Le goût de la vie

Film : Le goût de la vie (2007)

Réalisateur : Scott Hicks

Acteurs : Catherine Zeta-Jone (Kate), Aaron Eckhart (Nick), Abigail Breslin (Zoé)...

Durée : 01:43:00


Remake du film allemand Bella Martha réalisé par Sandra Gedeck, qui a par ailleurs collaboré à l’écriture du scénario avec Carol Fuchs, Le goût de la vie se présente comme une comédie romantique de plus au pays d’Hollywood. D’un point de vue purement scénaristique, rien de bien surprenant. Le film introduit son héroïne en montrant sa vie professionnelle lorsqu’elle est dans sa cuisine et personnelle lorsqu’elle va chez son psy. Une fois encore, le cinéma hollywoodien montre à quel point il tient à la figure du psychologue, adroitement interprété ici par Matt Servitto. Puis vient le drame qui alourdit considérablement l’atmosphère supposant une évolution soit dans le drame, soit dans la romance ou la comédie.

La structure ultra classique du long-métrage laisse peu de place à l’émerveillement ou à la surprise. En réalité, l’émotion est essentiellement portée par les acteurs, notamment par la petite coqueluche américaine Abigail Breslin, qui a déjà fait ses premiers pas sur Little Miss Sunshine (Jonathan Dayton, Valerie Faris, 2006). Catherine Zeta-Jones est quant à elle fidèle à son attitude à la fois insolente, sensible et pleine de charme. Pris individuellement, les personnages sont attachants mais le film pèche un peu dans les relations entre les protagonistes. En effet, le réalisme pourtant voulu par le réalisateur pour les scènes de cuisine ne s’entend pas dans les rapports humains qui paraissent peu crédibles en raison d’attitudes surfaites qui ont plus vocation à ponctuer le récit qu’à réellement mettre en lumière une psychologie.

Cependant, on n’est loin d’une comédie romantique du type Coup de foudre à Manhattan (Wayne Wang, 2003). En effet, malgré la présence une histoire d’amour, aussi légère soit-elle, le sujet se prête plus au drame ou au film de mœurs à cause de la relation nièce/tante, relation rarement abordée sous ce point de vue au cinéma. Ensuite on trouve dans la réalisation et la bande son de l’œuvre un style souvent propre au drame : le piano lento à la Arvo Pärt accompagne l’émotion sur une image avare en couleur (notamment à l’hôpital), type d’esthétisme que l’on peut retrouver, en plus remarquable, dans des drames de la veine de Collision (Paul Haggis, 2005). Cependant, ce qui pourra clore la discussion c’ est la fin relativement happy d’une comédie romantique qui s’assume et qui fait penser avec amusement au film d’animation Ratatouille. 

Le sujet du film lui-même pose des problématiques intéressantes et l’on peut en tirer au moins trois : l’éducation, la vie professionnelle, et l’amour, qui chacun soulève la question des choix dans l’existence. Fille unique d’une cellule monoparentale, comme on n’en voit de plus en plus, la petite Zoé se présente à la fois comme une fille mature pour son âge et hypersensible avec ses problèmes et ses intérêts de petite fille. Kate, quant à elle, femme d’autorité un peu ourse, révèle de légers déséquilibres (d’où la présence du psy) en même temps qu’une certaine force de caractère, ce qui lui a d’ailleurs permis d’en arriver là où elle en est. On voit d’emblée que tout chef qu’elle est Kate va avoir du mal à gérer une situation qu’elle ne maîtrise pas. Les rapports entre ces deux êtres ne sont pas tellement naturels, ils sont même accidentels. Tout l’enjeu du film est justement de raconter un apprivoisement qui sous-tend en grande partie la question de l’éducation. Tout d’abord maladroite et stressée, Kate finira par trouver les clés du cœur de Zoé, notamment avec l’aide de Nick (Aaron Eckhart).

C’est en fait une œuvre sur la confiance à plusieurs niveaux. L’éducation est affaire de confiance : l’enfant doit croire en l’adulte pour que ses enseignements ne soient pas gelés, ce qui exclue les rapports d’autoritarisme mais également de laxisme. Concernant la vie professionnelle de Kate, il rappelle que se donner corps et âme à son travail au détriment d’une vie équilibrée n’engendre que solitude et douleur. C’est un petit hymne poétique à la vie, qui est travail bien sûr mais aussi joie, épanouissement, découverte et partage. La fin est une démonstration que le bonheur se trouve aussi dans les petites choses.

Malgré un message plutôt gentil et convenu, les cinéastes ne parviennent que partiellement à construire des rapports crédibles mais surtout la psychologie des personnages n’est finalement qu’effleurée par des traits grossiers. De la sorte, le film n’apporte pas beaucoup d’un point de vue humain si ce n’est quelques aphorismes sans grande profondeur. On retrouve là encore un trait commun aux comédies romantiques ou même dramatiques hollywoodiennes : une morale simple, pas toujours maladroite néanmoins, et une fin conciliante pour ne pas déprimer notre cher public. Pourtant, Le goût de la vie a tout de même le mérite de soulever plus de questions que la moyenne du genre, sûrement en raison de son flirt avec le drame.

* in notes de production

Jean LOSFELD