Le Temps des aveux

Film : Le Temps des aveux (2014)

Réalisateur : Régis Wargnier

Acteurs : Raphaël Personnaz (François Bizot), Kompheak Phoeung (Douch), Olivier Gourmet (Le Consul Marsac), Thanet Thorn (Néang)

Durée : 01:35:00


Ha... ce film-là, j'en connais qui ne vont pas l'apprécier ! Ils sont rouges (parfois verts à l'extérieur), défendent une idéologie périmée, gouvernent notre pays, nous font croire depuis des années que le seul totalitarisme qui mérite d'être dénoncé, c'est le nazisme, essaient de nous refaire le coup des lendemains qui chantent, nous bombardent d'interdictions en nous expliquant que c'est pour notre bien… Bref, ils ne vont pas aimer.

Ils ne vont pas aimer ce film qui montre combien le communisme (maoïste, ce qui permettra à certains de chipoter en disant que ce ne sont pas eux, ce sont les autres) est une paranoïa anti-populaire (au point de torturer et de tuer de parfaits innocents), un nouveau rêve de perfection terrestre, une nouvelle religion sans Dieu (on a même le droit à une séance de confession publique), une prétention à régir le moindre de nos mouvements (pour notre bien, toujours, si si !).

Cette idéologie est défendue bec et ongles par Douch (de son vrai nom Kang Kek Ieu), chef du camp de rééducation dans lequel sont enfermés François Bizot et ses amis. Son maître-mot pendant tout le film ? La procédure. On applique la procédure, on obéit. Comme les fonctionnaires zélés qui s'affairent dans nos ministères, comme les soldats qui torturèrent l'assistant de l'anthropologue français avant de le tuer. Normal, puisque les chefs savent tout mieux que tout le monde, à la manière des Inzbegdeurs de l'Édugazion Nazionale, qui viennent expliquer aux enseignants comment il faut éduquer (oui la rééducation c'est du passé, on fait mieux aujourd'hui, on n'arrête pas le progrès).

Et pendant que Raphaël Personnaz interprète à merveille son personnage, enfermé dans ce camp, torturé, séparé de sa femme et de sa fille, « interrogé », Régis Wargnier filme, de sa caméra la plus réaliste possible, sans effets de manche, sans ronds de jambe. La brutalité des gardes, l'inhumanité de la discipline écervelée, la discussion passionnante entre Bizot et Douch son tortionnaire, sur les points communs troublants entre la révolution khmer et le bouddhisme qu'elle combat.

Il fut un temps où un chanteur, Jean-Pax Méfret, était vilipendé pour avoir chanté Et la musique s'est arrêté. Aujourd'hui, l'accusation contre les Khmers rouges s'offre toute la surface d'une toile. Comme quoi, les temps changent.

On retrouve aussi dans ce film inspiré du livre de François Bizot lui-même (Le Portail, 2000), ce qui faisait l'intérêt de récent Les voies du destin, dans lequel un homme, joué par Colin Firth, retrouvait son bourreau plusieurs années après. Dans les deux films, la confrontation se fait dans une petite pièce, à l'abri des oreilles indiscrètes, mais Régis Wargnier, réalisme oblige, n'a pas choisi de mettre autant d'intensité dans la scène. Pourtant la souffrance de chacun est bien présente. Les regrets du tortionnaire (exprimés dans un autre livre de François Bizot, Le Silence du bourreau), devenu professeur de catéchisme, et la soudaine compréhension de l'ancien prisonnier pour l'humanité de celui qui fut son ennemi.

Un excellent film, donc, qui immerge le spectateur dans un autre monde fidèlement reproduit (Rithy

Panh, cinéaste franco-cambodgien ayant réalisé deux documentaires sur Douch, a servi de conseiller technique), et le confronte aux démons de l'humanité. Je sais, c'est bateau, mais un bateau qui a le mérite de nous faire traverser sans encombre la culpabilisation ambiante, orchestré par des années de propagande rouge. Alors ne boudez pas votre plaisir, allez vivre ces moments difficiles avec François Bizot, et n'oubliez pas, camarades, qu'un billet de cinéma est aussi un bulletin de vote !