Fuyant la forfanterie des effets spéciaux et des super héros, le cinéma devient une passerelle entre le public et la littérature, qu'il enserre si fort qu'il en fusionne. Si la question de l'adaptation cinématographique du roman du même nom, de Marie-Sabine Roger, mériterait d'être étudiée, elle n'est que l'ombre d'une ambition plus cristalline : celle de la littérature prise comme objet, et non plus comme inspiration. En soulignant l'importance des mots, La tête en friche réhabilite la lecture en bonne et due forme, puisant au coeur des trésors littéraires les images fortes qui défient l'intensité du cinéma. Dans la tête de Germain les mots qui nourrissent chassent les mots qui « salissent », et de cet é veil culturel jaillit un regard sur les profondeurs de l'humanité. Alors qu'on pourrait craindre une énième et abyssale longueur du cinéma français, Jean Becker ne s'écoute pas filmer : pas de gros plans interminables sur des visages calculés, pas de mots précédant les longs silences si chers à la Nouvelle Vague, pas d'intellectualisme puisé si profondément qu'on en oublie sa raison... juste du concret, du bon sens paysan au contact de la merveille littéraire. Germain va pouvoir échapper à son passé traumatisant d'idiot du village et devenir l'homme respecté par ses amis, le compagnon d'une femme (très bien interprétée par Sophie Guillemin) qu'il ne voyait pas, le père d'un enfant qu'il fuyait pour ne pas le faire souffrir, et le bienfaiteur d'une vieille dame abandonnée par les siens. Un petit film rafraîchissant qui n'intéressera pas les boulimiques d'effets spéciaux mais comblera ceux qui rêvent d'un cinéma reposant et profond.