Libre et assoupi

Film : Libre et assoupi (2013)

Réalisateur : Benjamin Guedj

Acteurs : Baptiste Lecaplain (Sébastien), Charlotte Le Bon (Anna), Félix Moati (Bruno), Denis Podalydès (Richard)

Durée : 01:33:00


Le film commence. Baptiste Lecaplain, alias Sébastien, explique longuement, posément, de façon détaillée, comment il choisit les femmes sur lesquelles il se masturbe. Le ton est donné…

« Il est libre Max », chantait Hervé Christiani à l'époque, dans une chanson qui aurait pu être au générique (d'autant que j'aime bien faire la seconde voix dessus), car tout y est.

 

S'appuyant sur le roman pas tout à fait éponyme de Romain Monnery (Libre, seul et assoupi), la caméra montre l'image d'un Sébastien décomplexé, intelligent, brillant même, qui a décidé de ne rien faire de sa vie. Si on se contente de ce degré, le film est totalement débile. La belle Charlotte Le Bon peine à masquer son délicieux accent québecois (assume mémère !) et le jeu d'acteurs de ses deux colocs, dont le deuxième est interprété par le marrant Félix Moati, est à la limite de l'insuffisance… Les tirades peinent souvent à sortir, la mise en scène est poussive, et on se demande même ce que le brillant Denis Podalydès fait là, ainsi que Sullane Brahim, de la Comédie française, qui fait quelques apparitions.

La musique est parfois inappropriée, parfois très justement trouvée quand elle s'accorde avec les scènes enjouées.

Pourtant malgré tous ses défauts, le film a vraiment quelque chose. Il y a, ici et là, des signes qui ne trompent pas. L'effet comédie américaine légère, d'abord, pour laquelle la musique fait énormément, le comique de situation et la mise en scène ensuite, bien maîtrisée et qui se caractérise par quelques longs plans séquence, en particulier dans le salon, et la justesse de certaines caricatures, même si le passage du banc dans le parc est totalement décalé (dans le mauvais sens du terme)… Il y a donc un petit talent qui demande à germer.

 

Mes confrères ont écrit partout que le film revendiquait le droit de ne rien faire.

C'est faux.

De ce point de vue, le film est très critique. Sébastien, comme le lui disent ses amis, est effectivement un parasite, qui passe à côté de l'amour de sa vie parce qu'il est un crétin, et qui finit par construire quelque chose au sortir de sa crétinerie.

En revanche le scénario aurait pu montrer avec plus de réalisme (tout en restant dans la comédie) les difficultés terribles qu'entraînent l'oisiveté et la mollesse. Car notre brave petit s'en sort finalement assez bien, vu sa démission totale pendant tout le film.

Cette fausse idée de la liberté qui consiste à penser que celle-ci consiste essentiellement à choisir (fusse ce choix asservissant) méritait d'être éborgnée. C'est chose faite...

Le contexte de la colocation, important dans le film et pour l'intrigue, est assez bien rendu. Le partage des tâches, l'ambiance, et l'évidente improbabilité d'une colocation neutre entre un homme et une femme. Car arrêtons de nous mentir, cette idée de cohabitation qu'ont certains jeunes en tête est franchement idéaliste ! Ici rien de tel, évidemment, puisque l'un est comme un caniche fou, et l'autre fait se languir la jeune femme.

Quant au monde des jeunes adultes, dont la vie semble centrée sur cette chose aussi magnifique et édifiante que la relation sexuelle, il ne mérite manifestement d'être ni vécu, ni montré…

Car bien qu'il n'y ait pas de scène érotique dans le film, ce qui n'est déjà pas si mal, on n'entend parler que de ça...