Saracco

Acteurs :

Durée : 01:28:00


Jézabel est une artiste sulfureuse, dépravée, égoïste, sans transcendance. A la façon d’un Valmont des Liaisons Dangereuses, elle décide de faire la conquête d’un prêtre, le Père David, jeune, beau, dynamique, touché par la grâce.


Réalisé par une convertie, le film fait jaser : les catholiques, divisés, hésitent entre le chef-d’œuvre et le torchon ; quant à la presse gauchisante, elle éructe. Il faut dire que quand l’Eglise rappelle à travers un film, à travers les mots de cette réalisatrice, que les valeurs de liberté, d’amour, de charité, sont celles qu’elle prône depuis des millénaires, les soi-disant inventeurs des républicaines libération, tolérance et solidarité verdissent de rage.


Serez-vous de ceux qui débattront des heures durant sur le personnage du prêtre ? C’est un apôtre, il cherche à répandre l’amour christique avec toute son énergie. Il fait la guerre aux grenouilles de bénitier qui rejettent les pécheurs, car, dit-il, « ils sont pécheurs eux-mêmes ». Il a bien raison. Mais, car il y a un mais, le chrétien se doit de faire comprendre sa désapprobation des situations dites « scandaleuses ». Et ça, monsieur l’abbé l’oublie.
Il jette donc des bouteilles à la mer, chez les pauvres, les prostituées etc., en espérant que cela puisse les convertir un jour. Comme le Christ, il vient « guérir les malades ». Un prêtre cool, un peu trop cool tout de même au niveau de la morale, mais embrasé par sa mission. Quelques langues un poil ironiques iront dire que c’est le pape François en jeune et beau…

Mais son idéalisme, son optimisme communicatif le rendent peu prudent. Et avec la belle Jézabel, qui s’y frotte, s’y pique. Il n’est donc pas parfait. Il commet des erreurs : son humanité est mise en valeur ; on voit fort bien la dualité entre la force surnaturelle qui lui fait apporter la lumière dans les ténèbres, et cette nature blessée qui le tire vers le bas.


Au contact de cet homme, Jézabel, au lieu de promener par le bout du nez, se retrouve devant un type qui dresse devant elle un miroir. Elle est contrainte de constater le vide de sa vie, sa fausse liberté sentimentale qui la rend esclave, pour reprendre la clairvoyante expression, « de son cul ».


Le curé n’est pas sans reproche, mais il possède cette fougue, cette folie qui ne laisse personne indifférent. Premier point chaud ; ensuite, notre dévergondée, admirablement interprétée (comme l’abbé d’ailleurs), montre au spectateur dans quelle mélasse hédoniste et anarchique elle se trouve. Le sexe est une détente comme une autre, avec femme, homme marié, n’importe qui, n’importe quand, la fameuse « liberté » dont nous parlions.
La demoiselle enterre son père, elle pense au joli minois du curé… Le cœur endurci, c’est aussi cela. Soit dit en passant, ça se rapproche de Bel Ami, qui échange des sourires complices avec sa maîtresse alors qu’il épouse une riche innocente… Le cynisme de l’homme, qui se fait loup parmi les loups.
Tout ça pour dire que la vie de Jézabel risque d’en braquer certains. Le film s’adresse à des adultes : le souffre vient se mêler à l’encens. Quand ce genre de film vient apporter de la lumière dans les ténèbres, on peut être rebuté par ce qui est alors découvert au grand jour. Ensuite, la large tolérance qu’on respire ici ne sera pas du goût de tout le monde.

Des plans serrés, un peu trop nombreux d’ailleurs, viennent capter le jeu des acteurs avec justesse : ces plans sont de véritables fenêtres sur l’âme des personnages. La musique accompagne parfaitement la montée de l’émotion, la tension dramatique qui va crescendo, dans une histoire au sujet courageux, rentre-dedans, dérangeante à coup sûr, pour quelques laïcards enragés, ou pour ceux qui ne survivront pas au message qui balance entre charité et laxisme quelques fois.

Passés ces caps, on a affaire à un petit chef-d’œuvre, faisant penser un peu (la forme est bien différente) à ces films étranges où l’on ose parler de Dieu de très près, comme le mystique L’Île.

On est loin des sentiers battus, et c’est tant mieux : l’histoire d’une conversion, par celui « qui rend toute chose nouvelle », est d’autant plus vraie qu’elle semble inédite.