L'Ange du mal

Film : L'Ange du mal (2010)

Réalisateur : Michele Placido

Acteurs : Kim Rossi Stuart (Renato Vallanzasca), Filippo Timi (Enzo), Moritz Bleibtreu (Sergio), Valeria Solarino (Consuelo)

Durée : 01:51:00


Un nouveau biopic consacré à un criminel par une équipe qui s’était déjà illustré dans ce genre et qui n’évite pas la glorification de l’indéfendable.

Michele placido s’est fait connaître du grand public en 2006 avec le film Romanzo criminale, grande fresque historico-policière
relatant les péripéties d’une bande de jeunes truands aux dents longues qui écume la Rome des années 1970 pour devenir le gang le plus puissant du moment avant l’inexorable et dramatique chute. Ici, le réalisateur s’attaque à un sujet très similaire, en fait quasi-identique, avec la biographie du criminel italien Renato Vallanzasca qui défraya la chronique et sema la terreur à Milan en 1976-77, et toujours emprisonné à perpétuité à l’heure actuelle. Pour ce faire, il se base sur l’ouvrage Il fiore del male de Carlo Bonini et Renato Vallanzasca ainsi que sur le recueil Lettera a Renato de Renato Vallanzasca et Antonella d’Agostino. Autant dire que la parole du truand sera, d’ores et déjà, comptée dans le film. Le personnage est incarné par l’acteur italien Kim Rossi Stuart que Michele Placido avait justement fait tourner
dans Romanzo criminale. Le casting est international puisqu’on y retrouve l’espagnole Paz Vega (Parles avec elle de Pedro Almodovar, Spanglish de James L. Brooks) et l’allemand Moritz Bleibtreu (L’expérience de Tom Tykwer, Munich de Steven Spielberg).

Le schéma narratif du film est des plus classiques. Il déroule d’abord l’enfance et les premiers coups de Renato (assez brièvement), puis son ascension à l’âge adulte, son apogée dans sa carrière de criminels, ensuite les premières difficultés (vie de famille normale impossible, des membres de la bande qui s’avèrent impossibles à tenir en main) et finalement la chute (les premières pertes, le coup de trop et l’emprisonnement). De par ce schéma et le contexte criminel, le film rappelle beaucoup Les affranchis de
Martin Scorcese. Ce type de sujet reste risqué d’autant plus qu’il fait référence à une actualité récente et brûlante. Le réalisateur en a bien conscience : « C’est un risque qu’on court quand on décide de raconter une histoire dont les protagonistes sont encore en vie et surtout quand on touche, même si c’est avec grand respect, à des blessures grandes ouvertes qui ne cicatriseront malheureusement jamais ». La grande question qui se pose est bien sûr de savoir si le film célèbre ou idéalise le personnage du gangster Renato Vallanzasca. On serait tenté de répondre oui et non. Non car le réalisateur ne dissimule nullement la violence du personnage, sa mégalomanie sous-jacente, son absence de scrupule. Pour autant, il ne résiste pas complètement à la tentation d’en présenter une image
sympathique pouvant cadrer avec le mythe du bandit d’honneur. C’est le même problème qui se posait également avec le Mesrine de Jean-François Richet qui, sous couvert d’objectivité, versait assez nettement dans une complaisance sans borne pour le héros criminel (surtout dans le deuxième volet du diptyque). Ne serait-ce que le fait de consacrer un film à un tel personnage en n’adoptant que son seul point de vue est déjà fort ambigu. Mais quand en plus on nous montre un criminel sympathique, qui traite bien les gens qu’il prend en otage (élément déjà présent dans le fil de Richet !), qui donne plus ou moins dans la lutte des classes (il affirme ne pas voler les pauvres !) et refuse de verser le sang inutilement. On remarquera d’ailleurs que les seuls meurtres que lui attribue clairement le film sont ceux de truands rivaux et d’un membre de sa bande qui
l’a dénoncé, les autres crimes étant commis par ses complices. Ajoutons à cela que le film montre également des gardiens de prison brutaux et des agents de police parfois sans scrupule (certains n’hésitent pas à menacer le père du héro) comme pour relativiser les actes criminels commis. Bien sûr, le film ne fait pas ouvertement l’apologie de ces actes, mais à force de trouver des circonstances favorables au personnage principal, il participe d’une ambiguïté caractéristique de ce genre cinématographique. Le réalisateur essaie bien de s’en expliquer : « Ce que je trouvais stimulant d’un point de vue artistique et créatif, c’était d’entrer dans la tête d’un criminel pour comprendre (…) ce que l’on éprouve quand on oscille entre la normalité et la déviance, quand on est au croisement
du bien et du mal et que l’on choisit délibérément le mal ». Justification théorique fort intéressante mais qui devient quelque suspecte dés lors que l’on tombe dans la complaisance, qui risque toujours d’arriver à force de traiter un tel sujet. Cela est d’autant plus vrai que la rédemption semble absente du film même si (seul aspect positif) les dernières minutes du film semblent montrer un certain assagissement du personnage, voire un certain dégoût de la violence qui l’a tellement caractérisé, sinon un début de repentir. Signalons que le personnage admet lui-même ne pas avoir été poussé au crime par la pauvreté et avoir choisi délibérément cette voie, mais qu’il ne se considère pas pour autant comme un criminel, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Une réflexion qui aurait pu &
ecirc;tre intéressante si elle avait été poussée jusqu’au bout (ce qui n’est pas le cas) et si le film avait prit ses distances avec le point de vue du personnage.

Cette complaisance dans la vision du criminel est d’autant plus regrettable que la réalisation est d’excellent niveau, entraînante, rythmée, percutante, même si elle tend parfois à être un peu saccadée. La BO, essentiellement Rock n Roll, rend bien l’esprit des années 1970 ainsi que les reconstitutions d’époque et les décors. Les acteurs sont tous excellents à commencer par l’interprète principal Kim Rossi Stuart qui donne une composition très vivante, à la fois inquiétante et pathétique, très proche de celle de Romanzo criminale.

D’un point de vue
cinématographique, malgré quelques longueurs, le film se tient tout à fait. Du point de vue éthique, il en est autrement, le pire étant que cela était difficilement évitable.