L'Odyssée

Film : L'Odyssée (2016)

Réalisateur : Jérôme Salle

Acteurs : Lambert Wilson (Jacques-Yves Cousteau), Pierre Niney (Philippe Cousteau), Audrey Tautou (Simone Melchior Cousteau), Laurent Lucas (Philippe Tailliez)

Durée : 02:02:00


Cousteau... Célébrité de jadis, anonyme d'aujourd'hui. Nos écoliers ne savent plus qui c'est, alors qu'à la conquête des fonds marins il ajouta celle des Etats-Unis puis du monde. Ce Nemo des temps modernes rêva d'un homme-poisson, d'un village sous-marin, d'une nature préservée, sans pour autant tomber dans le piège écologiste. Sur ce dernier point, le film est étrangement muet, alors que cette neutralité politique déclencha pourtant l'ire des milieux gauchistes. Ceux-ci reprochèrent à Cousteau les écrits antisémites de son frère, et fouillèrent dans son passé pour le mettre à mal. Dans le même temps, ils déclarèrent que Le Monde du silence, Palme d'or en 1956 puis oscarisé en 1957, était un film violent qui ne respectait pas la nature. On y voyait entre autre un cachalot blessé par la Calypso, et achevé par l'équipe. Cousteau avait commis le crime suprême : celui de n'avoir pas absolutisé sa cause, celui de ne pas avoir idolâtré ce qu'il a pourtant défendu de tout son être. De tout cela le film ne parle pas. Soyons même plus clair : il porte moins en fait sur « JYC », comme l'appelait ses amis, que sur son fils, Philippe. De l'enfance du commandant, aucune trace. C'est Philippe, que le scénario montre comme le préféré, que l'on voit enfant, que l'on voit grandir, souffrir et faire enfin payer à son père sa célébrité et son obstination. C'est l'angle d'attaque qu'aura choisi Jérôme Salle, réalisateur également à l'origine du film, et il ne s'en cache d'ailleurs pas : « Pierre Niney, avec qui je voulais travailler, m’a conforté dans l’idée d’accorder plus de place au personnage de Philippe Cousteau, l’un des fils du commandant. A ce moment, l’opposition entre lui et son père m’a paru une évidence pour construire l’histoire du film... » L'intimisme sera donc à l'honneur, comme dans cet autre film français Cézanne et moi, sorti dans les salles une semaine plus tôt. A l'image des images magnifiques du film, la caméra plonge en Cousteau comme dans la grande bleue, et tente d'éclaircir les zones d'ombre abyssales. C'est au travers de ses deux fils qu'il va dessiner le personnage. L'indomptable Philippe d'abord, interprété par un Pierre Niney en grande forme et manifestement beaucoup plus écolo que lui, et le discret Jean-Michel ensuite, joué par Benjamin Laverhne, fidèle soutien lacéré par le dédain de son propre père. On découvre la face cachée de l'homme au bonnet rouge, jusque dans le sale, jusque dans l'adultère à répétition, qui causa tant de souffrance à Simone, la « bergère », sa femme de tête, sa dame de cœur, réfugiée dans une Calypso reconstituée pour le film. Le film choisit là encore de se cantonner à cette relation conjugale, alors que les Cousteau finirent par divorcer, et que lui se remaria pour avoir une deuxième progéniture. Ce n'est pas le seul point que le film camoufle. Outre quelques libertés curieuses prises avec la réalité (comme le décès accidentel de Philippe, par exemple), la négligence du commandant pour sa famille est montrée comme la conséquence de sa passion pour l'élément liquide, mais la pellicule se garde bien de révéler le caractère coupant que pouvait arborer Cousteau au quotidien. Le spectateur, et c'est une faiblesse du scénario, ne peut que faire confiance aux réquisitoires de Philippe ou de Simone, mais pas beaucoup plus. Sous l'enveloppe de Lambert Wilson, drastiquement amaigri pour le rôle, Cousteau est donc montré comme un sympathique visionnaire, intelligent et passionné, dont l'attitude déterminée blesse son entourage. Un film intéressant mais partiel et partial, au budget petit mais Cousteau...