Luc Besson, ah ce Luc Besson ! L’homme de toutes les
caricatures, le grand guignol de l’époque, l’homme d’affaire impitoyable qui vient nous donner de grandes leçons de tolérance et d’amour ! Le voilà donc revenu ! Qui va-t-il esquinter cette fois, bien en sécurité derrière sa caméra ? Je fais du mauvais esprit ? Allons bon ! Il est vrai que, cette fois, le cinéaste a pris le risque, plus tellement risqué depuis le départ de deux personnes que je ne nommerai pas, de venir sur le plateau de Laurent Ruquier défendre son film. Ça n’a pas raté : Luc Besson vient cette fois nous donner une leçon d’amour !
C’est que c’est un sensible ce brave Luc ! Si si ! Il a été « très ému par l’histoire de » Aung San Suu Kyi, cette opposante au régime birman actuel, tenu d’
une main de fer par la junte militaire marxiste depuis 1962.
Tourné presque intégralement en Thaïlande (curieusement les militaires birmans ne se sont pas montrés très coopératifs), le film est d’une réalisation sans prise de risque. Le scénario est sobre, les acteurs excellents, l’exploitation de l’espace filmique parfaitement académique mais, même avec ça, Luc Besson parvient à donner une image naïve de la situation, résumée à de méchants militaires contre une gentille Aung San Suu Kyi. « Pour crédibiliser et rendre plus passionnante encore son histoire, raconte-t-il, il me manquait aussi la présence d'un "méchant". »
Non qu’il faille dénier à cette femme
un courage certain, mais Luc Besson pense avoir les qualités pour distribuer des canonisations. Aung San Suu Kyi n’est plus simplement, sous l’impulsion de sa pellicule, une femme bien, mais c’est une sainte, tellement sainte que quand son mari lui dit que beaucoup pensent qu’elle est une sainte, elle reste humble. C’est beau. Écoutez donc cette litanie (Jeanne d’Arc n’a pas eu droit à la même) : « quand j'ai fini par la rencontrer en personne, j'ai eu l'impression d'avoir Gandhi en face de moi. On se sent tout petit et bête devant cette femme dont il émane une bonté, une gentillesse et une simplicité extraordinaires. Elle n'a peur de rien, et pas même 60 ans de prison ne changeraient quoi que ce soit pour elle. Ce qui l'intéresse, c'est que son peuple puisse disposer des richesses de son pays en toute liberté. Elle ne veut rien en retirer pour elle personnellement. Cest une leçon d'humilité : après l'avoir rencontrée on n'ose plus se plaindre pendant les cinq ans qui suivent ! On a envie de ne s'intéresser qu'à elle et elle ne vous parle que de vous. Elle est curieuse et n'a même pas envie de faire un livre sur sa vie. C'est une personne admirable. »
Dans son emballement bien bessonnien et alors qu’il n’a pas pu rencontrer la femme (source : dossier de presse), le réalisateur va donc faire une peinture mélodramatique de l’histoire de cette femme courageuse. Plutôt que de faire un réel film historique, montrant les enjeux du conflit (les visées coloniales des pays occidentaux) ou ses sources (le terrorisme marxiste), il va peindre la vie privée de cette femme, qu’il trahit en peignant sa psychologie de façon honteusement grossière. Ce refus du film historique est tout à
fait revendiqué par le réalisateur : « Le script était très bien écrit, explique-t-il, même s'il était un peu trop documentaire par moments. On l'a donc retravaillé pendant plusieurs mois pour lui donner un côté plus ample et plus "cinématographique". »
D’ailleurs, au début du film, la mayonnaise tarde à prendre : la petite famille parfaite, la brutalité des militaires... Il faut attendre les Canons de Pachelbel, joués au piano par la prisonnière en même temps que l’orchestre pendant la remise du Prix Nobel, pour que l’émotion finisse par sortir de sa torpeur. Même le forçage pacifique du barrage militaire manque d’intensité, peut-être par manque de documentation : « au moment du tournage, elle était encore
assignée à résidence, et on n'a donc pas pu lui demander comment cela s'était passé. Mon problème majeur, c'est l'absence de photo de Danubyu. On ne sait pas du tout à quoi cela ressemblait et j'aurais préféré m'appuyer sur des décors similaires. » (Luc Besson)
De plus, la jeune femme se bat contre la junte avec les armes de la paix, mais personne ne sait véritablement pourquoi. Il manque une sorte de mobile. Le spectateur ignore tout de son projet politique, des tenants et des aboutissants de la répression. Pourquoi le peuple est-il mécontent ? Parce que les militaires sont au pouvoir ? A voir le film de Luc Besson on pourrait presque le penser. Mais être un militaire au pouvoir n’est pas une tare à ce que je sache, alors que leur reproche-t-on ?
La répression ? Mais la répression se fait déjà contre un mouvement de contestation. Alors contestation de quoi ? Du fait que les militaires sont au pouvoir ? Ça y est, le serpent s’est mordu la queue.
Luc Besson, pour servir sa cause, sait rappeler que la junte a décidé devant le mécontentement du peuple d'organiser des élections, pour finir par ne pas en respecter les scrutins. Mais ceci est postérieur au mécontentement. Que s’est-il donc passé en Birmanie ?
Inutile de chercher la réponse dans ce film.
Soyons clair : celui-ci semble être une recette commerciale. Il ne s’agit pas de parler aux intelligences mais de mouvoir avec les seuls sentiments, et le fait que la jeune femme soit Prix Nobel de la Paix semble exonérer Luc Besson
d’avoir à se justifer.
Comme le disent les américains, soit on fait de l’art, soit on fait de l’entertainement (du divertissement, pour les non-bilingues). Pour faire les deux à la fois il faut du talent.
Un film très partial qui traite de façon sentimentale du combat contre la junte militaire d'Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix.
Luc Besson, ah ce Luc Besson ! L’homme de toutes les
caricatures, le grand guignol de l’époque, l’homme d’affaire impitoyable qui vient nous donner de grandes leçons de tolérance et d’amour ! Le voilà donc revenu ! Qui va-t-il esquinter cette fois, bien en sécurité derrière sa caméra ? Je fais du mauvais esprit ? Allons bon ! Il est vrai que, cette fois, le cinéaste a pris le risque, plus tellement risqué depuis le départ de deux personnes que je ne nommerai pas, de venir sur le plateau de Laurent Ruquier défendre son film. Ça n’a pas raté : Luc Besson vient cette fois nous donner une leçon d’amour !
C’est que c’est un sensible ce brave Luc ! Si si ! Il a été « très ému par l’histoire de » Aung San Suu Kyi, cette opposante au régime birman actuel, tenu d’
une main de fer par la junte militaire marxiste depuis 1962.
Tourné presque intégralement en Thaïlande (curieusement les militaires birmans ne se sont pas montrés très coopératifs), le film est d’une réalisation sans prise de risque. Le scénario est sobre, les acteurs excellents, l’exploitation de l’espace filmique parfaitement académique mais, même avec ça, Luc Besson parvient à donner une image naïve de la situation, résumée à de méchants militaires contre une gentille Aung San Suu Kyi. « Pour crédibiliser et rendre plus passionnante encore son histoire, raconte-t-il, il me manquait aussi la présence d'un "méchant". »
Non qu’il faille dénier à cette femme
un courage certain, mais Luc Besson pense avoir les qualités pour distribuer des canonisations. Aung San Suu Kyi n’est plus simplement, sous l’impulsion de sa pellicule, une femme bien, mais c’est une sainte, tellement sainte que quand son mari lui dit que beaucoup pensent qu’elle est une sainte, elle reste humble. C’est beau. Écoutez donc cette litanie (Jeanne d’Arc n’a pas eu droit à la même) : « quand j'ai fini par la rencontrer en personne, j'ai eu l'impression d'avoir Gandhi en face de moi. On se sent tout petit et bête devant cette femme dont il émane une bonté, une gentillesse et une simplicité extraordinaires. Elle n'a peur de rien, et pas même 60 ans de prison ne changeraient quoi que ce soit pour elle. Ce qui l'intéresse, c'est que son peuple puisse disposer des richesses de son pays en toute liberté. Elle ne veut rien en retirer pour elle personnellement. Cest une leçon d'humilité : après l'avoir rencontrée on n'ose plus se plaindre pendant les cinq ans qui suivent ! On a envie de ne s'intéresser qu'à elle et elle ne vous parle que de vous. Elle est curieuse et n'a même pas envie de faire un livre sur sa vie. C'est une personne admirable. »
Dans son emballement bien bessonnien et alors qu’il n’a pas pu rencontrer la femme (source : dossier de presse), le réalisateur va donc faire une peinture mélodramatique de l’histoire de cette femme courageuse. Plutôt que de faire un réel film historique, montrant les enjeux du conflit (les visées coloniales des pays occidentaux) ou ses sources (le terrorisme marxiste), il va peindre la vie privée de cette femme, qu’il trahit en peignant sa psychologie de façon honteusement grossière. Ce refus du film historique est tout à
fait revendiqué par le réalisateur : « Le script était très bien écrit, explique-t-il, même s'il était un peu trop documentaire par moments. On l'a donc retravaillé pendant plusieurs mois pour lui donner un côté plus ample et plus "cinématographique". »
D’ailleurs, au début du film, la mayonnaise tarde à prendre : la petite famille parfaite, la brutalité des militaires... Il faut attendre les Canons de Pachelbel, joués au piano par la prisonnière en même temps que l’orchestre pendant la remise du Prix Nobel, pour que l’émotion finisse par sortir de sa torpeur. Même le forçage pacifique du barrage militaire manque d’intensité, peut-être par manque de documentation : « au moment du tournage, elle était encore
assignée à résidence, et on n'a donc pas pu lui demander comment cela s'était passé. Mon problème majeur, c'est l'absence de photo de Danubyu. On ne sait pas du tout à quoi cela ressemblait et j'aurais préféré m'appuyer sur des décors similaires. » (Luc Besson)
De plus, la jeune femme se bat contre la junte avec les armes de la paix, mais personne ne sait véritablement pourquoi. Il manque une sorte de mobile. Le spectateur ignore tout de son projet politique, des tenants et des aboutissants de la répression. Pourquoi le peuple est-il mécontent ? Parce que les militaires sont au pouvoir ? A voir le film de Luc Besson on pourrait presque le penser. Mais être un militaire au pouvoir n’est pas une tare à ce que je sache, alors que leur reproche-t-on ?
La répression ? Mais la répression se fait déjà contre un mouvement de contestation. Alors contestation de quoi ? Du fait que les militaires sont au pouvoir ? Ça y est, le serpent s’est mordu la queue.
Luc Besson, pour servir sa cause, sait rappeler que la junte a décidé devant le mécontentement du peuple d'organiser des élections, pour finir par ne pas en respecter les scrutins. Mais ceci est postérieur au mécontentement. Que s’est-il donc passé en Birmanie ?
Inutile de chercher la réponse dans ce film.
Soyons clair : celui-ci semble être une recette commerciale. Il ne s’agit pas de parler aux intelligences mais de mouvoir avec les seuls sentiments, et le fait que la jeune femme soit Prix Nobel de la Paix semble exonérer Luc Besson
d’avoir à se justifer.
Comme le disent les américains, soit on fait de l’art, soit on fait de l’entertainement (du divertissement, pour les non-bilingues). Pour faire les deux à la fois il faut du talent.