Le roi Arthur

Film : Le roi Arthur (2004)

Réalisateur : Antoine Fuqua

Acteurs : Clive Owen (le Roi Arthur) Keira Knightley (Guenièvre) Ioan Gruffudd (Lancelot) Stephen Dillane (Merlin l'enchanteur) Stellan Skarsgard (Cerdic) Hugh Dancy (Galahad) Ray Winstone (Bors) Mads...

Durée : 02:06:00


Le titre est séduisant, la légende du roi Arthur a été reprise de nombreuses fois, que ce soit en dessins animés, en film ou en roman. Séduisant mais trompeur, car la réalité du film surprendra les historiens aussi bien que les férus de légende. En effet, « Le roi Arthur » reprend des éléments de la légende et de la véritable histoire. Ainsi, Merlin l’enchanteur apparaît plus comme un chef de guerre barbare que comme un magicien, ce qui est proche de la réalité historique. Il est donc difficile pour le spectateur quel qu’il soit de trouver ses repères. De plus, le cinéaste prend d’assez grandes libertés : entre autres, Guenièvre est une guerrière qui avec un arc
dans la main fait des ravages. Le rôle de Guenièvre interprété par Keira Knightley, héroïne du « Pirate des Caraïbes », suit le courant très répandu aujourd’hui de la femme aventurière aux nerfs et aux bras d’acier qui ne recule devant rien, surtout pas devant un homme. On peut dire que ce personnage est conçu pour le spectateur, produit surfait à la démarche sensuelle et au regard insolent qui ravit cependant plus les « machos » que les féministes.

 
« Gladiator » nous a édifié, « The Patriot » ému, ce film pourra plaire aux amoureux des scènes de batailles ou aux idéalistes au cœur fragile. En effet, la réalisation a été faite sans trop prendre de risques. En outre beaucoup de vieux clichés usés viennent donner aux spectateurs cette désagréable impression de déjà vu : un guerrier qui pousse un cri de guerre mêlant courage, puissance et folie dans les moments désespérées, le discours inutile et trop prévisible d’Arthur à ses chevaliers avant le
combat, le retour « inattendu » de ses compagnons d’armes...

 
Cependant, on ne peut retirer au réalisateur le résultat d’un travail sérieux : les décors sont beaux et contribuent avec la musique de Hanz Zimmer à donner ce sentiment de grandeur indispensable dans un film de quête ou de guerre. De fait, Hanz Zimmer est fidèle à lui-même quoique sa musique ici, manquant parfois de finesse, ne semble pas avoir été autant travaillée que dans Pearl Arbor ou Gladiator. De gros moyens ont contribué à ce résultat : par exemple le mur d’Hadrien qui fait environ 120 kilomètres dans la réalité a été reconstitué en miniature, faisant tout de même 950 mètres de long et environ 10 mètres de haut. Les scènes de combat sont assez bien rendues (remarquable combat sur un lac gelé) et, malgré les clichés, l’émotion passe. De plus, le casting est intéressant et on se laisse facilement séduire par le charme de Clive Owen, dans le rôle d’Arthur. D’ailleurs son ennemi, le
chef de guerre saxon, lui rend bien le change.

Le travail historique, bien que très peu objectif (voire la ), est intéressant. Le réalisateur, Fuqua, s’est entouré de spécialistes dans l’histoire du roi Arthur, et a recherché la véracité historique. Cependant ça ne l’a pas empêché de romancer comme il l’entendait de sorte qu’il se situe dans la lignée des interprétations cinématographiques déjà connues de la légende du roi Arthur (voire Excalibur, Merlin l’enchanteur, Le Camelot, Lancelot…).

Le principal souci de ce film reste son message. Bien que le cinéaste essaie de nous engraisser en nous nourrissant de magnifiques idées comme la liberté qu’on retrouve dans de nombreux films du même genre. On ne sait pas trop ce qu’est la liberté mais on en mange pendant tout le film.
Il règne pendant tout le film une ambiance particulièrement malsaine : le réalisateur n’a vraiment aucune pudeur. En effet il montre l’Église et les
chrétiens comme des fanatiques qui torturent et qui tuent les païens pour la foi, tout en prenant un odieux plaisir à ridiculiser des hommes d’Église. On n’a pas du tout besoin de ce film pour voir et entendre des erreurs historiques aussi graves... Le problème n’est pas le fait de montrer que certains convertis de l’empire romain, dans des contrées lointaines, utilisaient les tortures, car il y avait bien évidemment des dérives que Rome n’était pas en mesure de contrôler en raison de la distance, mais de faire croire que c’était la même chose dans les pays nouvellement évangélisés qu’à Rome. Une scène importante est très significative de cet état d’esprit : Arthur discute avec un romain qui explique que la torture que son père pratiquait n’était pas un cas isolé mais qu’à Rome on avait la même vision des choses. Arthur quant à lui, que l’on fait passer pour un idéaliste un peu trop optimiste, croyait, dans sa grande naïveté, que Rome et le Pape étaient justes et humains. Mais non, en fait ce sont des
monstres qui torturent et qui tuent tout ceux qui ne sont pas d’accord ! Par exemple… Pelagius, un théologien du V° siècle, ami d’Arthur dans le film s’est fait exiler et tuer pour hérésie. Arthur est alors bouleversé quand on lui annonce la nouvelle. Le pauvre, il ne savait pas qu’on lui mentait autant qu’au spectateur… donc tout le monde est horrifié ! Heureusement, il suffit d’ouvrir un livre d’histoire digne de ce nom pour apprendre que les historiens ont perdu la trace de Pelagius et que les circonstances de sa mort sont inconnues. En revanche, il est vrai que ce moine, qui n’en était peut-être pas un, s’est fait condamner pour hérésie (il ne s’agit pas d’une condamnation à mort bien évidemment) par le pape pour la première fois, et le pélagianisme fut condamné de nombreuses fois par la suite.

Mais quelle est la raison de sa condamnation ? Arthur dit que Pélage enseignait que les hommes naissent tous libres et égaux. Mais ce n’est pas le principal enseignement de Pelagius. Le
pélagianisme consiste en effet à amoindrir l’importance de la grâce divine au profit de la seule volonté de l’homme qui peut parvenir à un certain degré de sainteté par lui-même. La grâce ne serait qu’une aide supplémentaire. Cette doctrine a été vivement combattue par saint Augustin qui envoya un de ses disciples à Rome auprès du pape pour obtenir sa condamnation. Saint Augustin soutenait que Pelagius commettait, entre autre, l’erreur de considérer que l’homme choisit le mal ou le bien par sa volonté propre : « Tous sont régis par leur volonté propre, et chacun est abandonné à son propre désir ». La grâce de Dieu n’interviendrait que pour aider celui qui a choisit le bien. Or, nous dit Saint Augustin, même si sa volonté accepte librement le bien, ce choix « lui est avant tout inspiré par la grâce de Dieu. Il n’a besoin que de son oeil pour rester dans les ténèbres ou pour ne pas voir, mais pour voir il ne lui suffit pas de sa propre lumière, il a besoin du secours extérieur de la grâce divine ». Donc Pélage
n’a pas été condamné à la légère, il suffit de voir les termes du procès, et si son enseignement a été rejeté par les évêques catholiques, l’Église ne l’a pas fait tuer.

En outre, une scène érotique de courte durée entre Guenièvre et Arthur finit d’achever celui-ci qui, attaqué de toute part pour sa foi non dissimulée, se jettera dans un mariage barbare célébrée par Merlin l’enchanteur, réputé avoir des pouvoirs magiques, pour ne surtout pas dire sataniques.
En bref, ce film n’est autre que le récit d’un grand homme qui perdit sa foi …

Jean LOSFELD