Puisqu'on vous dit qu'il est en forme, notre Mathieu Kassovitz ! Cette tête de premier de la classe, l'air de ne pas y toucher, qui se pose en champion de l'indépendantisme kanak, cette façon de mêler les flashbacks aux longs plans-séquences, ce souci de réalisme dans les scènes de combat...
Ce même réalisateur qui avait commis La haine en 1995 s'investit à double titre (acteur et réalisateur) dans un film résolument partisan. Il s'agit non seulement pour lui de dénoncer l'action du gouvernement lors de la prise d'otage d'Ouvéa en 1988, où plusieurs gendarmes avaient été séquestrés dans la jungle calé
donienne par quelques indépendantistes bien énervés, mais également de dénoncer le colonialisme de manière générale : « il y a dans cette histoire une universalité qui me subjugue. La façon dont on pille les richesses d’une population en leur imposant des règles, des lois qui ne peuvent pas fonctionner chez eux. »
Contexte intéressant pour un cinéaste qui souhaite incarner cette question dans un fait réel, la France vit à cette période sa première cohabitation. Dur dur pour des militaires qui doivent bien recevoir les ordres de quelqu'un ! Même si, comme le veut la Constitution de 1958, François Mitterrand, le Président, est le chef des armées, Jacques Chirac, chef du gouvernement, a les moyens de jouer les trouble-fêtes.
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D'une manière générale, il y a deux façons de voir les actions menées par des indépendantistes. La première est simple. Elle consiste à constater que le peuple ne souhaite pas l'indépendance, que l'action en question est illégale et que l'on ne s'attaque pas impunément à une grande puissance comme la France. C'est dans le film la position de l'armée de terre, du ministre de l'Outre-Mer Bernard Pons et de Jacques Chirac, dont on voit un extrait de son débat présidentiel avec François Mitterrand.
Ce dernier défend d'après Mathieu Kassovitz une deuxième option : celle du dialogue. C'est aussi, à en croire le film en tout cas, celle défendue par la gendarmerie,
dont les chefs pensent à démissionner pour envisager un assaut contre la position ennemie. Selon cette option, il faudrait parlementer avec les insurgés, comprendre ce qu'ils veulent, tout faire pour éviter de recourir à la force. Mettre les insurgés et l'État français sur un pied d'égalité, c'est aussi du même coup faire des indépendantistes des combattants de la liberté auquel le film donne la parole au travers de la relation entre le capitaine chargé de l'affaire et le chef des rebelles. Le réalisateur s'embrase ainsi pour « les relations qui se nouent entre cet officier du GIGN et ce jeune leader indépendantiste. La rencontre de deux personnalités qui se comprennent tout de suite. Ils ont tous les deux les mêmes ambitions et les mêmes besoins de justice. »
Le spectateur est donc invité à louer la bravoure du capitaine Legorjus, chef du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), même si le réalisateur s'en défend (« je leur répondais [NDLR : aux kanaks] que le but du film n’était pas d’en faire un héros, ni un traître d’ailleurs, mais simplement de raconter ce qu’il avait vécu… »). Cet ancien membre du GIGN a d'ailleurs collaboré au film, pour raconter comment il a tenté par tous les moyens de préserver le dialogue avec les terroristes pour éviter des morts : « je lui ai fait lire assez vite toutes les premières versions du scénario, raconte Mathieu Kassovitz.
span>J’avais besoin qu’il me donne son avis sur la direction que nous avions prise, qu’il me corrige, qu’il rectifie des erreurs d’appréciation possibles. Je savais à quel point cette histoire est importante pour lui. »
Seulement voilà... Il semblerait que la position du réalisateur, de l'officier et de ses amis soit hautement contestable !
D'une part il ressort du film lui-même une incohérence. Alors que le cinéaste donne nettement sa préférence à François Mitterrand pour son souci du dialogue, il est dit clairement dans le scénario que c'est le Président lui-même qui a donné l'ordre d'intervenir. Les mauvaises langues seraient donc tentées d'y
voir là une position hypocrite du meneur socialiste, puisqu'il a fait le contraire de ce qu'il affirmait lors de cette controverse. Bernard Pons, directement mis en cause par le film, s'engouffre donc intelligemment dans la brèche : « François Mitterrand était président. Jacques Chirac, Premier ministre, affirme-t-il au quotidien 20 minutes le 16 avril 2011. S'ils ont donné l'ordre d'attaquer, c'est parce que la vie d'hommes était en jeu et non pas parce qu'ils étaient au coude-à-coude avant le second tour de la présidentielle. »
Ensuite Mathieu Kassovitz met en accusation les méthodes utilisées par l'armée. Le fait d'avoir utilisé l'armée de terre pour faire du maintien de l'ordre est tr&
egrave;s clairement une faute politique. Ce n'est ni son rôle, ni son métier, qui demande l'expérience d'une gendarmerie rompue à cette délicate discipline. Mais le film va beaucoup plus loin, car il dénonce des exactions perpétrées par l'armée contre les populations civiles (violences, vexations, etc.). Sur ce point, Bernard Pons est étrangement muet.
Ce n'est en revanche pas le cas concernant les exécutions sommaires montrées sur la pellicule par l'armée. Ces faits graves doivent, pour être soutenus, être prouvés. Témoignage contre témoignage ne suffit pas, ce qui permet une nouvelle fois à Bernard Pons de mettre Mathieu Kassovitz en difficulté dans un communiqué diffusé sur le site ladepeche.fr le 28/10/2011 : « La deuxième affirmation est qu'il y aurait eu, après
l'assaut, des exécutions sommaires. Qu'il nous explique alors pourquoi le procès-verbal de son audition sous serment, par la gendarmerie, au lendemain de l'assaut, ne fait pas mention de ces crimes auxquel il aurait assisté. » Et l'ancien ministre d'enfoncer le clou : « Pourquoi, le 12 mai 1988, dans une interview à l'AFP, il disait « affirmer aujourd'hui que des ravisseurs ont été exécutés est un mensonge pur et simple, et constitue une injure pour les morts kanaks, tous tombés les armes à la mains. » ? »
Face à cette sérieuse remise en cause de son œuvre, Mathieu Kassovitz contre-attaque mollement et se retranche, dans l'émission lelabô (wat.tv), derrière le fait que l'ancien ministre n'a pas vu
le film.
Devant lui une opposition frontale. Comme l'indique le Figaro dans un article du 12 novembre 2011, « dès le 3 novembre, Bernard Pons, ministre des Dom-Tom au moment des faits, le général Jacques Vidal, qui commandait l'opération «Victor» , le colonel de gendarmerie Alain Benson, chargé des opérations de police judiciaire après l'assaut, et le magistrat otage Jean Bianconi ont publié un communiqué commun. Ils y affirment qu' « ils n'ont eu ni les comportements, ni tenu les propos qui leur sont respectivement prêtés, lesquels relèvent d'une déformation de la réalité, voire de la pure désinformation. » »
Ce qui ressemble à un conflit à couteaux tiré
s entre de vieux crocodiles luttant pour leur réputation permet donc de soulever des questions historiques, qu'il appartient à des spécialistes objectifs de trancher. Mais il est cependant dans le film un discours d'ordre éthique, prêté au Général Vidal, chef des opérations à ce moment là et auteur d'un livre intitulé La grotte d'Ouvéa : la libération des otages (paru en 2010), qui est inacceptable et qu'il convient de mettre en lumière. Celui-ci aurait affirmé qu'être soldat, c'est obéir même quand les ordres vont contre sa conscience : « Vous allez suivre les ordres, dit-il, même s’ils vont à l’encontre de votre morale personnelle » Cette affirmation est très grave, car elle fait du soldat un outil absolument déshumanisé. Or le fait d'être militaire n'empê
che aucunement l'homme d'être doué d'une liberté dont il doit faire bon usage. Comment accepter par exemple qu'un soldat viole une femme ou tue des enfants sous les ordres d'un supérieur (cas d'école indépendant du film) ? Il est évident que celui qui s'y refuserait, risquant ainsi les foudres de sa hiérarchie, serait un modèle de probité ! Ce qui est en revanche normal, c'est qu'un soldat n'ayant pas en possession toutes les informations nécessaires soit tenu d'obéir, car c'est le ciment d'une bonne armée, mais à la condition évidente que les actes à poser ne soient pas intrinsèquement mauvais !
Que ces propos aient été tenus par le général, ou que Mathieu Kassovitz ait trahi par un mensonge une vision pitoyable de la condition militaire est accessoire. Il appartient au critique que
je suis de dénoncer l'erreur, pas de condamner des personnes...
Une deuxième position est également à étudier avec rigueur. Pour Mathieu Kassovitz, il semblerait que l'ordre se distingue si bien de la morale qu'il soit possible de les opposer (cf. synopsis du dossier de presse : « lorsque les enjeux sont politiques, l’ordre n’est pas toujours dicté par la morale... » ou encore « L’ordre et la morale, c’est vraiment le sujet du film. Peut-on concilier les deux ? Et comment ? Ce titre peut se lire à plusieurs niveaux. ») Cette vision très à gauche de l'ordre, qui justifia le soulèvement soixante-huitard qu'on sait, est très inexacte sitôt qu'on pose, comme le veut l'excellence de la philosophie réaliste, l'exigence de
la finalité. Car l'ordre n'est pas un but en soit, mais le moyen d'autre chose. Il est cette organisation garantissant naturellement les biens propres à la collectivité, appelés « biens communs » et fondus ensemble sous le vocable singulier de « bien commun. » La science qui constate ce fait indiscutable sous peine de tomber dans tous les totalitarismes s'appelle ni plus ni moins la « morale. » Sitôt que cet ordre change de finalité, il n'est plus un ordre au sens moral du terme. Il devient une structure ou une organisation folle, constatée empiriquement par ses signes extérieurs, matérialisés sous forme de lois et de règlements, sujette à toutes les dérives.
Le film est donc hautement polémique et mérite que l'on pose trè
s clairement la question de l'autodétermination des peuples. Mais Mathieu Kassovitz tranche la question sans qu'il soit besoin de référendum, en partant du postulat que la France est une profiteuse ingrate. Tout le film se déroule sur cette idée et, si c'est la morale de l'histoire, il faut y mettre bon ordre !
Puisqu'on vous dit qu'il est en forme, notre Mathieu Kassovitz ! Cette tête de premier de la classe, l'air de ne pas y toucher, qui se pose en champion de l'indépendantisme kanak, cette façon de mêler les flashbacks aux longs plans-séquences, ce souci de réalisme dans les scènes de combat...
Ce même réalisateur qui avait commis La haine en 1995 s'investit à double titre (acteur et réalisateur) dans un film résolument partisan. Il s'agit non seulement pour lui de dénoncer l'action du gouvernement lors de la prise d'otage d'Ouvéa en 1988, où plusieurs gendarmes avaient été séquestrés dans la jungle calé
donienne par quelques indépendantistes bien énervés, mais également de dénoncer le colonialisme de manière générale : « il y a dans cette histoire une universalité qui me subjugue. La façon dont on pille les richesses d’une population en leur imposant des règles, des lois qui ne peuvent pas fonctionner chez eux. »
Contexte intéressant pour un cinéaste qui souhaite incarner cette question dans un fait réel, la France vit à cette période sa première cohabitation. Dur dur pour des militaires qui doivent bien recevoir les ordres de quelqu'un ! Même si, comme le veut la Constitution de 1958, François Mitterrand, le Président, est le chef des armées, Jacques Chirac, chef du gouvernement, a les moyens de jouer les trouble-fêtes.
style="margin-bottom: 0cm; font-style: normal;">D'une manière générale, il y a deux façons de voir les actions menées par des indépendantistes. La première est simple. Elle consiste à constater que le peuple ne souhaite pas l'indépendance, que l'action en question est illégale et que l'on ne s'attaque pas impunément à une grande puissance comme la France. C'est dans le film la position de l'armée de terre, du ministre de l'Outre-Mer Bernard Pons et de Jacques Chirac, dont on voit un extrait de son débat présidentiel avec François Mitterrand.
Ce dernier défend d'après Mathieu Kassovitz une deuxième option : celle du dialogue. C'est aussi, à en croire le film en tout cas, celle défendue par la gendarmerie,
dont les chefs pensent à démissionner pour envisager un assaut contre la position ennemie. Selon cette option, il faudrait parlementer avec les insurgés, comprendre ce qu'ils veulent, tout faire pour éviter de recourir à la force. Mettre les insurgés et l'État français sur un pied d'égalité, c'est aussi du même coup faire des indépendantistes des combattants de la liberté auquel le film donne la parole au travers de la relation entre le capitaine chargé de l'affaire et le chef des rebelles. Le réalisateur s'embrase ainsi pour « les relations qui se nouent entre cet officier du GIGN et ce jeune leader indépendantiste. La rencontre de deux personnalités qui se comprennent tout de suite. Ils ont tous les deux les mêmes ambitions et les mêmes besoins de justice. »
Le spectateur est donc invité à louer la bravoure du capitaine Legorjus, chef du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), même si le réalisateur s'en défend (« je leur répondais [NDLR : aux kanaks] que le but du film n’était pas d’en faire un héros, ni un traître d’ailleurs, mais simplement de raconter ce qu’il avait vécu… »). Cet ancien membre du GIGN a d'ailleurs collaboré au film, pour raconter comment il a tenté par tous les moyens de préserver le dialogue avec les terroristes pour éviter des morts : « je lui ai fait lire assez vite toutes les premières versions du scénario, raconte Mathieu Kassovitz.
span>J’avais besoin qu’il me donne son avis sur la direction que nous avions prise, qu’il me corrige, qu’il rectifie des erreurs d’appréciation possibles. Je savais à quel point cette histoire est importante pour lui. »
Seulement voilà... Il semblerait que la position du réalisateur, de l'officier et de ses amis soit hautement contestable !
D'une part il ressort du film lui-même une incohérence. Alors que le cinéaste donne nettement sa préférence à François Mitterrand pour son souci du dialogue, il est dit clairement dans le scénario que c'est le Président lui-même qui a donné l'ordre d'intervenir. Les mauvaises langues seraient donc tentées d'y
voir là une position hypocrite du meneur socialiste, puisqu'il a fait le contraire de ce qu'il affirmait lors de cette controverse. Bernard Pons, directement mis en cause par le film, s'engouffre donc intelligemment dans la brèche : « François Mitterrand était président. Jacques Chirac, Premier ministre, affirme-t-il au quotidien 20 minutes le 16 avril 2011. S'ils ont donné l'ordre d'attaquer, c'est parce que la vie d'hommes était en jeu et non pas parce qu'ils étaient au coude-à-coude avant le second tour de la présidentielle. »
Ensuite Mathieu Kassovitz met en accusation les méthodes utilisées par l'armée. Le fait d'avoir utilisé l'armée de terre pour faire du maintien de l'ordre est tr&
egrave;s clairement une faute politique. Ce n'est ni son rôle, ni son métier, qui demande l'expérience d'une gendarmerie rompue à cette délicate discipline. Mais le film va beaucoup plus loin, car il dénonce des exactions perpétrées par l'armée contre les populations civiles (violences, vexations, etc.). Sur ce point, Bernard Pons est étrangement muet.
Ce n'est en revanche pas le cas concernant les exécutions sommaires montrées sur la pellicule par l'armée. Ces faits graves doivent, pour être soutenus, être prouvés. Témoignage contre témoignage ne suffit pas, ce qui permet une nouvelle fois à Bernard Pons de mettre Mathieu Kassovitz en difficulté dans un communiqué diffusé sur le site ladepeche.fr le 28/10/2011 : « La deuxième affirmation est qu'il y aurait eu, après
l'assaut, des exécutions sommaires. Qu'il nous explique alors pourquoi le procès-verbal de son audition sous serment, par la gendarmerie, au lendemain de l'assaut, ne fait pas mention de ces crimes auxquel il aurait assisté. » Et l'ancien ministre d'enfoncer le clou : « Pourquoi, le 12 mai 1988, dans une interview à l'AFP, il disait « affirmer aujourd'hui que des ravisseurs ont été exécutés est un mensonge pur et simple, et constitue une injure pour les morts kanaks, tous tombés les armes à la mains. » ? »
Face à cette sérieuse remise en cause de son œuvre, Mathieu Kassovitz contre-attaque mollement et se retranche, dans l'émission lelabô (wat.tv), derrière le fait que l'ancien ministre n'a pas vu
le film.
Devant lui une opposition frontale. Comme l'indique le Figaro dans un article du 12 novembre 2011, « dès le 3 novembre, Bernard Pons, ministre des Dom-Tom au moment des faits, le général Jacques Vidal, qui commandait l'opération «Victor» , le colonel de gendarmerie Alain Benson, chargé des opérations de police judiciaire après l'assaut, et le magistrat otage Jean Bianconi ont publié un communiqué commun. Ils y affirment qu' « ils n'ont eu ni les comportements, ni tenu les propos qui leur sont respectivement prêtés, lesquels relèvent d'une déformation de la réalité, voire de la pure désinformation. » »
Ce qui ressemble à un conflit à couteaux tiré
s entre de vieux crocodiles luttant pour leur réputation permet donc de soulever des questions historiques, qu'il appartient à des spécialistes objectifs de trancher. Mais il est cependant dans le film un discours d'ordre éthique, prêté au Général Vidal, chef des opérations à ce moment là et auteur d'un livre intitulé La grotte d'Ouvéa : la libération des otages (paru en 2010), qui est inacceptable et qu'il convient de mettre en lumière. Celui-ci aurait affirmé qu'être soldat, c'est obéir même quand les ordres vont contre sa conscience : « Vous allez suivre les ordres, dit-il, même s’ils vont à l’encontre de votre morale personnelle » Cette affirmation est très grave, car elle fait du soldat un outil absolument déshumanisé. Or le fait d'être militaire n'empê
che aucunement l'homme d'être doué d'une liberté dont il doit faire bon usage. Comment accepter par exemple qu'un soldat viole une femme ou tue des enfants sous les ordres d'un supérieur (cas d'école indépendant du film) ? Il est évident que celui qui s'y refuserait, risquant ainsi les foudres de sa hiérarchie, serait un modèle de probité ! Ce qui est en revanche normal, c'est qu'un soldat n'ayant pas en possession toutes les informations nécessaires soit tenu d'obéir, car c'est le ciment d'une bonne armée, mais à la condition évidente que les actes à poser ne soient pas intrinsèquement mauvais !
Que ces propos aient été tenus par le général, ou que Mathieu Kassovitz ait trahi par un mensonge une vision pitoyable de la condition militaire est accessoire. Il appartient au critique que
je suis de dénoncer l'erreur, pas de condamner des personnes...
Une deuxième position est également à étudier avec rigueur. Pour Mathieu Kassovitz, il semblerait que l'ordre se distingue si bien de la morale qu'il soit possible de les opposer (cf. synopsis du dossier de presse : « lorsque les enjeux sont politiques, l’ordre n’est pas toujours dicté par la morale... » ou encore « L’ordre et la morale, c’est vraiment le sujet du film. Peut-on concilier les deux ? Et comment ? Ce titre peut se lire à plusieurs niveaux. ») Cette vision très à gauche de l'ordre, qui justifia le soulèvement soixante-huitard qu'on sait, est très inexacte sitôt qu'on pose, comme le veut l'excellence de la philosophie réaliste, l'exigence de
la finalité. Car l'ordre n'est pas un but en soit, mais le moyen d'autre chose. Il est cette organisation garantissant naturellement les biens propres à la collectivité, appelés « biens communs » et fondus ensemble sous le vocable singulier de « bien commun. » La science qui constate ce fait indiscutable sous peine de tomber dans tous les totalitarismes s'appelle ni plus ni moins la « morale. » Sitôt que cet ordre change de finalité, il n'est plus un ordre au sens moral du terme. Il devient une structure ou une organisation folle, constatée empiriquement par ses signes extérieurs, matérialisés sous forme de lois et de règlements, sujette à toutes les dérives.
Le film est donc hautement polémique et mérite que l'on pose trè
s clairement la question de l'autodétermination des peuples. Mais Mathieu Kassovitz tranche la question sans qu'il soit besoin de référendum, en partant du postulat que la France est une profiteuse ingrate. Tout le film se déroule sur cette idée et, si c'est la morale de l'histoire, il faut y mettre bon ordre !