Le Prodige

Film : Le Prodige (2013)

Réalisateur : Edward Zwick

Acteurs : Tobey Maguire (Bobby Fisher), Liev Schreiber (Boris Spassky), Michael Stuhlbarg (Paul Marshall), Peter Sarsgaard (Père Bill Lombardy)

Durée : 01:54:00


Un homme d’exception. Exceptionnellement capricieux, fou, doué, Bobby Fischer fait tourner le monde autour de lui et tire un maximum de son talent pour assurer ses vieux jours. Mais les génies, que ce soit un peintre ou ici, un joueur d’échecs (la comparaison est un paradoxe, plus que ce que le film veut croire, car un joueur et un créateur sont difficilement comparables), ont toujours un truc qui cloche.
Et chez notre bon Bobby, il y en a : juif un poil antisémite, parano envers les rouges, et pourtant suspecté de travailler pour eux, abreuvé de théories de sectes protestantes, et pourtant suivi par un prêtre …
Toujours à deux doigts de gâcher tout ce qu’il a bâti, le personnage nous fait hésiter entre l’attachement pour son talent, sa singularité, et l’exaspération, pour ses délires multiples. Ce qui en fait un assez bon rendu du vrai Fischer.
Privé de père, étranger pour sa mère, le précoce champion d’échecs est à la fois une réussite et un désastre : le plus dur des défis, manifestement, n’est pas tant de battre le roi russe des échecs, que de se vaincre soi-même. Le prêtre qui l’accompagne, adopté pour son talent de joueur, et plutôt « cool » pour ne pas rebuter certains (je fume, je bois, je dis quelques gros mots, je suis cool quoi), semble plus attaché au palmarès du poulain qu’à son salut … Ceci étant dit, il est bien rare de voir des soutanes bien traitées au cinéma, depuis fort longtemps. Enfin, « bien » au sens libéral …

Pour le grand public, c’est une copie impeccable, académique, prenante, au suspense efficace, bien interprété à tous les niveaux (le rôle va à ravir à Tobey Maguire), avec son et image soignés.
Pour le cinéphile, c’est peut-être plus partagé : on regrette un peu le manque de folie du film pour parler d’un génie. Difficile d’entrer dans la tête de ce genre de types, dirait-on … Ainsi, pour rester compréhensible, le film reste très vague et discret quant au jeu lui-même. Non pas qu’on ne voit pas d'échecs, loin de là, mais les amateurs n’apprendront à peu près rien. On répète sans cesse que Fischer est un génie, tant mieux ! Dommage de si peu parler de son art, en ce cas …

Le prodige est donc un biopic réussi, soigné, sérieux et élégant, mais peu original, pour parler d’un original.