La vie passionnée de Vincent van gogh

Film : La vie passionnée de Vincent van gogh (1956)

Réalisateur : Vincente Minnelli, George Cukor

Acteurs : Kirk Douglas (Vincent Van Gogh), Anthony Quinn (Paul Gauguin), James Donald (Theo Van Gogh), Pamela Brown (Christine)

Durée : 02:02:00


            Vincente Minnelli a réalisé, en 1956, un film biographique sur Van Gogh : La vie passionnée de Vincent Van Gogh. Figure incontournable, notamment en histoire de l'art, Vincent Van Gogh a marqué le monde de la peinture, tant par son talent, révolutionnaire pour son époque, que par la dimension mystique de ses œuvres. Le réalisateur nous invite à pénétrer dans l'univers artistique de ce peintre, univers particulièrement tourmenté, ainsi que dans sa psychologie.

 

            Les faits racontés par ce film sont authentiques, à quelques inexactitudes chronologiques près. Pour une immersion toujours plus grande, le film a été tourné dans les régions où séjourna le peintre, les couleurs des paysages rappelant celles de ses œuvres. Ces dernières nous sont présentées à différents moments du film, afin de permettre au spectateur de les identifier et de les mémoriser. Malheureusement, ce dernier se sent quelque peu mis à l'écart de l'histoire, probablement à cause d’une réalisation trop académique. Les scènes manquent de fluidité, le jeu des acteurs est parfois excessif, la musique inadaptée. Néanmoins les acteurs, surtout Kirk Douglas et Anthony Quinn, interprètent très bien leur rôle de peintres passionnés, tentant de parfaire leur art.

 

            La vie passionnée de Vincent Van Gogh. Passionnée... Le terme est exactement celui qui convient au peintre. Du grec pathos, la passion signifie "souffrir avec". Au sens classique, c'est l'état de celui qui subit. Au sens moderne, la passion correspond à une inclinaison exclusive vers un objet, la peinture pour Van Gogh, un état affectif durable et violent, dans lequel se produit un déséquilibre psychologique : « La passion est ce qu'il y a de vraiment absolu dans les choses humaines, elle ne veut jamais avoir tort » (Balzac). La volonté d'arriver à une certaine forme de perfection dans sa manière de voir la nature, les couleurs, le mouvement, tourmenta le peintre toute sa vie. Génie incompris ou personnage dominé et submergé par ses sentiments ? Telle est la question que nous pouvons nous poser en découvrant la figure de Vincent. Il fut sans doute l’un et l’autre.

 

            Fils de pasteur, Vincent Van Gogh s'est tout d'abord orienté vers la prédication. Jugé peu prometteur, il fut envoyé dans un village très pauvre de mineurs. Très vite, il se rendit compte que les grands sermons en chaire, même sincères, ne marquaient pas réellement les misérables paysans, inhabitués aux discours mondains et cérémonieux. Comprenant que ce n'était pas de cette manière qu'il parviendrait à toucher les cœurs, Van Gogh commença peu à peu à partager la vie de ces mineurs et de ces paysans, ce qui lui fut reproché par les autorités protestantes. Comment aider des personnes que l'on ne connaît pas ? Comment peut-on les comprendre autrement qu'en vivant à leur manière ? La manie d’intervenir, de s'exprimer sur des choses que l'on ignore, est très répandue de nos jours. Vincent, lui, ne cherchait pas à plaire, à vivre en mondain, en bourgeois, mais voulait percer les cœurs, à la manière de la philosophe Simone Weil, ou d’un Père Loew, qui voulurent partager la condition de ceux qu’ils cherchèrent à comprendre pour mieux les aimer.

 

S'apercevant que ni le milieu dans lequel il avait grandi, ni sa famille n’acceptaient son mode de vie, il dira à son père : « La vie me semble précieuse, digne d'être appréciée et aimée. (...) Je pense qu'il y a bien des façons de servir Dieu : vous le servez en chaire par vos sermons ; d'autres en écrivant ou en peignant ». Van Gogh nous montre que le service de Dieu se réalise dans les actes quotidiens, surtout dans le travail. Grand admirateur de la création, Van Gogh fut invité par d'autres artistes de son temps à expérimenter la couleur. C'est à partir de ce moment-là qu'il chercha à rendre compte de la beauté de la nature, à travers l'harmonie d'une palette toujours plus colorée et plus vive. À cette époque, le monde de l'art était divisé entre des artistes qui voulaient respecter les règles de l'académie et ceux qui désiraient ardemment s'en détacher, les Impressionnistes, qualifiés de « barbouilleurs » par les classiques. Les sujets abordés par Van Gogh, ceux de la vie populaire, sont encore peu répandus à l'époque. Le peintre est tourmenté par la volonté « de toucher les cœurs » par ses œuvres, de retranscrire, par ses toiles, les expressions, le labeur. La persévérance, la technique et l'acharnement témoignent de sa volonté d’y parvenir. Tous ces éléments sont brillamment mis en scène à l'écran. Kirk Douglas interprète avec talent le personnage de Van Gogh, à la personnalité si complexe.

 

            Pourtant, c'est ce travail acharné, cette admiration pour la nature, qui conduit Vincent Van Gogh à se sentir isolé, incompris. Ses toiles n'étant jamais à la hauteur de ses espérances, le peintre ne parvient pas à communiquer aux autres cette passion qui le dévore. « Tu peints trop vite », lui dit l'artiste Gauguin. « C'est toi qui regardes trop vite », lui rétorque Vincent, qui soumet son art à la conduite de ses puissantes émotions, jusqu’aux confins de la folie, parce que les émotions sont pour lui, au risque d’être écrasé par elles, « les grands capitaines de nos vies ».

 

            Le film montre qu’une œuvre telle que celle de Van Gogh n’est pas un ensemble de toiles sur lesquelles ont été projetées au hasard des taches de couleur, accompagnées d’un petit cartel explicatif de l’intention très philosophique de « l’artiste », comme on le voit si souvent aujourd’hui pour donner les apparences de l’art à des objets marchands. Sa dimension est d’abord spirituelle, intérieure, même si cette intériorité est celle d’un tourment aussi indicible que périlleux. C’est, selon le mot de Schuman, une lumière brûlante que l’artiste puise en lui avant de la « projeter dans les profondeurs du cœur humain ». La vie passionnée de Vincent Van Gogh est une invitation à entrer dans ce monde où passion, lumière et génie se conjuguent en un tourbillon de couleurs.