L'Apôtre

Film : L'Apôtre (2013)

Réalisateur : Cheyenne Carron

Acteurs :

Durée : 01:57:00


Et paix sur la terre aux … films de bonne volonté ?

L’Apôtre est une nouvelle histoire de conversion, quelques mois après
La Mante Religieuse.

On vous en parlera sans se masquer derrière son excellente intention.

Cette fois-ci, c’est le passage vertigineux d’Allah au Christ qui est accompli. Sur le même schéma que le livre de Joseph Fadelle,
Le Prix à Payer, les nuages s’accumulent sur notre héros touché par la grâce.

Le film fait preuve d’un grand réalisme, peut-être malgré lui parfois, difficile de savoir : certes, l‘effort – volontaire – est évident pour ne pas livrer une analyse simpliste et manichéenne ; mais ce réalisme va jusqu’à livrer quelques personnages au discours illogique et chatoyant de l'oecuménisme. Explication :
Monsieur l’Abbé explique – sans philosopher, ce qui étonne vu que le client musulman est loin d’être idiot – la foi chrétienne, d’une façon si peu convaincante, qu’on peut se demander comment, et même pourquoi, la brebis pourrait revenir au bercail.

On pourra se dire que c’est Dieu lui-même qui touche et donne la foi, et on le croit même plus que jamais. Franchement, ce gentil curé est une tête à claques. Aussi mauvais pour faire sa pub que mauvais acteur ; le problème est peut-être là. Résultat, on a ce genre d’ecclésiastique bien peu pressé de convertir, qui laisse à son visiteur des réponses qui pourraient déboussoler. Est-il un guide, ou quelqu’un qui sème le doute ? On se demande pourquoi opter pour le christianisme, si ce prêtre considère tant les religions qui devraient être, selon lui, des erreurs. C’est en cela qu’il est réaliste malgré lui, malgré l’écriture qui essaie de nous en faire un prêtre parfait. Maniéré dans la forme, relativiste dans le fond… Heureusement, la lettre chrétienne est le véritable facteur de réflexion pour Akim : le message christique « fait le boulot », autrement mieux que l’abbé, qui a quand même l’intelligence de la lui mettre entre les mains.

Ensuite, cela reste un problème secondaire, car la beauté du film réside dans l’émouvant cheminement de la foi chez un homme. D’après ce qu’on peut lire des critiques dans les médias, il semble que
L’Apôtre soit capable de toucher même les athées, dans cette histoire d’amour soudaine qu’est la progression de la foi, à travers une vie qui change, une vision du monde plus profonde et une véritable rencontre, avec le Christ, qui interpelle.

Le comparatif est fait entre Islam et Christianisme, à de nombreuses reprises. Il reste sommaire, mais touche tout de même d’importantes questions, notamment la liberté, et l’amour.
« Aimez vos ennemis », notamment, est le pilier qui avait bousculé le judaïsme ; il invite ici le musulman convaincu à se remettre en question. Cette façon qu’a le christianisme de ne jamais être ringard, d’être chose toujours nouvelle, comme le montrait Chesterton dans
L’homme éternel, donne des rides au message de Mahomet. Le débat est ouvert par le film, sans que celui-ci devienne un essai philosophico-cinématographique, si l’on peut dire.

Akim interroge : il témoigne courageusement, et comme beaucoup de convertis, il dépasse de loin la ferveur des croyants de longue date. En revanche, on ne sait pas trop s’il a compris que le christianisme certes, aime celui qui est dans l’erreur, mais abhorre l’erreur même. Il semble montrer à son frère, futur imam, que se convertir, c’est simplement parler à Dieu autrement. Déjà ça pour chasser l’orage, mais erroné, tant les deux religions se distinguent non seulement d’un point de vue formel, mais surtout d’un point de vue essentiel. Akim l’a pourtant bien compris. L’ambiguïté est là : on ne sait pas si son combat est de l’apostolat, ou si c’est juste une quête pour se faire accepter tel qu’il est devenu. Le titre aide à deviner, si l’on veut, mais pas les scènes …

Akim impose la réalité de sa foi à sa famille, qui est très partagée. Là aussi, la variété des caractères et des opinions est excellente, et magnifiquement portée par un casting très talentueux. La famille arabe est vraiment bien jouée, contrairement à d’autres rôles. Une certaine finesse littéraire se lit à travers les dialogues et les tempéraments de l’entourage d’Akim : ils sonnent toujours très juste. L’histoire est réaliste, semble authentique.

Pour être originale, la réalisatrice pèche toutefois par un cadrage volontairement secoué et bancal. On en tire juste une fatigue visuelle supplémentaire. Mais avec si peu de moyens, difficile de faire un story-board enlevé …
Cela dit, on n’est pas non plus aidé par la bruyante et répétitive musique. Les acteurs (de la famille), et le débat posé, assurent heureusement la qualité du long-métrage.

Cheyenne Carron, qui a eu l’audace de demander des fonds aux dix premières fortunes de France, et en a tiré 50.000 euros, fait une prouesse par rapport à ce budget final.
Le film invite à une véritable réflexion, fait preuve d’intelligence dans ses propos, émeut même quelquefois.
L’Apôtre n’est pas sans défauts, mais il peut frapper le chrétien. En serait-il autant du musulman ?