Les Vacances du Petit Nicolas

Film : Les Vacances du Petit Nicolas (2014)

Réalisateur : Laurent Tirard

Acteurs : Valérie Lemercier (La mère de Nicolas), Kad Merad (Le père de Nicolas), Dominique Lavanant (Mémé), Mathéo Boisselier (Le Petit Nicolas)

Durée : 01:37:00


Attention, cette critique est écrite par un fan absolu du petit Nicolas !

Le premier opus était décevant, pour une raison très simple : le livre raconte des histoires vues et racontées par un enfant. Toute la jouissance de la lecture consistait donc à deviner les petits drames quotidiens au travers de l'innocence juvénile. Ajoutez à cela la justesse des comportements, la lucidité de Goscinny et les coups de crayons hilarants de Sempé, vous obteniez un trésor d'intelligence aussi bénéfique pour le moral des français qu'un président de la République qui se casse une patte.

Or dans une perspective cinématographique, la chose est infiniment plus compliquée pour une autre raison simple : le spectateur voit directement les faits. Plus de langage enfantin, plus d'innocence : on ne dit plus « maman avait toujours des trucs qui lui tombaient dans les yeux, et même en se mouchant, rien n'y faisait, » mais on voit maman pleurer.

Du point de vue de la narration, ce film présente des étincelles de génie cinématographique. On sent que le cinéaste a su tirer parti des défectuosités. En témoigne ce passage (abondamment utilisé dans la bande-annonce), où le petit Nicolas imagine se marier devant un prêtre précisant avant l'échange des consentements que le garçon est « capitaine de bateau » et « gagne des tas d'argent. »

Franchement, c'est brillant, mais très insuffisant parce que trop rare.

De plus, cet opus ne porte que sur la première moitié du livre « Les vacances du Petit Nicolas, » à savoir ce qui se passe à l'hôtel Beau-Rivage (planté pour les besoins du film en Normandie, à Noirmoutier, sur la plage des Dames). Passée cette première déception, on se demande donc comment les vides seront remplis (il faut tenir 1h37 tout de même). Hé bien comment ont-ils comblé les trous ? Hein ? Hein ? Je vous le donne en mille !

Premier ingrédient : rajouter la grand-mère dans les vacances, et insister sur le conflit avec le père. C'est dommage ! On avait l'habitude de l'univers d'une famille sympathique, avec ses petits tracas quotidiens, on tombe en pleine guerre familiale. C'est-à-dire qu'on retombe dans une logique de famille blessée, au lieu de s'évader dans une famille aimante.

Quoique classique, ce ressort est néanmoins souvent efficace, et d'une gravité morale toute relative. Mais le film ne s'arrête pas là !

Époque pourrie oblige : le papa lorgne sur une affriolante pensionnaire de l'hôtel (merci pour la pauvre scène de nudisme, bien éloignée de l'esprit du livre), le garçonnet passe d'amoureuse en amoureuse, et la maman se fait conter fleurette par un millionnaire cinéaste ! Apparemment anodin, ce détail a son importance ! Car d'une part le malheur qui découle de cette situation est étoffé par la remarquable interprétation de Valérie Lemercier et Kad Merad , d'autre part la mère est mise en situation de choisir entre son mari et la gloire (élément parfaitement absent du livre original), et enfin on quitte le contexte volontairement ordinaire de la vie du Petit Nicolas. Or la virtuosité du livre ne repose-t-elle pas en grande partie sur la mise en relief d'événements parfaitement banals ?

Alors pourquoi ces braves gens de l'industrie cinématographique s'obstinent-ils à saloper tout ce qu'ils touchent ? C'est comme si notre époque dépressive était incapable de positiver, de débusquer l'extraordinaire dans l'ordinaire, ou de proposer au peuple des images et des histoires vraiment revigorantes !

Comment Anne Goscinny, fille du grand homme, et Jean-Jacques Sempé lui-même ont-ils pu cautionner ce film ?

Pris indépendamment de l’œuvre originale ce film est juste divertissant. Malgré des références cinématographiques intéressantes (La grande vadrouille, Psychose…), il s'inscrit dans la veine de La guerre des boutons ou des Vacances de Monsieur Hulot.

Comparé au livre, il s'agit de haute trahison, mais qu'importe : les gens ne lisant plus et laissant traîner au sol leur niveau d'exigence, impossible d'être pris la main dans le sac !

Sauf par les lecteurs de L'écran, évidemment !