Le prix de la loyauté

Film : Le prix de la loyauté (2008)

Réalisateur : Gavin O'Connor

Acteurs : Colin Farrell (Jimmy Egan), Edward Norton (Ray Tierney), John Voight (Francis Tierney Sr.), Noah Emmerich (Francis Tierney Jr.)...

Durée : 02:10:00


Le prix de la loyauté est à ranger dans la catégorie des films sur les dessous de la police. Ce n'est pas le premier et ce ne sera sans doute pas le dernier. Le scénario est co-écrit par le réalisateur, Gavin O'Connor, et le scénariste, Joe Carnahan (Narc, Mi$e à prix, Mission impossible III). Fils de policier, Gavin avait ce projet à cœur et a su s'entourer d'anciens du milieu pour le conseiller.
C'est une histoire de famille et on sent que la problématique du simple film de genre a été dépassée. Le
rythme est atypique. La première partie du film pourra paraître longue pour une entrée en matière laborieuse malgré une scène d'ouverture dynamisante. La seconde partie se concentre plus sur l'action et tire davantage sur les ficelles du suspens et de la violence. Le tout peut donc laisser perplexe puisque le spectateur pourrait avoir du mal à savoir dans quel univers il se trouve et donc à rentrer dans le sujet et à s'identifier.
Le montage est directement en cause, sans doute plus que le scénario, parce qu'il manipule le temps de manière relativement désorganisée, bien que reposant sur  un montage parallèle classique.
Le casting est cependant de qualité. Edward Norton inspire beaucoup de sympathie en policier honnête mais conscient de la réalité et surtout angoissé par un passé regrettable. Colin Farrell, qui n'a pas un rôle facile, est moins convainquant mais n'a apparemment pas bénéficié de temps de tournage avantageux. Il semble en tout cas campé dans un jeu un peu trop stéréotypé
et répétitif par rapport à ces précédentes interprétations. Ceux qui aiment n'y verront pas d'inconvénients...
Les rapports entre les personnages manquent d'intensité, ce qui est dommage dans un film qui traite des rapports de famille. Notons tout de même que les scènes finales comme celles où Colin lâche sa batte de baseball déclenchent une certaine compassion.
L'ensemble pourra paraître confus parce que, par des effets de scénario, de nombreux rebondissements viennent compliquer l'histoire et ce peut-être au détriment de l'objectif principal du film : les réactions humaines face à des situations extrêmes. D'un autre côté, la complexité des situations aura contribué à appuyer l'idée de difficulté des choix à poser.
« Je souhaitais raconter une histoire qui ait pour cadre la police de New York mais qui n'ait pas du tout la même approche que ce qui se fait d'habitude. Je désirais aussi parler de ce qu'est une famille. Mon propre père avait un sens de la loyauté aigu envers
ses collègues et sa mission, et j'ai souvent vu devant quels dilemmes cela le plaçait
», explique le réalisateur *.

Plus intéressant est le fond moral de l'histoire. Comme le dit Edward Norton : « Tout le film parle de gens confrontés à la nécessité de dire la vérité et à ce que cela coûte…  Quelle douleur est-on prêt à infliger aux siens pour que la vérité triomphe ? » *. On se trouve ici devant des situations que la majorité des gens ne connait pas, ou dans de moindres proportions. La famille peut-elle primer sur le bien commun, sur la vérité ? Dans l'hypothèse où l'on choisit de protéger les siens, se pose alors la question de la justice privée. Le film y répond en prenant le parti de la vérité malgré la pression d'un père sensible à l'honneur et à la dignité de son entourage dont il est particulièrement fier. On pourrait dire que faire éclater au grand jour les exactions d'un proche n'a pas d'intérêt
puisqu'il existe des moyens discrets de sanctionner. Il faut déjà savoir de quelles exactions il s'agit. L'exécution sans procès qu'effectue Jimmy est un meurtre. Faire partie d'une famille n'y change rien et c'est toute la société qui est concernée. Couvrir un meurtre relève de la complicité à la fois morale et juridique. En revanche, on peut imaginer des situations où révéler un scandale soit plus négatif que positif pour le bien commun, auquel cas les personnes qui détiennent le pouvoir de dire ou de ne pas dire doivent agir avec prudence.
Dans le film, la question n'est pas tellement posée sous cette angle. Ce qui importe, c'est la sauvegarde de l'honneur. Les héros font preuve de responsabilité et de courage en refusant le mensonge (voir l'interrogatoire de Ray) et en décidant d'assumer pleinement.
Une autre question se pose : celle de la frontière entre le bien et le mal. « Il n'est pas surprenant que les policiers finissent par se sentir frustrés par la guerre qu'ils
mènent. Ils sont les remparts de la civilisation face à un flot qui ne se tarira jamais. Il y aura toujours des crimes, il y aura toujours de la violence. Et face à cela, il y aura toujours des gens honnêtes beaucoup moins bien payés que ceux qui trafiquent. Les flics risquent leur vie tous les jours et ils ne sont pas souvent récompensés à la mesure de leur mission 
». Partant de cette réflexion de Colin Farrell, dont le personnage passe « du côté obscur », il faut noter la relativité dans laquelle se trouvent les policiers : ils sont à la fois opposés et proches de la délinquance qu'ils combattent. Ce thème est également traité dans le film American Gangster avec Russel Crowe. Si la difficulté du métier explique les dérives, elle ne peut en revanche pas les excuser. Peut-être faudrait-il cependant de la part des autorités publiques un meilleur soutien de leurs hommes,
notamment à l'aide d'une meilleure rémunération ou autres avantages. Mais c'est là affaire de politique et non de morale.

Quoiqu'il en soit, le film traite assez en profondeur de ces thèmes et la solution qu'il préconise est l'exemple du courage, du sens du devoir et de la responsabilité... On retrouve bien évidemment l'american touch et le lyrisme de nombreux films du continent, mais ça ne fait pas de mal...

Jean LOSFELD