Le Sel de la terre

Film : Le Sel de la terre (2014)

Réalisateur : Wim Wenders, Juliano Ribeiro Salgado

Acteurs : Sebastião Salgado (Lui-même), Wim Wenders (Lui-même), Juliano Ribeiro Salgado (Lui-même)

Durée : 01:50:00


Le photographe est d'abord un témoin. Amateur, professionnel, paysagiste, animalier ou social, reporter de guerre ou paparazzi de stars, il invite notre œil dans des endroits où nous ne serions jamais allés sans son partage de regard.

Le « sel de la terre », titre du film sans rapport direct avec les évangiles, c'est ce genre humain qui fabrique mais aussi subit les événements.

En temps que photographe professionnel, globe-trotter infatigable à l'affût des bouleversements du monde, Sebastião Salgado a été le témoin d'événements pétrifiants. Du Darfour jusqu'à la Yougoslavie, du Brésil jusqu'au Koweït, il a inlassablement photographié ce qui l'émouvait, le révoltait ou l'enchantait.

Le photographe est ensuite un artiste. Si, d'un point de vue cinématographique, la réalisation est très faible, le film tire son épingle du jeu grâce à la qualité hallucinante des photographies. Réalisées en noir et blanc, accompagnées des explications de Sebastião Salgado, elles nous propulsent dans son univers et nous font partager (odeurs et misères en moins) les moments richissimes passés avec des personnes et des cultures d'origines extrêmement différentes.

Au bout du chemin, à la pointe de l'expérience, on peine finalement à comprendre toutes les convictions du photographe. Ancien militant révolutionnaire du Brésil aujourd'hui reconverti en écologiste passionné, il ne semble pas y avoir pour lui de différence entre religion et superstition. C'est assez dommage car le film, pourtant doué du verbe, ne dépasse pas le mutisme de la photographie. Si les paroles partagent l'émotion, on reste enfermés dans les poncifs du verbiage droit de l'hommiste… Tantôt l'homme est un meurtrier, tantôt il est plein de soleil ; il meure, vit, souffre, rit… Mais tout cela a-t-il un sens ? Sebastião Salgado a-t-il réussi à penser un sens à toutes ces scènes ? Au bout du compte, son admirable travail écologique n'est-il pas insignifiant à côté de ce qu'il aurait pu apporter à la réflexion politique ou sociale ?

Et si, après tout, il n'avait ni les capacités ni le goût à conjecturer, ce qui ne saurait le condamner ? Alors il nous resterait à regarder les images défiler devant notre regard humide, et à tenter, nous, d'y donner un sens. Devant le choc des images, il est maintenant temps de faire œuvre de résilience, puis de pensée. La balle est dans le camp du spectateur...