Les Yeux jaunes des crocodiles

Film : Les Yeux jaunes des crocodiles (2012)

Réalisateur : Cécile Telerman

Acteurs : Julie Depardieu (Joséphine Cortes), Emmanuelle Béart (Iris Dupin), Patrick Bruel (Philippe Dupin), Alice Isaaz (Hortense)

Durée : 02:02:00


Voilà un film humainement riche. Adapté du roman de Katherine Pancol, le film aborde dans une réalisation très sommaire des questions éternelles, qu'il plonge dans notre monde contemporain pour les faire mieux rissoler.

Tout d'abord, et c'est probablement le plus important, il s'agit de portraits de femmes. Là où 8 femmes avait misérablement échoué, celui-là attaque les caractères aussi impitoyablement que le fit Boileau. Dans ce scénario très bien construit par la fille de Katherine Pancol, Charlotte de Champfleury, où s'enchevêtrent différentes histoires (au point de paraître parfois décousu) les personnages féminins prennent vie dans des enveloppes de multiples formats. C'est Josépine la gentille fille d'abord, intelligente mais mal dans sa peau, complexée, qu'incarne Julie Depardieu, perdue au milieu d'un monde qu'elle ne comprend pas ; c'est sa sœur ensuite, jouée par Emmanuel Béart, femme de salon, séductrice, souffrant de l'univers mondain dans lequel elle se complaît, lointaine pour son fils, hautaine pour Jo, qui ne vit en couple que pour elle ; c'est l'amie et confidente de Joséphine, qui assiste impuissante au sinistre ballet ; c'est encore leur mère, vieille peau acariâtre et arriviste, qui a toujours couché pour réussir et s'imagine valoir quelque chose, qui traite avec dédain une secrétaire avec laquelle son mari la trompe, petite salariée qui souffre de sa romance cachée et survit comme elle peut dans ce contexte venimeux... A côté d'une autre figure féminine, celle de la préadolescente effacée, fille de Joséphine, la deuxième fille de celle-ci, bouillante adolescente qui blesse à coup de répliques tranchantes ceux qui l'entourent et finit par saigner de n'avoir pas d'amis.

Les hommes ne sont pas beaucoup mieux lotis, mais ils servent d'accessoires. Le patron avec sa secrétaire, l'amant jeune, beau (enfin je suppose !) et ténébreux de Jo, le mari alcoolique et chômeur qui rate tout ce qu'il entreprend, etc.

Il y aurait beaucoup à dire sur les interactions, la chose est bien pensée. Mais pour prendre un raccourci, quelles solutions à tout cela ? – attention à ne lire que si vous voulez connaître le dénouement – le suicide, le divorce, la vérité tranchante, que du bonheur, quoi...

Et pourtant, il faut reconnaître que sur le chemin on plonge en pleine tragédie humaine peinte avec un réalisme saisissant, d'autant que la bonté n'est pas absente du film, bonté en la personne de Jo qui aide sa sœur, par exemple, dont le mari incarné par Patrick Bruel est aussi un modèle de bienveillance.

Vous l'aurez compris, il ne s'agit pas d'une grosse marrade entre deux génériques. Le film est grave et profond. Mais n'allez pas imaginer non plus que le tout est larmoyant. A vrai dire, il y a même assez peu de passages émouvants au premier degré. L'émotion n'arrive qu'au moment où l'on grimpe au deuxième degré pour deviner l'intérieur de ces filles sinistrées, ce qui les conduit à agir de la sorte, ce qui informe la matière d'agir, diraient ceux qui veulent se la raconter...

Un support de réflexion intéressant, donc, à déconseiller à ceux qui ont l'habitude de la télé-réalité : faudrait quand même voir à ne pas trop se fouler un neurone...