La Planète des singes : les origines

Film : La Planète des singes : les origines (2011)

Réalisateur : Rupert Wyatt

Acteurs : James Franco (Will Rodman), Freida Pinto (Caroline), John Lithgow (Charles Rodman), Brian Cox (John Landon), Tom Felton (Dodge)

Durée : 02:00:00


Un excellent film d'action très bien réalisé, qui s'intègre bien dans la saga originale et interroge l'éthique médicale.

Tout cinéphile normalement constitué a été déçu par le remake de « La planète des singes »,
em> de Tim Burton, en 2001. Ce pauvre film, quoique plein à craquer d'effets spéciaux, ne traitait pas de la moitié des questions soulevées par la version originale de 1968, mettant en scène Charlton Heston (célèbre également pour être l'acteur principal de Ben-Hur en 1960).

On entre donc dans la salle avec au mieux une certaine résignation, et au pire la crainte d'avoir risqué ses euros. Rassurez-vous, il n'en est rien !

D'abord parce qu'à la différence de son prédécesseur, qui était un remake, ce film ne copie rien : il revisite.

Même si Charlton Heston était hostile à ce qu'il y ait une suite au premier épisode, les autres opus de la saga étaient plutôt de bonne qualité, même si les questions philosophiques
soulevées étaient souvent moindres. On se souvient donc de
La conquête de la planète des singes, en 1972, avant-dernier film de la série. Dans ce film César, fils des deux singes qui ont aidé l'équipage à se sauver dans le premier opus, Cornélius et Zira, prend le contrôle de la Terre avec ses semblables dans une grande révolte contre les hommes. C'est précisément ce passage que le film de Rupert Wyatt refait de fond en comble.

D'abord, film d'action oblige, moins de « blabla », de dialogues, de développements philosophiques. L'original mettait en exergue deux thèmes majeurs : l'immoralité de l'esclavage d'un côté, et la révolution prolétarienne de l'autre. En l'occurrence, ces interrogations politiques laissent la place à une réflexion plus éthique : celle de l'
expérimentation génétique. César, que les connaisseurs surprendront dans la pose du
Penseur de Rodin, n'est plus le fils de Zira et Cornélius. Il est fils d'une Chimpanzé appelée Beaux-yeux (en mémoire du nom que Zira donne au personnage de Charlton Heston dans La planète des singes) et sujet d'étude d'un laboratoire de recherche médicale, qui voit dans un nouveau produit la façon de lutter contre la maladie d'Alzheimer.

De plus, le monde n'est pas futuriste au moment de la révolte des singes. Alors que dans le film original l'avenir a fait des primates des esclaves dressés et soumis, dans un contexte technologique extrêmement poussé (une femme explique que maintenant que le tabac ne tue plus, elle n'a pas envie de fumer), l'oeuvre de Wyatt situe l'
action dans le monde que nous connaissons.

De ce fait, les éléments de comparaison sont extrêmement minces et le film ne s'intègre pas dans une continuité d'épisodes. Il est fait pour se suffire à lui-même.

Le scénariste et producteur Rick Jaffa établit cependant un trait commun avec le premier épisode de 1968 : « dans le premier film, La planète des singes, c’est la déraison de l’homme qui conduisait le colonel Taylor (joué par Charlton Heston) à découvrir, sur la plage, la Statue de la Liberté et l’horrible réalité de la destinée humaine. Ce n’était pas un caprice du destin qui était à l’origine de ce monde à l’envers. » Pour lui, c'est cette même déraison, ce même orgueil, qui conduit l'homme à brusquer les lois de la nature dans les
expérimentations génétiques.

Pourtant, si on comprend cette louable humilité du producteur et si la bioéthique doit évidemment être respectée, on comprendrait mal que celle-ci interdise de rétablir l'ordre naturel (la maladie étant un désordre) et ce même en testant des produits dangereux sur des chimpanzés. Bien sûr la fin ne saurait justifier les moyens, mais, à vrai dire, personne dans le film ne sait vraiment jusqu'à quel point ce produit « humanise » les chimpanzés. Faut-il dès lors y voir la preuve de l'orgueil humain ? Est-ce faire violence à la nature que de la rendre conforme à son ordre ?

Si cette question éthique est une chose, l'attitude de Will en est une autre. Pour James Franco, son interprète, « Will est un homme froid et seul. Il consacre toute son énergie à son travail. Son père, Charles, souffre de démence, il s’installe donc dans sa maison, là où il a grandi, pour s’occuper de lui. C’est un rôle que Will n’avait encore jamais eu à jouer auparavant. » Sans doute est-ce ce qui va le pousser à prendre effectivement des risques inconsidérés : choisir d'injecter le produit à son propre père, sans en avoir mesuré les conséquences. Sa victoire sera d'ailleurs de courte durée puisque l'organisme de son père développera des anticorps qui le feront rechuter.

>Visiblement déjà à cheval sur la bioéthique, Rick Jaffa ne pouvait pas le rater : « Will a franchi la ligne. Il est persuadé qu’il peut guérir Alzheimer et augmenter l’intelligence, et quand on commence à se prendre pour Dieu, c’est là que les choses tournent mal. »

Effectivement cette obstination va, pour le coup, créer une véritable secousse dans l'ordre naturel : faire de certains animaux les égaux des hommes. C'est de nouveau là une différence sensible avec le film original. Dans La planète des singes, le film s'amuse avec les théories darwiniennes, imaginant que les singes pourraient « de nouveau » évoluer en quelque chose d'humain. Ici, non seulement ce n'est pas traité, mais une telle hypothèse est ouvertement qualifiée de contre-nature (cf. citation ci-dessus). Les expressions des singes et les atmosphères sont d'ailleurs excellemment bien rendues, avec une appréciation
toute particulière pour les passages montrant la progressive révolte de César contre les humains. Profitons de l'occasion pour citer également la prestation de Tom Felton, qui incarnait Drago dans les Harry Potter et semble s'orienter décidément vers un carrière de vilaine tête à claques.

Malgré tout, Will va progressivement évoluer tout au long du film : il « doit maintenant veiller sur son père et sur un bébé chimpanzé. À mesure que l’histoire avance, Will se comporte davantage comme une personne et moins comme un scientifique, et il commence à accorder plus d’importance à César qu’au médicament. » (James Franco)

Une amitié embryonnaire va naître entre Will et César, à laquelle va se greffer un troisième élément : une jeune vétérinaire interprétée par
la jolie Freida Pinto, récemment à l'affiche dans Slumdog millionnaire, de Dany Boyle en 2009, et Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, de Woody Allen, en 2010. Ces trois personnages vont gérer la situation chacun à leur mesure : César va faire sa chère révolution, Will va essayer de tempérer ses ardeurs comme il le peut, et Caroline va servir d'interface entre les deux, tout en tenant le rôle du choryphée. Elle avertira donc Will de ses dérapages : « Will, certaines choses ne sont pas sensées changer. Tu dois l'accepter. »

Cette dimension particulière fait abonder dans le sens de l'acteur de César, Andy Serkis, qui voit dans La planète des singes : les origines un film qui n'est pas exclusivement centré sur les effets visuels : « C’est un film fort et très émouvant avec un vrai propos et des scènes d’action qui s’intègrent parfaitement à l’histoire et la
servent sans jamais la dépasser. C’est pour cela que c’est un film fort, parce que vous en prenez plein les yeux mais surtout plein le coeur. Tout semble parfaitement vrai, et cela rend l’histoire d’autant plus poignante et surprenante. »

Il est exact que ce film sort des sentiers battus en traitant de questions importantes dans une plastique presque irréprochable (pour pinailler, on pourrait souligner les rares insuffisances de fluidité des déplacements des primates, ainsi que les matte paintings parfois irréalistes).

A la fois film de science-fiction, d'action, et thriller, il mérite vraiment d'être recommandé aux amateurs du genre.