Le discours d'un roi

Film : Le discours d'un roi (2010)

Réalisateur : Tom Hopper

Acteurs : Colin Firth (Georges « Bernie » VI), Helena Bonham Carter (Reine Elizabeth), Geoffrey Rush (Lionel Logue), Guy Pearce (Edouard VIII), Michael Gambon (Georges V), Derek Jacobi (archevêque Cosmo Langui...

Durée : 01:58:00


Deuxième film à succès du réalisateur anglais Tom Hooper (Les Misérables, The Danish Girl), sorti en 2011, The King’s Speech (Le Discours d’un Roi) a reçu l’Oscar du meilleur réalisateur et du meilleur acteur pour Colin Firth. Ce film biographique (biopic) relate la période (1925 à 1939) pendant laquelle le duc d’York (Colin Firth), futur roi George VI, fit face au handicap qui le paralysait avant son accession au trône d’Angleterre. Le premier plan, très évocateur, permet aux spectateurs de se plonger immédiatement dans la scène. À la différence de la plupart des films, The King’s Speech débute, non par un plan général mais par un plan de détail, celui d’un micro. Le spectateur sait donc que cet appareil de diffusion est l’enjeu du film. Il se rend également bientôt compte que celui pour qui ce micro pose problème est le duc d’York, qui doit s’adresser par la radio au peuple britannique et n’y parvient pas. Comme il le fait tout au long du film, le réalisateur recourt à de gros plans qui mettent mal à l’aise les spectateurs. Le visage écrasé, déformé du duc leur fait partager le sentiment de peur, d’angoisse et d’impuissance qui étreint ce dernier. Les pre-mières minutes du film établissent ainsi toute sa problématique. À travers des plans de détails et de grandes profondeurs de champ, Tom Hooper dévoile au spectateur la nature du handicap de son protago-niste : son bégaiement. La tension qu’il fait naître est aggravée par l’écho profond donné à la voix du prince, résonnant dans le silence de ceux qui l’écoutent et le dévisagent, ainsi que par la focalisation de la caméra sur le bouton rouge clignotant du direct. La musique, partie intégrante de ce film, accompagne parfaitement les jeux d’acteurs et l’action. Ce biopic tente tout d’abord de nous faire réfléchir sur la place de la personne handicapée dans la société et plus précisément sur sa capacité à la gouverner. Le rapport du handicap à l’art de gouverner prend une place particulière dans cette époque qui voit s’ouvrir, par la technique, et en l’occurrence par la radio, de nouvelles formes de communication et une universalisation jusque-là inconnues. Comment s’adresser à un peuple qui ne peut comprendre votre discours et quelle influence peut avoir ce discours s’il prête à rire ? Sur le chemin difficile que suit le duc d’York, sa femme (Helena Bonham Carter), l’assiste avec courage, constance et fidélité pour qu’il ne baisse pas les bras. C’est elle, d’ailleurs, qui parvint à trouver un thérapeute du langage. Ce dernier, Lionel Logue (Geoffrey Rush), aux méthodes originales et peu conventionnelles, va aider le prince à surmonter ses difficultés mécaniques de langage et le mènera sur la voix de la victoire. Ce film illustre la fécondité de l’amitié et de la confiance en autrui, lesquelles ont finalement con-duit le futur roi George VI à surpasser son handicap. Les dialogues, profonds et traités avec un humour, créent un décalage entre la rigueur de la royauté britannique et l’exubérance d’un thérapeute passionné de théâtre shakespearien. Ils tissent le rapprochement progressif de ces personnalités si différentes, qui ap-prennent à se connaître et à se confier. Leur respect mutuel, c'est-à-dire leur capacité de se regarder l’un l’autre avec un regard bienveillant et vrai, accompagne la poursuite de leur objectif commun. Le point culminant de ce travail partagé, et du film, est le discours final – le discours du roi. Les deux hommes, qui s’étaient jusque-là toujours appelés par leurs prénoms – thérapie oblige – expriment alors leur “reconnais-sance” mutuelle, en tous les sens du terme, par ces mots simples : « - Bravo mon ami. - Merci votre Majes-té ». Tom Hooper a ainsi voulu montrer que le roi ne considère plus son thérapeute comme un simple médecin mais comme un ami et, qu’à l’inverse, Lionel Logue ne voit plus en George VI qu’un roi, affran-chi de son bégaiement . Ce discours final sonne ainsi comme une victoire partagée sur le handicap. Il prend la dimension d’un message universel : « Je crois – dit Tom Hooper – que nous souffrons tous de blocages qui nous inhibent dans notre vie de tous les jours. Qu’il s’agisse de timidité, ou de manque de confiance en soi en raison de notre physique, de notre intelligence ou de nos origines sociales, nous nous battons quoti-diennement pour surmonter ces complexes – tout comme George VI s’est battu pour vaincre son handicap ». Le duc d’York, en l’occurrence, handicapé depuis l’enfance, avait perdu toute confiance en lui, se considé-rant indigne d’exercer sa fonction de monarque. Il se sentait seul face à son mal, réduit par les autres à son bégaiement. Avec la volonté de vaincre ce handicap, le roi a pris conscience qu’il pouvait être autre chose que le handicap qui l’animait : lui-même. Malgré des “plans de côté rapprochés poitrine” trop répétitifs, et un Churchill assez grotesque, The King’s Speech est un film d’une grande qualité, par ses décors, la beauté des images, le jeu incroyable de Colin Firth et de Geoffrey Rush ainsi que par la magnifique musique que nous offre Alexandre Desplat (Oscar de la meilleure bande originale pour The Grand Budapest Hotel). Ce film est par ailleurs historique-ment rigoureux, Geoffrey Rush ayant eu accès, pour jouer le rôle de Lionel Logue, au journal intime de ce dernier. Rompant avec la culture des films d’action et de violence, aux ficelles souvent faciles, il peut, sans usurpation, se réclamer du septième art.