Le Flingueur

Film : Le Flingueur (2011)

Réalisateur : Simon West

Acteurs : Jason Statham (Arthur Bishop), Ben Foster (Steve McKenna), Donald Sutherland (Harry McKenna), Tony Goldwyn (Dean)...

Durée : 01:32:00


Un film d'action bien maîtrisé mais qui donne une vision sympathique de l'activité de tueur professionnel, faussement justifié par la nocivité des cibles.

Le Flingueur est le remake d'un film de Michael Winner réalisé en 1972 et mettant en scène Charles Bronson. Si les histoires de tueurs à gages nous paraissent aujourd'hui communes, selon le producteur
William Chartoff, à l'époque c'était loin d'être le cas : « Le film de 1972 a été le premier d’un genre complètement nouveau, celui du film de tueur à gages. C’était une approche très intéressante du thriller qui a conduit à la création de nombreux films sur des assassins professionnels... » (dossier de presse).

La difficulté d'un remake est de se trouver une légitimité par rapport à son original. Ici le but a été de moderniser l'histoire avec de nouveaux moyens techniques. Selon Bill Chartoff : « Les films des années 70 reposaient plus sur une ambiance, une atmosphère générale. Aujourd’hui, les spectateurs veulent des histoires plus réalistes et rationnelles. » On remarquera qu'il s'agit bien là d'une préoccupation de producteur, à savoir s'adapter au public. C'est aussi une affaire de famille puisque les deux producteurs du premier, Irwin Winkler
et Robert Chartoff, sont respectivement les pères du second, David Winkler et Billy Chartoff. Aussi émouvante soit-elle, cette entreprise n'est pas une grosse prise de risque. On admettra cependant que la réalisation ne manque pas d'attraits.

Le réalisateur, Simon West, plutôt un adepte du film d'action (Les ailes de l'enfer, Lara Croft : Tom Raider...) nous offre un résultat de bonne facture. Les scènes d'action, bien que manquant parfois de vraisemblance, sont dynamiques et spectaculaires. Les amateurs de combat rapprochés, de courses poursuites et d'explosions s'y retrouveront. Tout est propre, presque académique mais terriblement efficace. C'est d'ailleurs une vertu que l'on retrouve souvent chez les réalisateurs qui ont beaucoup travaillé pour la télévision, habitués à aller à l'essentiel.

Pour le casting, Jason Statham s'avère être un choix des plus judicieux. Non seulement il a la carrure du film d'action (ancien sportif de haut niveau), mais il a le charisme et le talent d'acteur pour donner une vie autonome à son personnage. Il a donc tout ce qu'il faut pour incarner Arthur Bishop, tueur à gages proche d'une machine qui ne rate jamais ses contrats, mais également gentleman qui écoute du Schubert sur une platine vinyle.

Bon film d'action, Le Flingueur propose néanmoins une vision du meurtre, certes économiquement viable, mais moralement très contestable. Tout est construit autour du personnage d'Arthur Bishop rendu sympathique par tous les moyens. Tueur à gages serait-il devenu un métier comme les autres, sans aucune conséquence éthique pour ceux qui le pratiquent ? Bien sûr, les
cinéastes tentent de justifier les assassinats en montrant à quel point les cibles sont des ordures (dealers, trafiquants d'armes, chefs de secte...) mais c'est bien léger. Si l'on compare avec un film qui lui est proche,
Bangkok Dangerous, même s'il n'est pas exempt de reproches, posait au moins un jugement sur l'activité de son héros qui finit par mourir hanté par ses meurtres. Ici, Bishop se remet en question lorsqu'il est amené à exécuter froidement un ami. Mais même là, il est davantage énervé de s'être fait manipuler que d'avoir tué. Ce manque de jugement de la part des cinéastes est très préjudiciable au film qui aurait pu, à peu de chose près, avoir une certaine profondeur. Au lieu de ça, on assiste à une banalisation pure et simple de l'assassinat, de l'exécution sommaire, de la violence crue et parfois du sexe (dans cette œuvre, les femmes ont à peu près autant d'intérêt que des poupées gonflables). Les jeunes qui seront amenés à voir le
film pourront être déstabilisés par l'absence de délimitation claire entre le bien et le mal. En tout cas, cela n'a rien à voir avec la nécessité de moderniser pour faire un remake... à moins que les producteurs n'aient que la vision d'un public animal qu'il convient de satisfaire.

Jean LOSFELD