Le Nouveau stagiaire

Film : Le Nouveau stagiaire (2015)

Réalisateur : Nancy Meyers

Acteurs : Robert De Niro (Ben Whittaker), Anne Hathaway (Jules Ostin), Rene Russo (Fiona), Adam DeVine (Jason)

Durée : 02:01:00


Ça partait pourtant bien ! C’était très attendrissant, et l’on pouvait espérer un final simple et heureux – rien de révolutionnaire… un final de comédie romantique. De Niro (Ben) jouait son rôle à la perfection, toujours drôle et attendrissant et surtout prenant sans cesse le contre-pied du reste de sa carrière – il rend d’ailleurs un hommage très drôle à Taxi Driver, en pyjama dans sa salle de bain. Il en va de même pour Anne Hathaway (Jules) qui semble même avoir travaillé son personnage, et réussi à imaginer pour elle certains tics et habitudes – un travail surprenant pour ce genre de film. Notons aussi que les seconds rôles formaient un fort appui comique… Ça partait bien…

Mais vint le quart d’heure final, et l’explosion soudaine de tout ce qui avait opéré le charme du film. Ben, jusque là vieil ami, sage et bienveillant qui vérifiait les heures de sommeil de Jules se transforme en libéral aigri et productiviste qui la pousse à abandonner son foyer pour le travail. Jules se battait pendant tout le film pour garder une entreprise qui devient trop grande pour elle, et pour tenter de prendre soin de son foyer – son mari au foyer et sa fille. Mais un mari castré et un faux ami l'ont poussé à aller plus loin dans l’aberration : peut importe la famille, ce qui compte c’est la carrière, le succès personnel ! Et s’il s’en trouve pour te demander un peu de ton temps, de ta tendresse, de ta personne… ce sont des égoïstes.

Le film s’ouvre sur une citation de Freud : « aime et travaille, travaille et aime ». Ora et Labora pourrait on dire ? Non, car la sentence freudienne n’est pas un chemin d’élévation de l’âme, mais un mode d’emploi utilitariste. Produis du PIB et je te donnerai à manger ! Fait des enfants pour que la société survive ! Et au fond tout le film tourne autour d’une vision utilitariste d’un homme nouveau : sans âme, sans passion, sans don de lui-même… Le retraité – celui qui a mérité son pain, l’homme honorable de la société – n’est ici qu’inutilité incarnée. Il doit retourner au travail pour exister, il doit remplacer sa défunte épouse… Il doit remplacer les éléments défectueux de sa mécanique interne pour continuer retourner dans la grande chaine de production du monde…

Et quelle vision de la femme ! La pauvre… Pour rentrer dans la mécanique du monde, la femme ne verra plus ses enfants. Elle mettra des lunettes de soleil pour cacher ses yeux rouges de larmes et prendra du Xanax à heure fixe… Ça crève les yeux, ça crève l’écran !!! Il y a quelque chose de bancal dans le rêve de féminisme accompli proposé par Le nouveau Stagiaire. Mais Nancy Meyers ne semble pas le voir de cet œil puisqu’elle est sincère dans son propos et semble persuadée de défendre un bien avec son film. Pourtant, la même histoire abordée sur un ton légèrement plus cynique, et c’était une critique de ce même combat féministe.